Par Nicolas Simonpoli
Maitron patrimonial (2006-2024)
Née le 1er février 1962 à Amiens (Somme) ; cheminote, dessinatrice en bureau d’études d’ouvrages d’art ; syndicaliste CGT, secrétaire du syndicat de l’UFCM-CGT d’Amiens (1988-1996), membre du bureau de l’UD-CGT de la Somme, membre du bureau national (1993-2008) et du secrétariat national (1996-2008) de l’UFCM-CGT, membre de la commission exécutive (1993-2006) et du bureau (1997-2006) de la Fédération CGT des Cheminots, élue CGT au Conseil d’administration de la SNCF (1996-2008) ; militante communiste puis de la France Insoumise.
Danielle Sinoquet était la fille de Marcel Sinoquet, agent de conduite à la SNCF, et de Jeanne Dehédin, ouvrière dans une usine de confection puis mère au foyer. Installée à Amiens (Somme), la famille comptait trois enfants : Danielle et ses deux frères. La fratrie fut élevée dans la tradition du militantisme communiste et cégétiste de leurs parents, un engagement qui imprégnait la famille depuis plusieurs générations. Cet engagement s’entremêla à l’appartenance à la corporation cheminote de plusieurs membres de la famille, trois générations avant la sienne. Ainsi le grand-oncle de Danielle, Maurice Sinoquet, fut militant politique et syndical, employé de la compagnie des chemins de fer du Nord, engagé à la CGTU et au PCF. Ce fut également le cas de son père, Marcel Sinoquet, conducteur de train, qui exerça les responsabilités de secrétaire général du syndicat CGT des cheminots de Longueau (Somme), et qui fut maire-adjoint d’Amiens (Somme) de 1971 à 1978. Danielle fut marquée par les convictions militantes, le dévouement et l’esprit humaniste de son cercle familial.
Elle effectua sa scolarité à Amiens (Somme). En 1980, elle obtint un baccalauréat série C (mathématiques) au lycée de la ville puis, en 1982, elle obtint un DUT de génie civil à l’institut universitaire technologique d’Amiens.
Au terme de ses études, Danielle travailla quelques mois à la Poste. Puis, en 1983, elle fut embauchée à la SNCF après avoir réussi le concours d’entrée de dessinateur en bureau d’études d’ouvrages d’art. Elle fut affectée à l’Ingénierie régionale de Paris Nord où elle travailla jusqu’en 1987, année où elle rejoignit l’Ingénierie régionale d’Amiens (Somme). En 1996, elle fut placée en service libre au titre de ses mandats syndicaux au sein de la Fédération CGT des Cheminots et du Conseil d’administration de la SNCF. Elle réintégra l’entreprise en 2008. D’abord, au service du Contrôle des marchés de 2008 à 2010, puis au service concurrence et régulation de la direction de la Stratégie de l’entreprise, de 2010 à 2016. En décembre 2016, elle fit valoir ses droits à une pré-retraite, submergée par le sentiment de quitter une entreprise qu’elle ne reconnaissait plus, mutilée par les réformes, ce qui provoquait une explosion de souffrance au travail, dont elle fut témoin durant ses dernières années de carrière.
Dès son embauche à la SNCF, en 1983, Danielle Sinoquet adhéra à la CGT. Quelques années plus tard, affectée dans la Somme, elle s’investit dans l’action du syndicat de l’Union fédérale des cadres et maîtrise de la Fédération CGT des Cheminots (UFCM-CGT). De 1988 à 1996, elle fut secrétaire du syndicat UFCM-CGT d’Amiens-Longueau (Somme). À ce titre, elle siégea au comité du secteur CGT cheminot d’Amiens, dirigé par Alain Cadot, et au bureau de l’UD-CGT de la Somme à partir du milieu des années 1990. Ce fut dans cette région qu’elle participa au grand mouvement social de l’hiver 1995. L’ampleur de la mobilisation resta longtemps gravée dans sa mémoire, tant par la densité des cortèges que par l’ampleur de la participation des membres de l’encadrement, généralement peu sensibles à l’action syndicale, lors des temps forts de la grève. Elle retint les valeurs fortes quant à la finalité de l’entreprise et la démarche ouverte sur la nation. L’usage du fax, première intervention électronique dans l’action, permit d’être en lien régulier avec la direction fédérale, ce qui favorisa la mobilisation locale par l’information quotidienne sur l’avancée des négociations parisiennes. La grève fut également un important moment d’apprentissage militant. En tant que dirigeante, Danielle dut en effet affronter le scepticisme de cheminots soucieux de pouvoir vérifier la parole syndicale et peu habitués à voir une femme parler à la tribune.
À partir de 1993, elle prit également de nombreuses responsabilités nationales. De 1996 à 2008, elle fut élue de la CGT au conseil d’administration (CA) de la SNCF aux côtés de Lucien Lecanu, Jean-Paul Decourcelles, Pierre Delanoue, Jean-Paul Lahouse puis, dans un second temps, d’Henri Bascunana et Thierry Roy. En tant qu’administratrice, elle défendit l’idée que le CA devait être un espace de débat sur l’avenir de l’entreprise, en opposition à la volonté de la direction de la SNCF, qui souhaitait en faire une simple chambre d’enregistrement des décisions prises dans les ministères. Comme elle l’expliqua dans La Tribune des cheminots, paru en 1997, la mission des administrateurs CGT consistait à représenter les salariés sans être « ni de super délégués ni des gestionnaires technocrates » (numéro 748). À cette période, la SNCF connut d’importantes reconfigurations de ses structures. En 1997, la création de Réseau ferré de France (RFF) scinda le transport ferroviaire en deux structures distinctes et marqua les premiers pas de l’éclatement de la SNCF. La Régionalisation du service public de transport régional de voyageurs fut également un des gros dossiers de la période. Entre 2002 et 2005, ce fut aussi la privatisation progressive du Service national des messageries (Sernam) et la vente de la Société hydro-électrique du Midi (Shem) qui transformèrent les structures de l’entreprise.
Au CA de la SNCF, Danielle présida la commission des marchés à compter de 1998.
Au sein de la Fédération CGT des Cheminots, et plus largement à l’échelle confédérale, Danielle Sinoquet s’investit également dans la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette revendication portait aussi bien sur la vie de l’entreprise que dans la CGT. À la fin des années 1990, à la SNCF, les femmes subissaient une forte inégalité de statut et de salaire. Elles représentaient 65% des contractuels et seulement 12% des agents du cadre permanent. De plus, en moyenne, leur niveau de rémunération était de 5% inférieur à celui des hommes. Au sein de la Fédération CGT, elles étaient peu représentées puisqu’elles ne fournissaient que 7,3% des adhérents de l’organisation. À ce titre, en 2001, Danielle n’hésita pas à affirmer « notre CGT créée par des hommes, pour des hommes, a quelque peu de difficultés à se féminiser » (La Tribune des Cheminots, numéro 781, p.13).
En 2000, lors du XXXVIIIe congrès de la Fédération, en plus de sa mission au CA de la SNCF, elle fut désignée responsable de l’activité fédérale en direction des femmes. Animant le collectif « Femmes-Mixité », elle souhaita travailler avec l’ensemble des Collectifs techniques fédéraux, l’UFCM ou encore le collectif Jeunes afin de nourrir une réflexion globale sur la présence des femmes à des responsabilités syndicales. Cette réflexion induisait, plus largement, un questionnement sur l’organisation du travail militant, ses contraintes de temps, le partage des tâches, etc. En mars 2002, quelques jours avant la journée annuelle des droits des femmes, elle participa à l’organisation d’un débat sur l’égalité hommes-femmes en collaboration avec le collectif confédéral « Femmes-Mixité ». Celui-ci réunit plus de deux cents personnes au siège de la CGT à Montreuil (Seine-Saint-Denis).
À compter de 2001, Danielle Sinoquet participa également à l’activité de la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF), institution syndicale créée en 1999. Cette organisation avait pour objectif de défendre une plateforme revendicative commune à l’ensemble des fédérations européennes des transports afin de peser sur les orientations de l’Union européenne. En 2001, Danielle fit partie de la délégation CGT qui assista au premier congrès de l’ETF, délégation par ailleurs composée de Didier Le Reste, Patrice Boudet et Patrick Chamaret. À cette occasion, elle fut élue au comité des femmes de l’organisation. Elle y siégea jusqu’en 2006 et participa à une mission internationale dans le cadre d’un projet européen sur l’Égalité professionnelle dans les chemins de fer, conduit par le Comité de dialogue sectoriel CER, la direction d’ETF.
En 2008, en désaccord avec certaines orientations de la direction de la Fédération CGT des Cheminots, elle décida de réintégrer l’entreprise.
À compter de cette date, fidèle à un engagement militant continu, elle fut secrétaire du syndicat CGT au siège de la SNCF, sis rue du commandant Mouchotte à Paris, et ce jusqu’en 2010. Par la suite, de 2010 à 2016, elle s’investit dans le groupe de réflexion Cadres Libres qui s’adressait aux cadres supérieurs de la SNCF. Outre la parution d’un journal publié avec le concours de l’UFCM-CGT, ce groupe organisait des conférences et des rencontres autour des thématiques liées au travail, au dialogue social ou encore aux transformations du service public. Plusieurs débats furent organisés, notamment autour d’interventions d’universitaires tels Yves Clot, Danièle Linhart ou Christophe Dejours.
Parallèlement à son engagement syndical, Danielle Sinoquet milita également politiquement. De 1980 à 2011, elle fut membre du Parti communiste français. Lors des élections législatives de 1993, elle fut candidate du PCF dans la Somme. Sans être élue, elle obtint 8,69% des suffrages au premier tour. En 2016, elle rejoignit la France Insoumise.
Séparée, elle était mère d’un enfant.
Maitron patrimonial (2006-2024)
Par Nicolas Simonpoli
SOURCES : Arch. IHS-CGT des Cheminots. — La Tribune des cheminots, numéros : 745, 747, 748, 751, 761, 770, 774, 781, 784, 791, 798, 800. 1997-2003. — Renseignements fournis par l’intéressée, mai 2023.