APPERCÉ Juliette [née PINSARD Juliette]

Par Jacques Girault

Née le 7 décembre 1899 à Saint-Julien-l’Ars (Vienne), morte le 27 septembre 1949 à Châtellerault (Vienne) ; institutrice ; conseillère municipale communiste de Châtellerault (1947-1949).

Son père, gendarme, qui avait trois enfants, mourut jeune. Sa mère se remaria avec un gendarme, Jacques Airault, veuf, qui avait deux enfants. Ils habitèrent pendant quelques années dans l’exploitation agricole de ce dernier à Biarge, par Chaunay (Vienne). Par la suite ils habitèrent Gençay (Vienne) où Airault, devenu commerçant (café et bazar), devint maire de tendance radical-socialiste (1925-1929).

Juliette Pinsard entra à l’École normale d’institutrices de Poitiers en 1916. Elle exerça comme institutrice à Vouillé pendant un mois, puis à Sossay (1919-1924). L’inspecteur primaire, en 1922, notait la « belle classe rurale, largement éclairée, ornée de tableaux et de travaux manuels faits par les enfants » et la discipline « douce et affectueuse » de l’institutrice. Elle se maria uniquement civilement à Chaunay en août 1920 avec Roger Appercé, de religion protestante, ancien combattant mutilé de la Première Guerre mondiale, instituteur à Vouillé, sympathisant communiste.

Instituteurs à l’école de garçons de Saint-Gervais-les-Trois-Clochers (Vienne) à partir de 1924, parents d’une fille (1923) qui ne reçut aucun sacrement religieux, ils associaient les parents d’élèves et les anciens élèves à la préparation des fêtes. Elle encadrait aussi des cours d’adultes et fut félicitée en 1932. Ils furent nommés en 1936 à l’école de la rue Villevert (future rue Arsène Lambert, instituteur résistant) à Châtellerault, où elle enseignait en cours préparatoire. Membres du Syndicat national des instituteurs, ils désapprouvèrent les accords de Munich et furent peut-être grévistes le 30 novembre 1938 (selon le témoignage de son mari, mais rien n’apparaissait dans son dossier administratif). L’inspecteur, en 1945, notait son « sens pédagogique très sûr » et l’emploi « des méthodes rationnelles ».

Pendant la guerre, Juliette Appercé entretint des contacts avec la Résistance par l’intermédiaire de collègues de son école et fut internée quelques jours à la prison de la Pierre levée à Poitiers en 1944. Selon Alice Pagenault, elle avait refusé de conduire ses élèves à la chasse aux doryphores. Selon son mari, elle avait insulté un officier allemand. Ces deux versions ne s’excluent pas, puisque la chasse aux doryphores était rendue obligatoire pour les élèves par l’occupant.

À la Libération, Juliette Appercé devint la secrétaire adjointe (26 décembre 1944, confirmé le 21 janvier 1945), puis la présidente (février 1946) du comité de Châtellerault de l’Union des femmes françaises, le plus actif du département. Elle fut élue membre du bureau départemental, le 1er juillet 1948, chargée des relations avec les associations familiales. Elle participa à de nombreuses réunions locales (entre autres, exposé sur les femmes en captivité, le 24 novembre 1944, à Châtellerault devant huit à neuf cents femmes selon le rapport de police, annonce de l’ouverture d’un ouvroir et remerciements appuyés au sous-préfet, le 12 mars 1946 devant une vingtaine de personnes selon la police), départementales et nationales de l’organisation. Elle rédigea de sa main la liste des revendications des femmes de sa ville à l’occasion de la Fête des Mères, remise au sous-préfet, le 29 mai 1949.

Quand se constitua à Châtellerault, le 15 juin 1945, un comité de France-URSS, Juliette Appercé fit partie du bureau provisoire comme trésorière adjointe. Le 8 novembre 1948, elle intervenait dans une réunion de l’association commémorant l’anniversaire de la révolution russe. Lors de son élection à la présidence de l’UFF, le rapport de police du 19 février 1946, indiquait qu’elle était « de tendance socialiste ». En juillet 1947, elle adhéra au Parti communiste français qui le lui avait demandé pour la présenter aux élections municipales (témoignage d’Henri Bourdeau).

De 1945 à 1947, la municipalité d’union, regroupant des radicaux-socialistes (dont le maire), des socialistes SFIO et des communistes (dont le premier adjoint Henri Bourdeau), comprenait deux femmes, une radicale-socialiste, une communiste. Le 19 octobre 1947, Juliette Appercé, « internée politique », figurait en troisième position sur la liste « d’union républicaine et résistante et de défense des intérêts communaux présentée par le Parti communiste français » (qui comprenait trois autres femmes sur vingt-sept candidats) aux élections municipales. Avec 4 333 voix (troisième rang sur sa liste pour les signes préférentiels), elle fut la seule femme élue du nouveau conseil avec sept autres communistes. La majorité du conseil se composait de cinq radicaux-socialistes, dont le maire sortant Louis Ripault, de six MRP et de quatre RPF. Les socialistes SFIO avaient quatre élus. Pourtant les clivages n’étaient pas irréductibles et parfois des délibérations se terminaient par des votes unanimes. Par exemple, lors du vote du budget primitif pour 1949, les communistes acceptèrent la plupart des chapitres sauf les augmentations de taxes et le crédit destiné au personnel de service des écoles. Mais ils s’opposèrent lors du vote sur l’ensemble.

Juliette Appercé siégea à douze séances sur les dix-neuf jusqu’à son décès. Elle fit partie des commissions scolaire, sociale, d’hygiène, des logements insalubres, de l’éducation nationale, des musées, des beaux-arts, de l’agriculture, des questions économiques, de la vie chère, du ravitaillement, de l’abattoir, des fêtes. Parmi ses interventions figuraient des souhaits d’extension des cantines scolaires à toutes les écoles primaires (15 novembre 1947, à ce sujet, elle indiquait lors d’une réunion publique de l’UFF, un an plus tard, que la question des cantines était celle qui « l’intéresse le plus », selon le rapport de police), de tarifs dégressifs pour les familles ayant plusieurs enfants scolarisés (15 décembre 1948), d’arrosage des cours d’écoles pour éviter la poussière (10 mars 1948) ou demande d’aide aux vieillards (15 novembre 1947, non rapportée sur le registre de délibérations mais rappelée dans les propos du maire, 16 novembre 1949). Selon l’allocution de Paul Jamet, responsable communiste, lors de ses obsèques, « ses interventions, d’abord hésitantes, devinrent de plus en plus assurées et ses avis, toujours plus éclairés et gagnant en sens pratique, nous devenaient particulièrement précieux ».

Juliette Appercé continuait à impulser l’activité des comités de l’UFF. Par exemple, le 11 juillet 1947, elle présentait devant une quarantaine de militantes le compte rendu du congrès national de l’UFF et du congrès de la commission de la paix qui venait de se tenir à Clichy. Elle terminait son intervention, selon la police, par « Pour gagner la paix, il faut abattre le fascisme et la réaction qui redressent dangereusement la tête. » Dans un rapport sur le PCF, les renseignements généraux notaient, le 9 juillet 1948 que le groupe de l’UFF de Châtellerault voyait « depuis quelque temps le nombre de ses adhérentes diminuer », que ses dirigeantes s’efforçaient « de regrouper leurs membres par l’organisation de comité contre la vie chère ». Il ajoutait que « jusqu’à ce jour, la tentative de constituer un groupement des Amies de la paix n’a donné aucun résultat positif ». À cet effet, elle faisait partie du bureau lors du « grand rassemblement pour la paix » dans la ville, le 31 juillet 1949 organisé par le PCF.

Le 22 septembre 1949, salle de la Redoute à Châtellerault, lors d’une assemblée publique du comité communal des Compagnons de la Liberté préparatoire à la journée pour la paix du 2 octobre, Juliette Appercé, « après une intervention particulièrement brillante », fut frappée d’une congestion cérébrale. Le 26 septembre, la presse publiait un appel de plusieurs personnalités, dont elle, annonçant la formation d’un comité des Combattants de la paix. Le 28, son décès était annoncé. Lors de ses obsèques civiles (« une nombreuse assistance », Le Libre Poitou, 1-2 octobre 1949), auxquelles participèrent le représentant du sous-préfet, les deux députés communistes de la Vienne, la municipalité, les enfants de son école, les instituteurs, l’UFF, le PCF, au cimetière seuls des représentants des instituteurs, du PCF et de l’UFF, prononcèrent des discours. Le 16 novembre, le maire radical-socialiste plaça la séance du conseil municipal sous sa présidence d’honneur et souligna, dans son éloge funèbre, son « activité toute entière tournée vers les œuvres de solidarité humaine ». Il terminait par un « Nous espérions beaucoup d’elle ! » Lors de l’élection de la nouvelle présidente du comité local de l’UFF, Alice Pagenault, en janvier 1948, la police indiquait que cette association, depuis son décès, « était restée quelque peu en veilleuse ». Peu après le titre de « présidente » était supprimé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article10169, notice APPERCÉ Juliette [née PINSARD Juliette] par Jacques Girault, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 22 septembre 2021.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Dép. Vienne, T 10 1556, 1 W 632, 3161, 3165, 106 W 211. — Arch. com. Châtellerault. — Archives Henri Bourdeau (Bibliothèque marxiste de Paris, puis Archives du PCF, Arch. Dép. Seine-Saint-Denis). — Presse locale. — Renseignements fournis par le mari, la famille de l’intéressée, la mairie de Châtellerault, Henri Bourdeau, Alice Pagenault, Alain Léger.

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