Par Lucien Bianco
Maitron patrimonial (2006-2024)
Né à Haifeng (Guangdong oriental) à la fin du XIXe siècle ; tué à Canton en 1931. Communiste, commande une « armée » paysanne dans sa région natale au cours des années 1920.
Originaire de la ville natale de Peng Pai (澎湃), ancien élève du lycée de Haifeng, Lin Daowen participe dès 1922 au mouvement paysan animé par Peng. Diplômé au printemps 1925 de l’institut des cadres du mouvement paysan (troisième promotion, dirigée par Ruan Xiaoxian (阮嘨仙)), Lin manque être tué peu après, durant l’été 1925, par des soldats G.M.D. qu’il avait surpris en train de faire la contrebande de l’opium. Son compagnon Huang Guanyuan est tué au cours de l’engagement ; Peng Pai, qui lui fait donner les funérailles d’un héros, célèbre le « premier camarade de Haifeng mort pour le mouvement paysan » (d’autres devaient suivre très vite, à commencer par Li Laogong (李勞工) en compagnie duquel Peng serait allé exécuter les assassins de Huang). Lin devient au cours des années qui suivent l’un des principaux chefs militaires du mouvement paysan dans la région de la Rivière de l’Est. A la tête d’une « Armée révolutionnaire des ouvriers et paysans » aux effectifs très réduits (elle a rarement atteint un millier d’hommes), Lin Daowen tient les montagnes du nord du xian de Haifeng durant l’année 1927. Il participe aux deux coups de main (baptisés « insurrections », bien qu’ils s’apparentent plutôt à des raids) qui assurent aux communistes la maîtrise de la ville de Haifeng, chaque fois pour une bonne semaine, en mai et septembre 1927. Battu dans la nuit du 9 mai, Lin reprend la ville le 17 septembre, fait exécuter quelques centaines d’opposants, démanteler la seule usine textile moderne et piller les mont-de-piété, avant de regagner les montagnes septentrionales dès qu’est signalée l’approche des renforts ennemis. Un mois plus tard, le 19 octobre, Lin reçoit lui-même des renforts, mais des renforts en piètre condition physique et morale : les rescapés de l’insurrection de Nanchang, parvenus dans la région de la Rivière de l’Est au terme de leur lamentable odyssée (voir Ye Ting (葉挺), He Long (賀龍)). Lin les réconforte en leur faisant distribuer du riz (en partie confisqué aux propriétaires fonciers), du porc, des sandales de paille et des chapeaux en bambou, puis pour finir de nouveaux uniformes. Il forge ainsi une nouvelle unité et se prépare aussitôt à prendre en tenaille Haifeng en coordonnant l’attaque de plusieurs détachements de soldats et de guérilleros paysans. Après s’être débarrassé, grâce à une embuscade réussie, d’une « armée de pacification » envoyée à sa rencontre, Lin Daowen s’empare de Haifeng pour la troisième fois en quelques mois (1er novembre 1927) et s’empresse d’y proclamer le premier gouvernement soviétique de l’histoire de la révolution chinoise (voir Peng Pai). Deux semaines et demie plus tard, Lin part faire le siège de la ville de Jiesheng (xian de Lufeng), qui résiste au nouveau régime. Au bout de quarante-huit heures, il regagne Haifeng en vainqueur et ramène une trentaine de prisonniers, que Peng Pai fait aussitôt mettre à mort. Après la chute du soviet (voir Peng Pai), Lin Daowen poursuit d’abord la guérilla dans les montagnes situées au nord de Haifeng, puis se réfugie à Hong Kong, où il est pris en 1931. Transféré sur le continent pour être exécuté à Haifeng, il est fusillé dès son arrivée à Canton.
« Daowen la petite vérole » (le visage de Lin Daowen portait les marques de la variole) était légendaire parmi les paysans de Haifeng. Habile à tendre des embuscades aux forces de l’ordre et aux milices des propriétaires fonciers, Lin était en outre redouté pour son audace. Audace encore insuffisante aux yeux de certains de ses partisans, les paysans Hakkas en particulier, qui mettaient la bravoure au-dessus de toute autre considération. Surpris, un jour de l’été 1927, en compagnie de son secrétaire et de son garde du corps par des soldats G.M.D., Lin avait trouvé refuge dans une montagne voisine : les montagnardes prièrent aussitôt les trois hommes de garder leurs enfants et s’en furent elles-mêmes pourchasser l’ennemi, qu’elles mirent en fuite. Un ou deux mois plus tard, à l’issue de la seconde occupation de Haifeng, Lin eut du mal à persuader les paysans de la nécessité d’évacuer la ville, en raison du manque d’armes et de munitions. Cet épisode illustre la mentalité superstitieuse aussi bien que la témérité de ces paysans gagnés à la révolution : le 25 septembre 1927, à l’heure où armée G.M.D., milice et police étaient sur le point d’écraser la seconde révolte de Haifeng, Lin Daowen croisa une procession de paysans qui s’en allaient porter des offrandes au temple et prier pour l’arrivée rapide de renforts. Les processionnaires avaient entendu parler de l’approche de l’armée de Ye Ting et He Long, celle-la même qui ne devait arriver que trois semaines plus tard : les dieux avaient accepté l’offrande sans exaucer leur demande.
Maitron patrimonial (2006-2024)
Par Lucien Bianco
SOURCES : Galbiati (1981). — Hofheinz (1977).