BONNAFOUS Jean, Antoine, Séverin

Par Jacques GIRAULT

Né le 27 novembre 1893 à Cajarc (Lot), mort le 12 juillet 1987 à Brive-la-Gaillarde (Corrèze) ; professeur ; militant syndical (FGE) ; militant régionaliste ; militant socialiste SFIO puis FGDS, conseiller municipal de Bourg-la-Reine (Seine/Hauts de Seine).

Jean Bonnafous était le fils aîné de Pierre Bonnafous, maréchal-ferrant, forgeron, conseiller municipal radical-socialiste de Cajarc, fondateur du syndicat des planteurs de tabac du canton de Cajarc, et de Marie, Hara Pagès, agricultrice, titulaire du brevet supérieur. Excellent élève dans un établissement dirigé par des Jésuites, il obtint en 1912 le baccalauréat. Inscrit à la Sorbonne, licencié ès lettres (Espagnol) en 1917, il débuta comme répétiteur au collège de Sézanne (Marne) en 1916-1917 puis devint surveillant d’internat au lycée Louis le Grand à Paris en 1918.

Ajourné au service militaire en 1913, maintenu dans cette situation durant toute la guerre et réformé en 1918, il fut nommé répétiteur de lettres-grammaire en mai 1918 au collège de Perpignan (Pyrénées-Orientales). Inscrit à la faculté des lettres de Toulouse, il réussit à compléter sa licence par une option en philosophie et fut nommé au collège de Lunel (Hérault) en octobre 1919 en lettres-espagnol. Il fut chargé en outre de la bibliothèque. Nommé répétiteur d’espagnol-anglais au collège de Thiers (Puy-de-Dôme), après un mois d’enseignement, il fut muté au lycée Buffon à Paris en novembre 1921, puis fut nommé répétiteur suppléant au lycée Henri IV en octobre 1922, puis délégué pour enseigner l’espagnol. Dans le but de pouvoir se présenter à l’agrégation, il obtint le diplôme d’études supérieures à la Sorbonne en 1926. Il échoua à l’agrégation d’espagnol en 1927, en 1931, fut admissible en 1935 et reçu en 1939.

Jean Bonnafous, fédéraliste et adepte de la langue occitane, participa aux créations des Amis de la langue d’oc en 1920 puis de la Ligue de la patrie méridionale en 1923. Il fut le fondateur de la Ligue pour la langue d’oc à l’école le 1er mars 1923. Il rendait régulièrement compte de son activité et de l’accueil, notamment chez les instituteurs, pour lesquels il composa des documents pédagogiques. Dans les milieux occitanistes, il favorisait la graphie de Frédéric Mistral, ce qui lui causa des difficultés internes avec le courant d’opposition au Félibrige. Ses actions auprès du ministère de l’Instruction publique furent encourageantes, notamment quand la circulaire de novembre 1924 du ministre François Albert, instaura une conférence sur les langues régionales dans les écoles normales d’instituteurs. La circulaire du ministre Anatole de Monzie interdisant les patois à l’école, en août 1925, ébranla le mouvement. Bonnafous lança un nouvel appel aux enseignants en mars 1928 qui ne rencontra pas l’accueil escompté. Il intervenait régulièrement dans les congrès de la Fédération régionaliste française et publiait des articles dans sa presse.

Répétiteur au lycée Gay-Lussac à Limoges (Haute-Vienne) en 1927-1928, il fut déplacé et nommé professeur de collège au lycée de Rodez (Aveyron) en 1929, puis enseigna au collège de Sète (Hérault) à partir d’octobre 1930.

Jean Bonnafous adhérait au Parti socialiste SFIO depuis 1920. Il militait aussi dans le mouvement pour une Europe fédéraliste. Il écrivit une contribution sur l’Espagne dans l’ouvrage L’Europe fédéraliste (éditions Giard, 1927). Il fut le président du bureau exécutif du Parti fédéraliste européen.

Les sections socialistes du canton de Gourdon entrèrent en conflit avec l’élu radical-socialiste Louis Malvy. Elles demandèrent à Bonnafous de se présenter aux élections législatives. Mais la fédération socialiste SFIO avait besoin de l’appui des radicaux pour la réélection du député socialiste SFIO sortant. Elle ne ratifia pas la candidature de Bonnafous, qui fut maintenue par les sections locales. Son affiche portait la trace de la situation : « Candidat socialiste. Membre du Parti SFIO désigné par les sections fidèles aux ordres du Congrès National » et précisait que le candidat était aussi le « Secrétaire de la Ligue universitaire pour la langue d’Oc à l’école ».

Après sa défaite au premier tour, Jean Bonnafous regagna son poste d’enseignant à Limoges. Devant les difficultés politiques rencontrées dans le Lot-et-Garonne, il avait omis de faire une déclaration de candidature auprès de l’administration. Une enquête fut alors ouverte en vue d’une sanction qui serait sans doute un blâme, selon une lettre de Louis Malvy au père de Bonnafous. Son déplacement au lycée de Rodez souleva des protestations de nombreux dirigeants du Parti socialiste SFIO qui estimèrent qu’il s’agissait d’une conséquence de son activité régionaliste en faveur de la langue d’oc.

L’année suivante, enseignant à Sète, Jean Bonnafous fut candidat aux élections législatives complémentaires en octobre 1930 dans la circonscription de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). Après sa défaite aux élections cantonales dans le Lot, il obtint 3 691 voix (17 % des inscrits)aux élections générales de 1932 dans la circonscription de Villeneuve-sur-Lot. Il se représenta le 5 novembre 1933 après le décès du député sortant Georges Leygues et réunit 1 049 voix.

À la suite d’un article dans le Charivari du 25 novembre 1933 qui ironisait sur les titres universitaires qui suivaient son nom sur son bulletin, il soulignait dans sa réponse, qu’il n’avait pas mentionné son militantisme dans la Ligue pour la langue d’oc à l’école qui fut à l’origine de la circulaire contre les patois à l’école du ministre Anatole de Monzie, l’homme-fort de la région. Il ajoutait une explication politique à son mauvais résultat. Tout en préparant un nouveau livre sur le thème de l’Europe fédérée, lors de la scission néo-socialiste, il avait pris parti pour leur exclusion alors que les engagements favorables aux « néos » étaient puissants dans le Lot. Il précisait aussi ses responsabilités syndicales : secrétaire de la section académique de Montpellier, il était membre du conseil national de la Fédération générale de l’enseignement-CGT. Lors de sa candidature en 1967 dans le Lot, il se présentait comme « ancien secrétaire régional académique de la Fédération nationale de l’enseignement ».

Après la déclaration de guerre, Jean Bonnafous enseigna à partir de 1941 au lycée de Carcassonne (Aude). Dans son rapport le proviseur notait que sa « personnalité débordante » plaisait aux élèves. Il soutint la fondation en 1943 du Centre permanent de défense de la langue d’oc, tout en prenant des distances avec les orientations de l’État français. En outre, il joua un rôle dans la solidarité aux Républicains espagnols.

Jean Bonnafous s’était marié en avril 1924 à Beaulieu-sur-Dordogne (Corrèze) avec la fille du premier vendeur des éditions Hachette. Son épouse, professeure, était une fervente catholique. Le couple eut deux fils. L’aîné, Jean-Pierre, lycéen, rejoignit l’Armée secrète à Toulouse. En 1945, étudiant à la faculté des sciences de Toulouse, il était le vice-président de la section de l’Aude des réfractaires et maquisards. Le domicile des Bonnafous fut l’objet d’une perquisition pendant l’Occupation.

Jean Bonnafous, membre du conseil intérieur du lycée de Carcassonne, prononça en 1945 le discours à la distribution des prix qui fut fort apprécié. Il demanda sa mutation pour le lycée de Toulouse en 1947. Il obtint finalement sa nomination au lycée Lakanal à Sceaux (Seine) pour enseigner l’espagnol en classes de Khâgne et de préparation à HEC, avec un complément dans le second cycle. Membre du Syndicat national de l’enseignement secondaire, animateur des œuvres sociales du lycée, il faisait bénévolement un cours de langue occitane au titre des activités dirigées qui eut du succès pendant trois ans, et il était en relations avec les milieux occitanistes de Sceaux. En mars 1951, il fut partisan de la constitution du Cartel des activités régionaliste réclamant l’application et l’extension de la loi du 22 décembre 1950. En mauvaise santé depuis 1956, il prit sa retraite en 1959.

Depuis 1937, il préparait une thèse de doctorat d’Etat à la Sorbonne en philologie romane sur la dialectologie romano-quercinoise. Il effectua des enquêtes pour le Nouvel atlas linguistique de la France. En 1948, il demanda en vain une délégation au Centre national de la recherche scientifique et continua, par la suite, les travaux engagés qu’il présenta dans le cadre de l’Ecole pratique des hautes études.

Jean Bonnafous habitait Bourg-la-Reine et militait dans la section socialiste SFIO locale. Lors des élections municipales du 26 avril 1953, il figurait en troisième position sur la « Liste d’entente socialiste et démocratique de défense des intérêts communaux ». Élu dans la minorité avec 668 voix, il ne se représenta pas en fin de mandat. Membre de la Convention des institutions républicaines, candidat aux élections législatives en 1967 dans la deuxième circonscription (Figeac) du Lot, au titre de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste, avec son fils Jean-Pierre Bonnafous, né le 24 novembre 1924 à Paris (XIe.), comme suppléant. Il obtint 3 611 voix sur 49 947 inscrits et se désista pour le candidat communiste, qui fut battu au deuxième tour. Son fils, masseur-kinésithérapeute à Saint-Céré (Lot), avait été délégué du 4e secteur de Paris du Parti socialiste et membre du bureau de la fédération parisienne des masseurs-kinésithérapeutes. Secrétaire national de l’UNATI, il était alors secrétaire départemental de la FGDS. Jean Bonnafous indiquait être membre actif des Enfants de Figeac, vice-président de l’Union quercinoise et président des Cadets du Quercy en région parisienne.

Sous l’égide du Comité international des pays latins, il était le directeur-rédacteur en chef de France-midi : organe des régions et pays sous-développés. Quercy-Midi de la France, périodique régionaliste et fédéraliste qui parut de juin 1956 à janvier 1958. Dans un de ses écrits en 1961, il indiquait qu’il présidait la Liga universitària per la Léngua d’Oc a l’Escòla, le Reviscòl de las Energias Occitanas Francesas, qu’il était rédacteur à L’Auvergnat de Paris et qu’il venait de recevoir un grand prix hors concours de la Radiotélévision française pour l’émission « La roue tourne ». Il précisait qu’il avait présidé l’Union des écrivains et artistes latins et qu’il avait été le rédacteur en chef de la revue parisienne La France latine. Il écrivit une Histoire sommaire de Toulouse et de sa région, 31 p. en 1961, et un Précis d’histoire de l’Occitanie, en 1975, et sans doute, en 1982, pour l’Institut académique de Paris, Les Anglais et nous, quand nos aïeux colonisaient l’Angleterre, 69 p.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article100929, notice BONNAFOUS Jean, Antoine, Séverin par Jacques GIRAULT, version mise en ligne le 3 novembre 2010, dernière modification le 11 octobre 2021.

Par Jacques GIRAULT

ŒUVRE : Le catalogue de la BNF comprenait cinq références en 2020 dont les ouvrages mentionnés dans la notice.

SOURCES : Arch. Nat., F17/27066. — Arch. Dép. Hauts-de-Seine, 2027 W 193 (Lycée Lakanal), du Lot (Marie Llosa et Fabienne Pons), 1209 W 35, registre matricule (classe 1913, Cahors, matricule 679) et du Lot-et-Garonne (Josette Mortéra), 3 M 125-236.— Arch. com. Bourg-la-Reine. — Yon Lespoux, « Autour d’une revendication méridionale : la Ligue pour la langue d’oc à l’école (1923-1928) », Annales du Midi, 2010 (192). — DBMOF, notice non signée de 2 lignes.— Notes de son petit-fils.

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