FONTANA Jean-François

Par Robert Kosmann

Maitron patrimonial (2006-2024)

Né le 7 juin 1954 à Corte (Haute-Corse) ; employé puis instituteur (1976-2016) : syndicaliste au SGEN-CFDT (1976-1996), co-fondateur puis secrétaire général de SUD Éducation (1996-2016).

Fils de Marcel Fontana, cafetier, et de Monique, née Cantié, sans profession, Jean-François Fontana avait une sœur cadette. Son père fut résistant, adhérent du Front national en 1942, et militant du PCF à la Libération ; sa mère fut active dans les associations caritatives (Secours catholique, Secours populaire). Un grand-père fut combattant FFI, un oncle maquisard puis combattant dans l’armée De Lattre. Du côté maternel un oncle fut militant communiste en Tunisie et soutien du FLN algérien.

Jean-François Fontana suivit l’école primaire et poursuivit au collège Paoli à Corte. Influencé par un professeur de philosophie d’extrême gauche, il participa à quatorze ans, en mai 1968, au piquet de grève de son établissement de Corte. Il obtint le baccalauréat en 1971. Il poursuivit ses études à la faculté de droit et science politique d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), où il effectua deux années en droit et trois années en sciences politiques mais sans enthousiasme et préféra quitter l’université sans avoir obtenu de diplôme. Sans engagement partidaire, il fréquenta d’abord des militants oppositionnels du PCF en 1972, des militants du MLAC d’Aix-en-Provence et des militants du Parti communiste révolutionnaire (PCR ml) maoïste de la même ville.

Jean-François Fontana commença sa carrière professionnelle comme clerc d’huissier à Marseille (Bouches-du-Rhône), en juillet 1975. Affecté à un travail de bureau qu’il jugeait sans intérêt, il démissionna pour des raisons idéologiques en juillet 1976, estimant la déontologie du métier en opposition avec ses propres convictions. Sur les conseils du PCR il tenta une expérience « d’établissement » dans les usines de la Solmer à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) mais ne fut pas accepté. Il travailla dans un garage durant l’été 1976 puis fut reçu au concours d’entrée de l’École normale d’instituteurs de Melun (Seine-et-Marne) en septembre 1976. Après sa formation (1976-1978) il devint instituteur puis professeur des écoles d’abord à Chelles (Seine-et-Marne) puis à Paris dans le XIIIe arrondissement.

Sur le plan syndical, il se syndiqua en octobre 1976 au SGEN-CFDT. Il fut porte-parole des élèves maîtres et animateur de la grève des normaliens de 1978, siégeant à la coordination des écoles normales et assurant le mandat de porte-parole de celle-ci. Il fut membre du bureau départemental du SGEN Seine-et-Marne (1978-1979) puis du bureau du SGEN de Paris (1979-1980). Il devint secrétaire départemental 1er degré du SGEN Paris en juin 1980, membre du bureau académique général du SGEN Paris (1982-1985). Il fut également secrétaire académique général (1985-1987) avec des mandats locaux et nationaux. Il obtint des décharges partielles de service à ce titre. Sur l’ensemble de sa vie professionnelle il considérait qu’entre « un quart et un demi de son temps fut occupé par la défense des adhérents du syndicat ». Il reprit une activité à plein temps de 1987 à 1989, car selon son témoignage, il ne souhaitait pas rester trop longtemps éloigné du métier. Il assuma à nouveau des mandats syndicaux en 1989, comme membre du bureau académique du SGEN Paris et représentant du personnel jusqu’en 1995-1996.

En novembre 1995, Jean-François Fontana participa à la grève contre la réforme de la Sécurité sociale et des retraites (plan Juppé). Le 24 novembre, des incidents eurent lieu dans la manifestation au cours de laquelle Nicole Notat, la secrétaire générale de la confédération CFDT dut être exfiltrée à la suite des protestations de manifestants contestant sa présence alors qu’elle soutenait le projet du gouvernement. Jean-François Fontana qui était présent parmi les manifestants fut interviewé par la télévision Antenne 2 en tant que représentant du SGEN Paris-CFDT. Il affirma « les réformes vont à l’encontre de l’intérêt des travailleurs, nous n’avons pas apprécié la provocation que constituait la présence de Nicole Notat, c’est pourquoi nous lui avons demandé fermement de partir en la raccompagnant jusqu’à sa voiture ». Cette déclaration fit scandale à la CFDT, les mandats syndicaux de Jean-François Fontana lui furent immédiatement retirés par les instances du SGEN et il eut interdiction de pénétrer dans les locaux du syndicat. L’opposition de gauche à la CFDT ne datait toutefois pas de cette période. Au congrès de Strasbourg de 1988, Edmond Maire parlait déjà de « moutons noirs » pour qualifier l’opposition. L’opposition chez les enseignants était divisée, une minorité souhaitait partir, les membres de la LCR (trotskistes) avaient créé une structure « Tous ensemble » d’opposition interne et rejetaient l’idée de partir, d’autres souhaitaient rejoindre la FSU ou la CGT.

Jean-François Fontana et le SGEN Paris, appuyés par d’autres sections de province convoquèrent le 6 mai 1996 une assemblée générale constitutive de SUD Éducation Paris. Il déposa les statuts du syndicat parisien et fit valider les statuts du syndicat national. Il en fut le premier secrétaire national. Toutefois, des tensions internes entre les militants retardèrent le congrès constitutif de la Fédération des syndicats SUD Éducation, qui eut lieu deux années plus tard, en 1998 à Lyon (Rhône). De 1996 à 1999, puis de 2013 à 2015 Jean-François Fontana eut des responsabilités et mandats au titre de SUD Éducation Paris, comportant des décharges syndicales à temps partiel (avec un retour au temps plein professionnel de 2005 à 2008, mais en conservant les mandats). Participation active aux grèves de l’Éducation nationale (contre Claude Allègre en 1999-2000, réforme des rythmes scolaires en 2013), de la Fonction publique (réformes des retraites 2003, 2010), aux mouvements sociaux (comme le Contrat premier embauche, CPE), et autres luttes (avec les sans-papiers de Saint-Bernard et l’association Droit au logement, DAL). Il fut responsable des questions juridiques et de la défense des personnels, ainsi que des stages de formation sur les droits et obligations des fonctionnaires de l’Éducation Nationale, en charge de la défense de nombreux collègues traduits en conseil de discipline. Il participa à une motion de SUD Éducation en 1998 en soutien aux prisonniers d’Action directe pour l’amélioration de leurs conditions d’incarcération.

Jean-François Fontana entra en conflit avec ses camarades de la Fédération et de l’Union syndicale Solidaires (que SUD Éducation avait rejoint) au croisement des années 2002-2003 pour des questions financières et de déménagement de local, mais surtout au moment des élections présidentielles de 2002 et du second tour des élections présidentielles opposant Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen. SUD Éducation et Solidaires utilisèrent la formule « Faire barrage à Le Pen dans la rue et dans les urnes ». Jean-François Fontana et SUD Éducation Paris s’opposèrent à la seconde proposition qui revenait, pour eux, à voter Chirac et prônèrent l’abstention. Dans la même période, émergea la volonté de s’organiser à l’échelle internationale, et SUD Éducation Paris craignait l’entrée de Solidaires dans la FSU et dans la Confédération européenne des syndicats (CES), qui n’eut pas lieu. Ils appuyaient la création d’une structure internationale : la FESALE (Fédération européenne syndicale alternative de l’éducation) qui n’eut qu’une vie éphémère. Il participa au Forum social européen de Paris et Saint Denis en 2003, ainsi qu’à des manifestations à Bruxelles, Cologne et Rome et fit un voyage militant avec le SGEN Paris au Nicaragua en 1989.

Sur le plan politique, après avoir été compagnon de route des maoïstes à Aix-en-Provence où il soutenait la Révolution culturelle chinoise, puis le groupe de Shanghai, Jean-François Fontana s’en détacha dans les années 1978-1979 devant « l’orientation de la Chine en faveur du libéralisme ». Il soutint et participa aux mobilisations pour les paysans du Larzac en 1972 et à l’usine LIP en1973. Il participa également aux mobilisations antiracistes avec le PCR en 1974 pour la défense de travailleurs nord africains. Il rencontra des libertaires lors de sa seconde année d’école normale, se mit à lire Proudhon, Lafargue, Daniel Guérin, puis Sartre, Beauvoir, Foucault, et les situationnistes Guy Debord et Raoul Vaneigem. Il se rapprocha ensuite de l’Union des travailleurs communistes libertaires (UTCL) en 1984 dans la lutte anti-hiérarchique. Il fit partie d’un collectif anti-hiérarchique mais ne donna jamais d’adhésion à une organisation politique, « ne voulant pas mélanger engagement syndical et engagement politique ».

Sur le plan personnel, Jean-François Fontana était resté célibataire. En 2022 il vivait à Paris. Militant en tant que retraité à SUD Éducation, il participait toujours aux Assemblées générales et aux actions de SUD Éducation Paris et participait à des aides juridiques ponctuelles en tant que défenseur syndical. Par ailleurs il était devenu un spécialiste des chansons de Barbara et contribuait de manière militante et bénévole à l’Association des amis de Barbara.

 

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/fontana-jean-francois/, notice FONTANA Jean-François par Robert Kosmann, version mise en ligne le 5 avril 2022, dernière modification le 7 octobre 2024.

Maitron patrimonial (2006-2024)

Par Robert Kosmann

ŒUVRE : Nombreux articles dans les journaux syndicaux du SGEN Paris puis de Sud Éducation.

SOURCES : Archives SUD Éducation. — Nombreuses interventions dans la presse nationale lors du lancement du syndicat SUD Education, notamment Le Monde, Libération (1995-1998). — Vidéos INA, en ligne. — Entretien et correspondance avec Jean-François Fontana février 2022.

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