Par Madeleine Peytavin
Maitron patrimonial (2006-2024)
Né le 24 juillet 1959 à Paris (XIVe arr.) ; cheminot, ouvrier professionnel puis technicien ; militant de la JOC puis de l’AOC ; syndicaliste CGT, secrétaire général du syndicat CGT de Villeneuve-Saint Georges (1989-1997), élu du comité régional d’établissement de Paris Sud-Est (1986-1988 puis 1993-1997), secrétaire général du secteur de Paris Sud-Est (1997-2003), membre de la commission exécutive de la Fédération CGT des Cheminots (1983-2014), membre du bureau de la Fédération CGT des Cheminots (2003-2014) ; militant communiste (1983-2020) ; élu local à Villeneuve-Saint-Georges (1989-1995 puis 2014-2020).
Christian Joncret était le fils de Georges Joncret et de Geneviève Genin. Au moment de sa naissance, ses parents exerçaient comme concierges dans un immeuble du centre de Paris (1er arr.). En 1961, son père fut embauché à la SNCF comme agent Mouvement au triage de Villeneuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise, puis Val-de-Marne). Affecté à un poste en 3×8, il bénéficia d’un logement dans une cité cheminote de la ville où la famille s’installa. En 1963, la sœur de Christian naquit à Villeneuve-Saint-Georges. La fratrie fut élevée dans la foi catholique. La mère, d’origine bretonne, catholique pratiquante, veilla à l’éducation religieuse de ses enfants dans un esprit de bienveillance et de tolérance. Cette éducation fut aussi marquée par les valeurs du monde ouvrier. Au travers des exemples de sa grand-mère maternelle, ouvrière agricole depuis son plus jeune âge, et de son père cheminot, Christian prit très vite conscience d’appartenir à une classe ouvrière dont il voulut être fier.
Christian Joncret effectua sa scolarité à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) puis à Paris. En 1977, il obtint un BEP d’électronique puis, en 1980, le baccalauréat d’électronique au lycée Jacquard à Paris. Durant ses années lycéennes, il commença à militer. En 1978, il adhéra à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Il entama un travail de réflexion sur le mouvement ouvrier qu’il prolongea, de 1985 à 1989, au sein de l’Action catholique ouvrière (ACO). La formation militante qu’il y reçut reposait sur une démarche d’action organisée en trois temps : voir, juger, agir. Il s’agissait de faire le constat de la situation, d’en analyser les causes et d’agir collectivement pour la transformer. Au sein du mouvement, il occupa des responsabilités départementales et nationales entre 1981 et 1985.
En 1980, Christian Joncret fut embauché à la SNCF comme ouvrier qualifié aux ateliers de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne). Par la suite, il accéda aux grades d’ouvrier principal puis de technicien. En 1997, il devint permanent au secteur fédéral de Paris Sud-Est. Il y demeura jusqu’en 2003, année où il fut placé en service libre au titre de ses responsabilités syndicales à la fédération. Il conserva ce statut jusqu’à son départ en retraite en 2017.
Dans la continuité de son engagement catholique, Christian Joncret adhéra à la CGT en 1980. Très vite, il prit des responsabilités syndicales. En 1983, il fut élu délégué du personnel et, trois ans plus, il devint secrétaire du comité régional d’établissement de Paris Sud-Est. Ses premières années d’engagement cégétiste furent marquées par la figure de Gérard Roussel, secrétaire du syndicat CGT de la gare de Lyon et premier secrétaire du Comité d’Entreprise de la région de Paris-Sud-Est. Christian Joncret apprécia le charisme de cet ancien joueur de l’équipe de France et arbitre international de handball, qui lui répétait toujours : « la différence entre toi et la direction, c’est que toi, tu as été élu DP par les cheminots, la direction a été nommée, on ne sait sur quels critères ».
En 1985, Christian Joncret participa à la lutte des ouvriers de l’entreprise SKF sise à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). L’établissement, spécialisé dans la fabrication de boulons, regroupant près de 500 ouvriers, était sous la menace d’un projet de fermeture depuis 1983. En 1985, ouvriers et CRS s’opposèrent pour le contrôle des locaux. La violence des affrontements fut terrible, chaque camp compta plusieurs blessés. Christian Joncret participa à l’expulsion des CRS et fut heureux d’en sortir indemne. Par la suite, le gouvernement ouvrit des négociations sur le devenir de l’établissement, négociations auxquelles la direction de l’entreprise dut participer.
L’année suivante, Christian Joncret participa au conflit cheminot de l’hiver 1986-1987. Celui-ci visait à s’opposer à la nouvelle grille salariale dite « au mérite » proposée par la direction de la SNCF et le ministre délégué aux Transports, Jacques Douffiagues. La grève dura près d’un mois. Elle vit s’opposer les organisations syndicales et les coordinations au sujet de la manière d’organiser la lutte. En responsabilité à la CGT, Christian Joncret conduisit les assemblées générales de l’atelier TGV avec les autres organisations syndicales jusqu’au retrait du projet de nouvelle grille salariale. En 1989, il fut élu secrétaire du syndicat CGT des cheminots de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), fonction qu’il conserva jusqu’en 1997. À cette fonction, en 1994, il organisa l’action des personnels de Paris-Conflans. Ceux-ci se mobilisèrent pour protester contre les pertes de salaires subies lors des formations longue durée, pertes de salaire particulièrement importantes pour les salariés travaillant en 3×8. La CGT mit en œuvre une pétition qui fut signée par la quasi-totalité du personnel, puis elle organisa avec les délégués du personnel un rassemblement suivi par 80 cheminots, soit les deux tiers des effectifs présents sur le site. Les cheminots mobilisés décidèrent d’envahir la salle où se tenait la réunion statutaire des délégués du personnel. La pétition fut présentée au chef d’établissement qui refusa le maintien de salaire des cheminots pendant les formations longues. Face à ce refus, Christian Joncret proposa d’occuper le poste de l’Organisation des commandes TGV (OCTGV). Plus aucun TGV ne sortit du dépôt. Pris par le rapport de force, la direction de l’établissement accepta de négocier. Cette action permit d’avancer sur le maintien de la rémunération pendant les formations longues, en avance sur l’accord Formation qui intervint bien plus tard. Néanmoins, il fallut veiller à préserver l’intégrité des cheminots mobilisés. Le chef d’établissement adressa un blâme avec Inscription (BAI) aux personnels impliqués dans l’action. Ceux-ci répliquèrent alors par une grève de 24 heures décidée pour chaque prise de service. Elle fut suivie par 80% du personnel.
Pendant l’hiver 1995, Christian Joncret participa au grand mouvement social contre le projet de réforme des retraites proposé par le gouvernement Juppé. Malgré l’hiver et la proximité des fêtes de fin d’années, les cheminots s’engagèrent dans un long conflit qui bénéficia du soutien de la population. Des manifestations dans les rues de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) se déployèrent et la solidarité s’exprima fortement. À l’inverse de 1986-1987, Christian Joncret mesura la maturité du mouvement revendicatif. Pour l’illustrer, il citait l’exemple de ce cheminot qui, après quinze jours de grève, exprima ses difficultés financières à ses camarades et son impossibilité de continuer la grève. Cette réaction fut accueillie avec solidarité et acceptée de tous. Le succès de la grève de 1995 marqua un tournant dans l’histoire récente du syndicalisme cheminot.
Entre 1997 et 2003, il fut élu secrétaire du secteur de Paris Sud-Est. À cette responsabilité, il eut notamment à gérer la mise en place des 35 heures en 1999. Christan Joncret se souvint que cette réforme, proposée par Martine Aubry au nom du gouvernement de Lionel Jospin, ne fut pas toujours bien comprise par les salariés et par les militants de la CGT. Les oppositions furent parfois houleuses. Il conserva néanmoins le souvenir d’un moment irréel qui permit la création de 25 000 emplois et la possibilité de repos supplémentaires sans perte de salaire. Au cours de cette période, il occupa également les mandats de délégué du personnel de 1983 à 1999 et d’élu au Comité régional d’établissement de 1986 à 1988 puis de 1993 à 1997. Afin d’assumer au mieux ses responsabilités, il reçut diverses formations syndicales : une formation élémentaire en 1983, une autre dédiée à l’Organisation en 1985 ainsi que celle relative aux fonctions de secrétaire de syndicat en 1990.
Entre 2003 et 2014, il fut membre du bureau de la Fédération CGT des Cheminots. Il y fut chargé des secteurs de la Formation syndicale, de l’Organisation et des CE/ CCE. Par ailleurs, il eut également la charge de la politique internationale de la Fédération. À ce titre, de 2003 à 2014, il entra au comité exécutif de la Fédération européenne des transports (ETF).
En 1983, dans la continuité de son engagement jociste, Christian Joncret adhéra au Parti communiste français. Sa première carte lui fut remise par Gérard Roussel. Habitant à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Mrne), il s’investit dans la vie municipale. Il effectua un premier mandat d’élu local de 1989 à 1995 puis, un second de 2014 à 2020. En 2020, il fut candidat au premier tour des élections municipales mais se retira au second tour, en désaccord avec la fusion de liste opérée localement. Cette même année, il mit fin à son engagement communiste en raison des désaccords avec la ligne politique suivie.
En 2017, au moment de son départ en retraite, il rendit hommage à certains de ses camarades de lutte. Il eut une pensée particulière pour Michel Joly, prêtre en mission ouvrière et Jean-Claude Daroux, un chef d’équipe des ateliers de Villeneuve-St-Georges (Val-de-Marne). Il se souvint aussi des fortes amitiés liées tout au long de son engagement. Il y eut surtout Valère Elley et Pascal Lama qui lui firent découvrir la musique rock, les concerts de Trust en 1979 puis Gallagher et Lavilliers. Il se remémora engin sa participation à l’Association France-Amérique Latine (FAL), avec laquelle il participa à la construction d’une école au Nicaragua. Sa responsabilité à l’international lui permit de faire de nombreuses rencontres très enrichissantes. Venu le temps de la retraite, il s’investit également dans l’Institut d’histoire sociale de la Fédération CGT des Cheminots.
Maitron patrimonial (2006-2024)
Par Madeleine Peytavin
SOURCES : Arch. IHS-CGT Cheminots. — La Tribune des cheminots, octobre 1994, n°716. — Discours de Christian Joncret lors de son départ en retraite, 25 mars 2017. — Entretiens avec l’intéressé entre juin et août 2022. — Notes de l’intéressé, avril 2022.