DERACHE

Derache fut véritablement un pionnier. Après un premier essai de regroupement des cadres dans l’Association des fonctionnaires supérieurs, il fonda en 1919 le syndicat des cadres du Réseau Nord sur le modèle de celui du Réseau de l’État créé quelques mois plus tôt par Poirier. Leur regroupement — sur lequel vinrent se greffer des syndicats d’autres réseaux — déboucha en 1920 sur la création de la Fédération des syndicats d’agents, des cadres et techniciens des chemins de fer.

Derache fut le premier dirigeant de l’organisation avec le titre de délégué général, puis resta membre du collectif de direction pendant une bonne dizaine d’années. Avocat convaincu d’une politique d’ouverture, il réclama lors du congrès de 1924 l’établissement de rapports avec les autres organisations de cheminots et de fonctionnaires. Reprises de congrès en congrès, ses propositions prirent davantage de crédibilité en 1934 alors que les décrets Doumergue qui frappaient cheminots et fonctionnaires entraînèrent la nécessité d’une risposte commune. Il déclara au congrès : « Messieurs, vous n’étiez pas des prolétaires, mais vous l’êtes devenus… vous serez des prolétaires exactement comme les agents d’exécution que vous avez peut-être trop longtemps dédaignés et il faut que vous vous unissiez à eux. »
En affirmant dès 1924 la nécessité pour la Fédération de définir une politique ferroviaire, Derache fut aussi le pionnier de ce qu’on appellera plus tard le « syndicalisme constructif » selon lequel l’action revendicative ne peut qu’être légitimée par des propositions constructives. Dans cette optique, il fit au congrès de 1935 une intervention solidement documentée sur la nécesité de fusionner les réseaux, de rentabiliser et promouvoir les lignes secondaires et de créer les conditions d’une concurrence équitable entre route et rail.

Président des retraités depuis 1932, Derache participa activement à la réflexion collective de la Fédération jusqu’en 1940. Invité de tous les congrès d’après-guerre en qualité de fondateur et de doyen de l’organisation, il intervenait toujours avec conviction sur l’unité ouvrière et le syndicalisme humaniste, deux thèmes qui lui tenaient particulièrement à cœur. Empêché par une santé déclinante d’assister au congrès de 1955, il fit parvenir une lettre où — à 88 ans — il engageait ses amis de la Fédération à « garder foi dans l’idéal syndicaliste ».