ARGIOLAS Paul, Joseph

Par Claude Pennetier, complété par Renaud Poulain-Argiolas

Né le 7 juin 1922 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 28 octobre 2016 à Toulon (Var) ; docker puis journaliste ; syndicaliste CGT ; militant communiste et conseiller municipal de Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), puis militant de Marseille et de Toulon (Var) ; membre du comité fédéral du PCF des Bouches-du-Rhône, secrétaire de la fédération communiste du Var ; rédacteur en chef de La Marseillaise dans les années 1950, puis directeur du Petit Varois ; résistant, membre des Francs-Tireurs et Partisans français et des Forces unies de la jeunesse patriotique.

Paul Argiolas en 1944
Paul Argiolas en 1944

Paul Argiolas était le fils d’un couple d’immigrés sardes qui s’étaient rencontrés à l’Estaque au début des années 1920. Son père, Angelo Argiolas, originaire d’Oniferi (province de Nuoro), fut docker et manœuvre ; sa mère, Battistina Cesaraccio, née à Busachi (province d’Oristano), fut cantinière, femme de ménage, puis sans profession. Frère aîné de Jean-Marie, né en 1924, qui fut docker et cheminot, de Pascaline, née en 1926, qui fut employée de bureau, et d’Élisabeth*, née en 1930, qui fut brièvement employée des PTT, Paul Argiolas fit des études jusqu’au niveau du brevet élémentaire. Le 13 juillet 1939, la famille Argiolas était naturalisée française avec effet collectif (parution au Journal officiel le 23 juillet 1939). Mise à part la mère qui n’aurait été que sympathisante, tous furent des militants du Parti communiste.

Paul Argiolas travailla comme chanfreineur, riveur, métallurgiste, grutier, employé et docker aux Chantiers et Ateliers de Provence de Port-de-Bouc. Il adhéra à la CGT en avril 1937. Son domicile fut perquisitionné en 1940. Affecté dans l’armée d’armistice après la défaite militaire française, il fut accusé de propos défaitistes, ce qui ne l’empêcha pas de rejoindre les FTP en juin 1943 sous le matricule 71.044, puis les Jeunesses communistes et le Parti communiste au mois de novembre. Il milita sous le pseudonyme de « Jacques ». Nommé « polo » (politique) de cellule, membre d’un triangle de section, il distribua des tracts, diffusa la presse clandestine et fit des inscriptions murales. En 1944, on lui demanda de participer au tirage du matériel de propagande à son domicile. Responsable syndical au triangle de direction de Port-de-Bouc, il participa à l’organisation d’une grève des métallurgistes le 25 mai 1944. Il eut des responsabilités aux FUJP (Forces unies de la jeunesse patriotique) comme chef de trentaine. Afin d’échapper aux recherches, il se cacha un temps chez le cheminot communiste Marius Tassy.
Pour son action de résistant, il obtint un diplôme décerné par le comité militaire national des Francs-tireurs et partisans français, signé par Charles Tillon, ayant droit ainsi « à la reconnaissance de la patrie libérée ». Engagé volontaire le 1er septembre 1944, il obtint le grade de sergent avant d’être démobilisé le 22 décembre 1945. Les récits de deux militants port-de-boucains, Joseph Brando et Antoine Santoru*, évoquent le parcours qu’il fit en s’engageant dans l’armée de libération avec son frère Jean-Marie et A. Santoru au sein du 3e régiment Rhône et Durance, composé de FTP et de FFI et cantonné à Arles.

En 1947, un responsable politique notait à son sujet : « Bon travail dans la clandestinité. Éducation politique assez poussée. Bon travail au sein du Parti, responsable de l’UJRF (Union des jeunesses républicaines françaises). Peut devenir un cadre de notre Parti. » En octobre de la même année, il fut candidat aux élections municipales de Port-de-Bouc et élu dans l’équipe de René Rieubon. Le Parti communiste français lui fit suivre une école centrale de quatre mois de novembre 1948 à mars 1949, expérience difficile en raison de son faible bagage théorique de départ et de sa faible expérience.
Son dossier dans les archives du Service historique de la Défense renseigne sur sa situation après la guerre. Célibataire, il vivait dans le quartier des Comtes. Il parlait espagnol et italien, était employé de bureau aux Chantiers et Ateliers de Provence (CAP) et avait été surveillant de fabrication à l’usine Kuhlmann. En mai 1949, il fut homologué caporal par la IXe région militaire.

En juin 1949, un conflit social important opposa les ouvriers des CAP à leur direction. Selon Jean Domenichino, cette dernière désirait supprimer une prime de 3000 F accordée au lancement des bateaux et briser l’influence du syndicat CGT des Métaux pour revenir aux conditions de travail d’avant-guerre. Le mouvement contre le lock-out décidé par la direction de l’entreprise mobilisa dans toute la commune et bien au-delà de Port-de-Bouc. Paul Argiolas était un élément actif du syndicat et sa mère Baptistine était très investie dans le comité des femmes solidaires des ouvriers. Au terme d’un bras de fer de quatre mois perdu par la CGT, la direction des CAP saisit l’opportunité de se débarrasser des leaders syndicaux. Paul Argiolas fut alors licencié.
Il s’était marié le 23 juillet 1949 à Port-de-Bouc avec Catherine Brocca. Le couple eut deux fils, Bernard et Robert.

Paul Argiolas devint rédacteur en chef de La Marseillaise dans les années 1950. Le 5 novembre 1954, quatre jours après les attentats de la Toussaint Rouge, considérés comme le début de la guerre d’indépendance algérienne, il cosigna avec Marcel Guizard, directeur du journal, une tribune intitulée « Oui, il y a un problème algérien ». Paul Argiolas était alors membre du comité fédéral du PCF des Bouches-du-Rhône. Ils écrivaient : « La vérité qu’il faut rappeler sans cesse, est que l’Algérie n’est pas la France. Tout la différencie de notre pays : ses traditions, sa langue, sa culture, sa religion, son climat, son mode de vie. […] Depuis 1830, par la force, par la douceur et la ruse, tous les moyens ont été mis en œuvre pour assimiler le peuple algérien, le ‘‘franciser’’, le christianiser. Toutes ces tentatives ont échoué ». Ils ajoutaient en conclusion : « Il y a aujourd’hui, en un mot, la ténacité et le courage admirables d’un peuple que 125 ans d’oppression colonialiste n’ont pas pu abattre et qui a le droit, comme tous les peuples, à la liberté et à l’indépendance. » Selon l’historien Fabien Bénézech, la Fédération communiste des Bouches-du-Rhône avait « élaboré un "anticolonialisme hybride", tolérant dans ses rangs l’expression ponctuelle de revendications indépendantistes conjuguée aux mots d’ordre de guerre froide (anticapitalisme, lutte contre l’impérialisme américain et pour la paix). »

De 1956 à 1966, Paul Argiolas fut le directeur du Petit Varois. Pendant cette période, Il fut en tant que journaliste interdit de séjour en Algérie, et dut faire face à Toulon aux menaces de l’OAS.
Il fit l’essentiel de sa carrière politique dans le Var, comme membre du bureau fédéral (1957-1982) et secrétaire fédéral à la propagande (1965-1976). Il siégea au bureau fédéral jusqu’en 1982 et fut membre de la commission fédérale de contrôle financier jusqu¹en 1990. Il dirigea et organisa des écoles fédérales du PCF dans les années 1970 et fut candidat du PCF aux élections cantonales de 1973 à Toulon.
Il fut notamment un des organisateurs, dans les années 1960, des fêtes de la fédération à la “Terre promise“ à Toulon puis à Fabrégas (commune de La Seyne-sur-Mer). Il fut aussi un des coordinateurs des actions clandestines du réseau d’exfiltrations des militants communistes grecs au moment du gouvernement des colonels en Grèce (1967-1974) et participa à des missions de communistes français en Grèce à la même époque.

Paul Argiolas était par ailleurs membre du bureau du conseil d’administration d’une coopérative de construction d’HLM, « La Prolétarienne ».

Dans son carnet, l’Humanité des 10-13 novembre 2016 lui rendit hommage.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article10205, notice ARGIOLAS Paul, Joseph par Claude Pennetier, complété par Renaud Poulain-Argiolas, version mise en ligne le 23 novembre 2020, dernière modification le 4 septembre 2022.

Par Claude Pennetier, complété par Renaud Poulain-Argiolas

Paul Argiolas en 1944
Paul Argiolas en 1944
Paul Argiolas et son frère Jean-Marie venant d’être démobilisés, fin 1945.
Vente de masse de L'Avant-garde
Vente de masse de L’Avant-garde
Paul Argiolas (au milieu) avec des camarades à Port-de-Bouc, vers 1947.
En 1951
En 1951
En 1973
En 1973

SOURCES : Arch. comité national PCF. — Arch. mun. Port-de-Bouc. — SHD Vincennes, GR 16 P 16732. — Journal officiel de la République française. Lois et décrets, 23 juillet 1939 (71e année, N°172), p. 9363. — Jean Domenichino, Une ville en chantier : La construction navale à Port-de-Bouc, Edisud, 1989. — Roland Joly, Antoine ou La passion d’une vie : Une histoire de Port-de-Bouc, ville mosaïque, auto-édition, 2005. — Fabien Bénézech, « Communistes et Algériens à Marseille, de la Toussaint Rouge à la crise du 13 mai 1958. Résistance(s) commune(s) ou occasions manquées ? » in Alg.Héritages, Marseille-Alger : allers et retours (coord. Gérard Leidet et Bernard Régaudiat), Promemo/Syllepse, 2022 (à paraître). — Joseph Brando, Notes d’histoire vécue à Port-de-Bouc durant l’occupation allemande de 1940 à 1945 (non publié). — Paulette Argiolas, Souvenirs et notes, 2000 (non publié). — Renseignements fournis par l’intéressé transmis par un de ses fils et par Jacques Girault. — Site Match ID, Acte n°2194, Source INSEE : fichier 2016, ligne n°538670.

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