Par Astrig Atamian
Maitron patrimonial (2006-2024)
Né le 26 juillet 1900 à Adabazar dans le sancak d’Ismit, Arménien originaire de l’Empire ottoman, mort en 1983 ; cordonnier ; militant de la CGTU Cuirs et Peaux en 1924, du Parti communiste français en 1932 à Paris, secrétaire de la section bellevilloise du Comité d’aide à l’Arménie, résistant, déporté, assigné à résidence dans le Cantal en 1953, exclu du PCF en 1972.
Fils d’un tanneur, orphelin, Mihran Mavian, fut déporté et perdit ses parents au cours du génocide des Arméniens, pendant la Première Guerre mondiale. Après être passé par l’Égypte, la Grèce et la Bulgarie, il arriva en France en 1923. Lycéen à Adabazar, Mihran Mavian avait été contraint d’abandonner ses études et affirmait avoir complété son instruction à travers ses lectures de la presse communiste et des œuvres de Lénine. Outre l’arménien et le français, il maîtrisait le turc et avait des notions d’arabe et de grec. Mihran Mavian suivit des cours du soir et fut reçu au diplôme de bottier-modéliste avec la médaille d’argent. En 1924, il adhéra à la CGTU Cuirs et Peaux. Mihran Mavian fut amené au Parti communiste français par Khatchig Boyadjian, le responsable du travail syndical au sein de la sous-section arménienne. Il y adhéra en 1932. Il fréquentait le groupe de travail arménien de Belleville et faisait partie de la cellule 210 du 20e rayon où militaient d’autres Arméniens, dont Tchobanian, Khatchig et Hovnan Boyadjian.
Mihran Mavian fut mis à la porte de plusieurs établissements pour avoir activement pris part à différentes grèves. Il se consacrait à la propagande auprès des Arméniens de sa corporation et participait à la publication en arménien des feuilles L’Étoile rouge et Le Cordonnier. Également membre du HOK (Comité d’aide à l’Arménie), il fit partie de son Comité central et nommé secrétaire de sa section de Belleville qui regroupait 130 adhérents. Mihran Mavian était le correspondant de la section bellevilloise du périodique HOK.
Il occupait également le poste de secrétaire d’une association arménienne apolitique regroupant 70 membres. Sa femme Béatrice (née Ovsepian), qu’il avait épousée en 1930 et dont il eut deux enfants, était quant à elle tresseuse de chaussures et membre du Conseil de la section féminine du HOK.
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Mihran Mavian n’était pas perçu comme un bon élément par la Commission des cadres du PCF. Il fut pourtant parmi les premiers à être recruté dans les triangles arméniens de la MOI qui s’organisèrent à Paris dès octobre 1940 sous la supervision de Jacques Kaminski. Mihran Mavian se consacra alors essentiellement à la production et la diffusion de la littérature clandestine. À partir de janvier 1943, il apporta une aide logistique à ses compatriotes passés à la lutte armée. Au printemps 1942, c’est lui qui fournit à Léo Kneler – communiste allemand et FTP-MOI parisien – un certificat de baptême de l’Église arménienne au nom de Lévon Basmadjian pour parfaire sa nouvelle identité.
Mihran Mavian fut arrêté le 23 février 1944, deux jours après l’exécution au Mont-Valérien de vingt-deux combattants des FTP-MOI de Paris, dont Missak Manouchian leur chef. Incarcéré à Fresnes puis interné à Compiègne, il fut ensuite envoyé à Buchenwald puis dans le camp de Flossenbürg et ne rentra de déportation qu’en mai 1945.
À son retour à Paris, Mihran Mavian s’investit dans l’organisation du rapatriement des Arméniens vers l’Arménie soviétique et intégra le comité d’immigration qui se mettait en place sous l’égide du Front national arménien (FNA), rassemblement ayant servi de base arrière aux Arméniens de la MOI pendant la guerre.
Élément actif de l’UCFAF (Union culturelle française des Arméniens de France, fondée en 1949 à la suite de l’interdiction du FNA en 1948) et personnage central des milieux communiste et prosoviétique arméniens, Mihran Mavian subit la répression anticommuniste des cabinets successifs du début des années 1950. Il fut arrêté en juillet 1953, interrogé dans les locaux de la rue des Saussaies puis envoyé dans le Cantal où il fut assigné à résidence. Parmi les Arméniens communistes, d’autres vécurent la même expérience. Arrêté en avril, Alexandre Konstantinian, ancien FTP-MOI parisien, avait quant à lui été assigné à résidence dans le Puy-de-Dôme. La défense de ces anciens résistants dépassa le cadre arménien. Sous l’égide du Comité français pour la défense des immigrés (CFTI), un Comité national de défense de ces deux anciens résistants fut mis en place et parrainé par des personnalités issues du Mouvement de la Paix.
Proche des représentants soviétiques en France et ayant publiquement désapprouvé les réserves émises par Waldeck-Rochet sur l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie, Mihran Mavian fut écarté de la Commission nationale arménienne (CNA) du PCF en 1971. Il fut exclu du parti l’année suivante pour avoir déclaré devant Georges Marchais que le PCF était un parti antisoviétique.
Mihran Mavian mourut en 1983. Ses mémoires, rédigés en arménien et publiés à Erevan en 1976, furent traduits par sa fille Alice Mavian et édités par le Mémorial de l’internement et de la déportation de Compiègne en 2010.
Maitron patrimonial (2006-2024)
Par Astrig Atamian
ŒUVRE : Mihran Mavian, Par-delà les ténèbres, traduit de l’arménien par Alice Mavian, Mémorial de l’internement de la déportation de Compiègne, 2010.
SOURCES : RGASPI, Moscou, 495 270 6688. – Archives du PCF, Bobigny, fonds de la CNA. – Entretien avec Alice Mavian le 19 décembre 2008 à Paris.