MARION Paul, Jules, André

Par Michel Dreyfus

Maitron patrimonial (2006-2024)

Né le 27 juin 1899 à Asnières (Seine), mort le 1er mars 1954 à Paris ; journaliste ; membre du comité central du PCF (1926-1929) ; responsable de la propagande (1926-1927) ; exclu du PC le 22 septembre 1929 ; dirigeant du Parti populaire français 1936-1939 ; ministre à la propagande du maréchal Pétain.

Issu d’un milieu de « petits-bourgeois nationalistes », fils d’un avocat conseil venu s’installer à Paris en 1913, Paul Marion suivit les cours de l’école des frères à Asnières puis alla à Paris à l’école des Francs-Bourgeois jusqu’à l’âge de seize ans. Il tomba alors malade puis, tout en continuant seul ses études, vécut de petits métiers. Engagé volontaire au 10e régiment d’artillerie en janvier 1918, il fut définitivement démobilisé en janvier 1921 à Chaumont (Haute-Marne). Il avait obtenu son baccalauréat de lettres puis sa licence de philosophie. Il fut répétiteur à l’institution Pointeau (1921-1922) puis au collège Sainte-Barbe (1922-1923) où il aurait connu Marcel Ollivier et François Chasseigne.

Paul Marion adhéra au Parti communiste en 1921 ou 1922 selon les sources, mais lui-même indiqua, lors de sa démission (septembre 1929) avoir « milité sans relâche durant huit ans ». Membre de la 9e section de Paris, il fut très vite l’un des dirigeants de Clarté universitaire avec F. Chasseigne*, G. Cogniot* et G. Galperine*. Très rapidement aussi il collabora à la presse communiste l’Humanité, le Bulletin communiste, et donna à cette dernière revue plusieurs articles de décembre 1923 à octobre 1924. De novembre 1924 à janvier 1925, il enseigna à l’école communiste de Bobigny, dirigée par A. Kurella, où il donna des cours d’économie politique et d’histoire du mouvement ouvrier. En 1925, il fut également professeur à l’école communiste des rayons.

En mai 1925, Marion fut candidat sur la liste du Bloc ouvrier et paysan aux élections municipales dans le Ve arr. de Paris et recueillit 635 voix. Il était alors un partisan convaincu de la bolchevisation qu’il défendit dans les Cahiers du bolchevisme contre Fernand Loriot à qui il reprocha d’avoir jugé « désastreux » les résultats provoqués par la formation trop rapide de cellules d’entreprises. En février 1926, il fut désigné par le BP comme directeur intérimaire de cette publication en remplacement d’A. Treint* parti à Moscou et y publia plusieurs articles de fond. A l’issue du Ve congrès national du PC (Lille, juin 1926), il fut élu au comité central et devint le responsable du service de propagande du PC en tant que secrétaire de la section Agit-Prop. Il était également rédacteur à l’Humanité et se lia d’amitié durant ces années avec Gabriel Péri.

Ce militant en pleine ascension quitta Paris pour Moscou le 23 octobre 1927 afin de suivre les cours de l’école léniniste internationale. Logé à l’hôtel Bristol à Moscou, il fut détaché pendant une année dans les services de propagande du Komintern et rédigea pendant son séjour dans cette école un cours d’histoire du marxisme. Il aurait alors été proche des positions de Boukharine et Rykov. Il fit partie de la délégation française qui assista au VIe congrès de l’IC en août 1928. Revenu à Paris après un séjour de quinze mois, en février 1929, il reprit immédiatement ses fonctions de rédacteur en chef à l’Humanité. Mais il devait bientôt en démissionner et en donna les raisons dans une lettre au PC envoyée le 12 août 1929, publiée dans le Populaire le 21 août et le lendemain dans l’Action française. Il expliquait cette démission par ses désaccords avec la politique suivie par le PC depuis deux ans, mais aussi par sa désillusion face à l’URSS où « la domination d’une caste sur un pays qu’elle maintient dans la misère économique et morale par sa politique insensée…va s’aggravant ». Définitivement découragé par l’orientation qui s’était dégagée du VIe congrès du PC (Saint-Denis, 31 mars-7 avril 1929) où il ne fut d’ailleurs pas réélu au comité central, puis par le fiasco représenté par la journée de manifestation contre la guerre (1er août 1929), il avait décidé de rompre avec le parti, convaincu que « l’activité démagogique et néfaste » de la direction du PC trouvait « sa source dans la conception irrémédiablement fausse que les dirigeants de l’URSS et de l’Internationale se font de l’évolution économique et politique du monde, du mouvement ouvrier… ». Il terminait sa lettre en réaffirmant son attachement à l’idée de lutte pour l’émancipation des travailleurs en précisant : « … Je me suis convaincu que ce n’est pas avec la doctrine et les moyens communistes qu’on y parviendra mais bien plutôt selon les méthodes dont le mouvement travailliste anglais dans son ensemble nous fournit un si puissant modèle. » Sa lettre ne fut pas publiée dans l’Humanité, comme il le demandait.

A la suite de cette lettre, Marion fut définitivement exclu du Parti communiste le 22 septembre 1929 et fut pris à partie par les Cahiers du bolchévisme (« Le pou Marion », novembre 1929). Il suivit alors une carrière de journaliste et durant plusieurs années ne semble pas avoir appartenu à une formation politique. En 1930, il aurait été administrateur de la caisse de solidarité du syndicat unitaire des cochers-chauffeurs, mais on ne sait que peu de choses sur cette activité. Cette même année, il fit un récit de son séjour en URSS qu’il conclut par une analyse de la société soviétique. Selon un rapport de police, il aurait rencontré en novembre de la même année Maurice Thorez à l’angle des rues Lafayette et du faubourg Saint-Denis et les deux hommes en seraient venus aux mains avant de s’esquiver à l’arrivée des gardiens de la paix. Paul Marion fut journaliste au Quotidien (1931-1934), à la République, à l’Europe nouvelle et fréquenta les milieux pacifistes inspirés alors par Aristide Briand. En 1930 il fit la connaissance de Jean Luchaire qui lui demanda de tenir la rubrique sociale de Notre temps et c’est par l’intermédiaire de Pierre Brossolette, alors rédacteur à cette revue qu’il aurait rencontré Otto Abetz alors social-démocrate, qu’il devait revoir trois autres fois jusqu’en 1935. Mais il n’appartint jamais au comité France-Allemagne et rompit avec le pacifisme en 1936.

En 1931, il se lia au groupe de la Vie socialiste (Pierre Renaudel, Marcel Déat, Barthélémy Montagnon, Adrien Marquet). Quand la scission « néo » eut formé en novembre 1933 le Parti socialiste de France, Marion adhéra à cette organisation. À la demande de Georges Roditi, rédacteur en chef de la revue néo-socialiste l’Homme nouveau, il participa — en tant que journaliste selon ses dires — au colloque franco-italien sur le corporatisme qui se réunit à Rome du 19 au 23 mai 1935, et où du côté français furent notamment présents Emmanuel Mounier,, Robert Aron, Jean de Fabrègues, et du côté italien des responsables des institutions fascistes. Ce fut également en 1934 et 1935 qu’il se lia au groupe « Travail et Nation » qu’animaient notamment Yves Paringaux, Jean Coutrot et Pierre Pucheu qu’il devait retrouver ultérieurement à Vichy, ainsi qu’au groupe du « 9 juillet » impulsé par Jules Romains. Comme il l’expliqua lors de son procès en haute-cour son action et sa pensée politique voulaient alors réconcilier Travail et Nation.

En novembre le Parti socialiste de France fusionna avec le Parti socialiste français et le Parti républicain socialiste pour donner naissance à l’Union socialiste républicaine. Marion y adhéra et fut membre du bureau exécutif de la Région parisienne chargé de la propagande. Candidat de cette formation sous le titre Union républicaine aux élections législatives de 1936 dans la 1re circonscription du XXe arr. (Belleville, Saint-Fargeau), il ne fut pas élu. Quelques semaines plus tard, le 28 juin, Marion adhéra au Parti populaire français que conduisait Jacques Doriot où il se vit confier la fonction de secrétaire général à la propagande. En juillet 1937, il fut élu directeur de la propagande du PPF, puis en août rédacteur en chef du journal la Liberté et le resta jusqu’en 1939. Deux mois plus tard, il était directeur politique de la Fédération Paris-ville du PPF. Mais au moment de la crise de Munich, Doriot ayant refusé de protester contre les revendications italiennes sur la Tunisie, la Corse et la Savoie, Marion quitta le PPF le 31 janvier 1939 et se rapprocha de L.-O. Frossard, alors indépendant. Sous le titre Leur combat, il publia la même année un livre sur la technique révolutionnaire de Lénine, Mussolini, Hitler et Franco.

Mobilisé le 25 août 1939 comme maréchal des logis à Rambervillers (Vosges), Marion fut fait prisonnier le 21 juin 1940 près de Baccarat et libéré le 8 janvier 1941, probablement sur intervention de l’ambassade d’Allemagne, ainsi que de personnalités telles que J. Luchaire et J. Benoist-Méchin. Le 23 février 1941 il fut désigné comme secrétaire général adjoint à la vice-présidence du Conseil, chargé de la propagande sous l’amiral Darlan, puis en août 1941 secrétaire général de l’information et de la propagande. Lorsque P. Laval revint au pouvoir le 18 avril 1942, Marion devint secrétaire d’État à l’information et s’appliqua à réorganiser complètement ce secteur tout en défendant par la parole et par l’écrit la politique de collaboration. Il conserva ce poste jusqu’au 6 janvier 1944, date à laquelle il fut remplacé par Philippe Henriot. Il resta cependant secrétaire d’État auprès du gouvernement. Ayant quitté Paris dans la nuit du 16 au 17 août 1944, il suivit Pétain et Laval à Sigmaringen jusqu’au 3 mars 1945 et après s’être réfugié dans le Tyrol se constitua prisonnier le 12 juillet 1945 à Innsbruck.

Son engagement total dans la collaboration lui valut un procès en haute-cour de justice du 8 au 14 décembre 1948. Son honnêteté personnelle ne fut pas mise en cause, et il ne semble pas s’être livré à des dénonciations. Un de ses avocats fit état d’une déclaration d’Angelo Tasca qui, membre d’un réseau franco-belge de résistance, décoré pour ses activités, fut « le constant témoin des actes de M. Paul Marion à Vichy ». Selon A. Tasca, Marion serait « intervenu en faveur de persécutés de toutes sortes : gaullistes, communistes, juifs ». Il aurait « harcelé le secrétaire général de la police… pour obtenir la libération de nombreux ouvriers emprisonnés, communistes ou syndicalistes comme Renaud Jean ou Julien Racamond. Avant l’assassinat de Gabriel Péri par les Allemands, il est allé à Paris pour essayer de l’empêcher ; ensuite il a réussi à faire libérer sa femme du camp où elle était détenue. Il est intervenu de même pour faire libérer non seulement des éléments communistes notoires comme Jacques Sadoul, mais aussi de simples militants de même que des gaullistes comme André Raymond, chef d’un réseau de Résistance dans le Cantal. En intervenant il a exigé et obtenu qu’on n’oblige pas les intéressés à signer des textes de fidélité au maréchal et qu’on leur permette de gagner leur vie, une fois libérés. »

Bénéficiant de circonstances atténuantes, Marion fut condamné à dix ans de prison et à la dégradation nationale à vie. En raison de son état de santé, il bénéficia d’une mesure de grâce quelques mois avant sa mort.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/marion-paul-jules-andre/, notice MARION Paul, Jules, André par Michel Dreyfus, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 17 février 2025.

Maitron patrimonial (2006-2024)

Par Michel Dreyfus

ŒUVRE : La Crise financière, la faillite du Cartel, le programme communiste, Paris, Bureau d’éditions, 1926, 32 p., éd. en italien par le PC, La crisi finanziaria. Il fallimento del Cartello. Il programma comunista.Deux Russies, Paris, Nouvelle société d’édition, 1930, 288 p. — Socialisme et nation, Paris, Imp. Centaure, 1933, 24 p. — Programme du Parti populaire français, Paris, œuvres françaises, 1938, 125 p. — Leur combat. Lénine, Mussolini, Hitler, Franco, Paris, Fayard, 1939, 320 p. — Révolution nationale, révolution sociale, discours prononcé le 24 janvier 1942 à Toulouse, ministère de l’Information, 24 p. — Introduction à André Chaumet, Le Mythe bolchevique, Documents contemporains, 1942, 190 p. — Préface à Nouveaux destins de l’intelligence française, Éd. spéciale de « La France de l’esprit », Paris, Union bibliophile de France, 1942, 166 p. — Collaboration aux revues et journaux cités dans la biographie.

SOURCES : Arch. Nat. F7/13108 ; 3W239-244 : Haute cour. — Arch. Jean Maitron. — Marcel Ollivier, Un Bolchevik dangereux, souvenirs inédits. — D. Tartakowsky, Les Premiers Communistes français, Paris, FNSP, 1980. — J.-P. Brunet, Doriot, Balland, 1985. — H. Coston, Dictionnaire de politique française, tome 2, 1972. — Procès Paul Marion, Haute-cour de Justice, 8-14 décembre 1948. — Bulletin communiste, 1923-1924, passim. — Cahiers du bolchevisme, 1923-1929, passim, notamment n° 17 (avril 1923) et 68 (février 1929) ainsi que novembre 1929 (« Le pou Marion »). — L’Humanité, 22 avril 1925, 8-11 et 15 décembre 1948. — Action, 15 décembre 1948. — Le Monde, 3 mars 1954. — Cahiers Maurice Thorez, n° 3 (31), 1973. — Z. Sternhell, M. Szajder, Maria Ashéri, Naissance de l’idéologie fasciste, Fayard, 1989.

Alexandre Barry, Paul Marion, itinéraire d’un propagandiste (1899-1954), Master 2, 2015, Université Lyon 2, 174 p.