Par Notice complétée par Guillaume Davranche et Claire Auzias
Maitron patrimonial (2006-2024)
Né le 15 mai 1885 à Balta, au nord d’Odessa (Empire russe); tailleur; anarchiste individualiste déporté au bagne de Guyane.
En 1905, fuyant les pogroms, Jacob Law suivit sa famille qui émigrait à New York, où il travailla comme tailleur et peintre décorateur. A cette époque, il devint anarchiste sous l’influence de la lecture du poète anarchiste yiddishophone David Edelstadt. En juillet 1906, il quitta le Nouveau Monde et, le 8 août 1906, arriva à Paris. Il fut hébergé un temps chez une tante, brocanteuse au Carreau des Halles, puis se plaça comme tailleur chez un patron, qu’il finit par quitter fin avril 1907. Il habitait alors rue Ordener chez un compagnon tailleur, russe comme lui, Kodrovski.
Le 1er mai 1907 à Paris, place de la République, il tira cinq coups de revolver depuis l’impériale d’un omnibus, sur les cuirassiers à cheval. Un seul d’entre eux fut légèrement blessé. Arrêté aussitôt par les voyageurs, il échappa de peu à un lynchage. Lors de son procès, le 9 octobre 1907, ses propos furent confus et contradictoires. Il reconnut qu’il était anarchiste individualiste, mais plaida la folie: «J’ai agi sous l’influence d’une force invisible, inconsciente, contre ma volonté. J’aurais tiré sur mon père à ce moment, tant j’étais poussé par une force invisible!» (Le Matin du 10 octobre 1907). L’expertise médicale refusa cependant de le tenir pour irresponsable et il fut condamné le 10 octobre à quinze ans de travaux forcés.
Il embarqua pour l’île Saint-Joseph (Guyane) le 17 juillet 1908, et resta au total dix-huit ans au bagne de Guyane, dans des conditions terribles, demeurant néanmoins toujours fidèle à ses convictions.
En 1913, le CDS exhuma le dossier et mena campagne pour son amnistie. La campagne Péan-Masetti-Law fut la dernière grande campagne d’amnistie menée par le CDS et le mouvement anarchiste avant la Première Guerre mondiale.
Libéré le 18 mai 1925, après plusieurs évasions manquées, Jacob Law revint à Paris, où il fréquenta le mouvement anarchiste et livra un récit de sa déportation dans Dix-huit ans de bagne, où il portait un jugement sévère sur l’attitude des autres anarchistes qu’il avait croisé en Guyane: De Boë, Metge, Alexandre Jacob. À une exception près: «Dieudonné, seul, a su vivre seulement par son travail, sans porter préjudice à ses camarades du bagne.»
Il fut ensuite expulsé de France, retourna vraisemblablement dans sa région natale, et sa trace se perd.
Maitron patrimonial (2006-2024)
Par Notice complétée par Guillaume Davranche et Claire Auzias
ŒUVRE : Dix-huit ans de bagne, préf. d’André Colomer et Georges Vidal, dessins de Grandjouan, éd. de L’Insurgé, Paris, 1926, 128 p.(rééd. Egrégores, 2005 puis La Pigne, 2013).
SOURCES : Arch PPo BA/882 — Le Matin, Le Petit Parisien, L’Humanité du 10 octobre 1907 — Claire Auzias, «Jacob Law», Chimères n°58-59 (hiver 2005-printemps 2006) — Nancy Green, Les travailleurs immigrés juifs à la belle époque, Fayard, 1985. — ANOM Col H 1484.