BOUISSON Fernand, Émile, Honoré

Par Justinien Raymond

Né le 16 juillet 1874 à Constantine ; mort au Cap d’Antibes le 21 décembre 1959 ; industriel. Homme politique, il appartint longtemps au Parti socialiste SFIO ; il fut président de la Chambre des députés de 1927 à 1936.

Il Fernand Bouisson, sportif, il fut international de rugby. Parvenu à l’âge d’homme, il suivit la tradition familiale des affaires et fonda à Aubagne (Bouches-du-Rhône) une tannerie qui prospéra. Attiré par la vie politique, il choisit la voie socialiste, qu’il suivit toujours de façon singulière, non par un instinct de classe qui l’aurait porté ailleurs, mais sollicité, semble-t-il, par les circonstances locales plus que poussé par une ardente conviction doctrinale dont il ne témoigna jamais et qui n’était guère dans son tempérament.

Quand les trois fédérations des Bouches-du-Rhône, celles du Parti socialiste français, du Parti socialiste de France et la Fédération autonome fusionnèrent en 1905, il resta indépendant avec son groupe d’Aubagne. En 1907, il fut élu conseiller général par ce canton et, l’année suivante, après avoir été élu avec toute sa liste par 1 283 voix sur 1 810 votants, il devint maire de sa petite ville dont il était conseiller municipal depuis 1904.

En mars 1909, à l’occasion d’une élection partielle, la 6e circonscription de Marseille l’élut député des Bouches-du-Rhône au siège laissé vacant par le passage au Sénat d’Antide Boyer. Ce succès fut obtenu avec l’appui de Flaissières et d’Antide Boyer contre le Parti socialiste dans des conditions dénoncées par Jaurès. Le 21 février 1909, Bouisson, vice-président du conseil général, candidat socialiste indépendant, recueillit 4 859 voix contre 3 756 à Crémieux, fils de Gaston Crémieux fusillé en 1871, candidat de la SFIO, et 1 994 à Sevez, radical-socialiste. « Le succès de Bouysson (sic), écrivit Jaurès au lendemain de ce premier tour, serait le triomphe de l’équivoque la plus corruptrice. Il déclare qu’il adopte le socialisme intégral, il proclame qu’il est collectiviste, internationaliste, qu’il est en communauté complète d’idées avec le socialisme unifié, qu’il votera avec nous et comme nous. Et pendant qu’il multiplie les déclarations socialistes, il fait le jeu de la réaction gouvernementale, de la réaction sociale en essayant de mettre en échec l’organisation politique du prolétariat. Aussi, M. Bouysson aura beau lancer des cris de guerre contre le ministère de M. Clemenceau, il sera considéré comme un instrument, car M. Clemenceau n’a d’autre pensée que de combattre le Parti socialiste » (L’Humanité, 22 février 1909). Le 7 mars, Bouisson l’emporta par 4 778 voix contre 3 457 à Crémieux et 3 907 au républicain Aubin. Jaurès se consola du succès de « l’équivoque candidature Bouysson » en constatant qu’elle « ne recueille qu’une partie de l’héritage de son prédécesseur indépendant Antide Boyer ». « Et s’il a réussi enfin, ajoutait-il, c’est en exploitant la désorganisation passagère du socialisme dans les Bouches-du-Rhône ; c’est en faisant entendre à une partie de notre fédération, trop complaisante à ses propos, qu’il entrerait, après l’élection, dans le Parti unifié » (L’Humanité, 8 mars 1909). C’est ce que fit Bouisson, accomplissant le chemin inverse d’A. Boyer et de Flaissières qui, après avoir adhéré à l’unité, reprirent leur autonomie. Quelques jours après son élection, il demanda son inscription à la 6e section socialiste de Marseille. Le congrès fédéral de Miramas, en présence de Cachin et de Poisson, délégués permanents à la propagande, prit acte à l’unanimité moins quatre voix de l’adhésion de Bouisson (28 mars 1909). La fédération consolidée, qu’il représenta aux congrès de Nîmes (1910) et d’Amiens (1914), allait servir de tremplin à la longue carrière politique de Bouisson. Il devint en 1912 pour un temps président de l’assemblée départementale et fut constamment réélu député jusqu’à la fin de la IIIe République. Aux élections de 1910, devenu « unifié », il eut un compétiteur socialiste, Rémy Roux, et ne fut élu qu’au second tour, et de justesse.

Mais en un temps où la SFIO, la période d’union sacrée mise à part, était surtout un parti d’opposition, Bouisson apparut de plus en plus comme un personnage consulaire du régime, en marge de la vie de son parti. En janvier 1918, Clemenceau, que le groupe socialiste cependant combattait, le nomma haut commissaire aux Transports maritimes. À ce poste qu’il occupa jusqu’en mai 1919, il marqua son passage par un acte d’autorité, la réquisition de la flotte commerciale. Porté à la vice-présidence de la Chambre en juin 1924, il manifesta dans la direction des débats des qualités qui le firent considérer comme un technicien. Le 12 janvier 1927, il était élu à la présidence et l’occupa pendant près de dix ans.

Au cours des années troubles de l’avant-guerre, il évolua vers la droite et, en février 1934, il quitta le Parti socialiste arguant des critiques qui s’y élevèrent contre son attitude au cours des graves événements de ce début d’année (Le Populaire, 11 février 1934).

C’était moins une rupture que la constatation d’un divorce ancien. Apparenté à la gauche indépendante sur le plan parlementaire, il resta hors de tout parti. Quand le régime parlementaire parut menacé et que la tentative révisionniste de Gaston Doumergue eut échoué, le chef de l’État lui confia la Présidence du Conseil, le 1er juin 1935. L’éclectisme de ses choix ministériels allant du maréchal Pétain à J. Caillaux, d’Ed. Herriot à L. Marin, ne lui gagna pas la confiance de la Chambre qui lui fut refusée à deux voix de majorité le 5 juin.

En 1936, il fut réélu député contre le Front populaire. Les militants socialistes de La Ciotat qui le désiraient ne réussirent pas à lui opposer un candidat socialiste, Bouisson gardant l’appui des dirigeants locaux, Henri Tasso en tête. Il n’avait pas d’adversaire sérieux à droite et, à cause de ses attitudes politiques sur le plan national, il ne pouvait bénéficier de la discipline du Front populaire. Il réunit 8 248 voix sur 19 168 suffrages. Le communiste Cristos, avec 7 564, se maintint au second tour et s’éleva à 8 578. Bouisson fut réélu par 11 024 suffrages, comme en 1909, en marge de la SFIO, avec l’appui de ses cadres locaux. Le 30 mai 1936, il dut laisser le fauteuil présidentiel à Ed. Henriot.

Lorsque les menaces et les agressions hitlériennes mirent la paix en danger, F. Bouisson se rangea parmi ceux qui préconisaient une politique de temporisation et de compromis. Le 10 juillet 1940, à Vichy, il vota la délégation de pouvoirs au maréchal Pétain. L’année suivante, il se démit de ses fonctions de maire de La Ciotat auxquelles il avait accédé à la veille de la guerre. Il vivait retiré au Cap d’Antibes quand il y mourut, à plus de quatre-vingt-cinq ans, à la villa Cossenza.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article101571, notice BOUISSON Fernand, Émile, Honoré par Justinien Raymond, version mise en ligne le 3 novembre 2010, dernière modification le 23 avril 2021.

Par Justinien Raymond

ŒUVRE : Journaux : La Vérité, journal socialiste quotidien dont Fernand Bouisson était le directeur en 1909 (Bibl. Mun. de Marseille, cote 65 930). — Le Petit Provençal : c’est à ce journal que Fernand Bouisson a surtout collaboré régulièrement après la Première Guerre mondiale (leaders politiques en première page). F. Bouisson a bénéficié jusqu’en 1940 de l’appui de ce quotidien.
_ Disques : Un disque de la collection La Voix des Nôtres, lancée par le Parti socialiste en 1930 conserve la voix de F. Bouisson. Il défend la présence d’un socialiste à la présidence d’une assemblée parlementaire.

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE : Compère-Morel, Grand Dictionnaire socialiste, p. 70. — Hubert-Rouger  : Les Fédérations socialistes I, op. cit., (pp. 180, 181, 182) et La France socialiste, op. cit., p. 340. — L’Humanité, 22 février, 8 et 30 mars 1909. — Le Populaire, 11 février 1934. — Le Monde, article nécrologique, 30 décembre 1959.

ICONOGRAPHIE : La France socialiste, op. cit., p. 340.

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