ARGOUT Marius

Par Roger Pierre

Né le 16 avril 1882 à Nîmes (Gard) ; mort à Labégude (Ardèche) en octobre 1962 ; propriétaire agriculteur à Labégude militant socialiste, puis communiste de l’Ardèche ; coopérateur.

D’origines ardéchoises et paysannes, le père de Marius Argoud était menuisier à Nîmes où il milita au Parti socialiste ; mais le jeune Marius fut élevé à Labégude où ses grands-parents exploitaient la propriété familiale, et il travailla la terre après avoir été reçu au certificat d’études.

Il prit position pour Dreyfus, adhéra au Parti socialiste vers 1900, à l’âge de dix-huit ans, et fut lecteur de L’Humanité dès sa fondation par Jaurès. Revenu à Labégude, Argout père fut dans la région l’un des propagandistes du Parti socialiste ; le 18 septembre 1910, au congrès de la Fédération SFIO. Drôme-Ardèche, à Flaviac, le père et le fils se trouvèrent tous deux délégués, l’un par la section d’Ucel, et l’autre par la section de Vals-Labégude.

Blessé à la jambe dans un accident du travail, boiteux, Marius Argout ne fut pas envoyé au front ; aux élections législatives de 1919, il représenta les paysans sur la liste SFIO et il obtint 12 900 voix sur 69 131 suffrages exprimés. Cette même année, il fut élu conseiller municipal, puis maire de Labégude, bourg mi-ouvrier, mi-paysan, et il serra de près son concurrent radical à l’élection du conseil d’arrondissement dans le canton d’Aubenas, le 19 décembre 1919.

Marius Argout fit campagne pour l’adhésion à la IIIe Internationale et il adhéra dès sa fondation au Parti communiste auquel il resta fidèle jusqu’à sa mort. Il reconstitua la section de Labégude, divisée par la scission et devint en 1923 membre du comité directeur fédéral du PC, dont il assura le secrétariat du 1er décembre 1923 jusqu’à son remplacement à la fin de 1924 par Vincent Mortier*. La région Drôme-Ardèche le délégua en 1926 au congrès du Conseil paysan.

Maire de Labégude de 1919 à 1929, Marius Argout y fut un pionnier de la coopération. Il organisa l’inspection médicale gratuite des écoles publiques, le remboursement à 50 % des soins pharmaceutiques. Il refusa de recevoir Millerand, président de la République, lors de la venue de ce dernier à Aubenas, le 11 juillet 1923, et ce geste eut dans la région un certain retentissement. La commune de Labégude était seule dans l’Ardèche à être administrée par les communistes, et sa municipalité servit à la fois d’exemple et de point d’appui au PC. Proche de Vals-les-Bains et d’Aubenas, au centre d’une petite région industrielle, elle fut un lieu de réunion pour le comité régional, les congrès, qui se tenaient à la salle de la mairie. Marius Argout fut en 1925 l’organisateur de la première grande manifestation départementale communiste, sous la forme d’une fête populaire, « la Fête Rouge » qui se déroula à Labégude, précédée par un défilé le long des rues de Vals-les-Bains. En juin 1926, il assista à Lille au Ve congrès du Parti.

Ces activités ne pouvaient manquer de provoquer dans divers milieux des tentatives visant à réduire une petite forteresse communiste ; son maire fut la cible d’attaques souvent calomnieuses dont L’Ardèche socialiste, notamment, se fit l’écho. Aux élections municipales de 1929, Argout fut seul élu au premier tour ; au ballottage une coalition anticommuniste allant de la droite aux socialistes emporta huit sièges sur quinze, et la mairie. Marius Argout fut toujours réélu par la suite à l’assemblée municipale, mais en 1938, seul conseiller communiste, il donna sa démission.

Entre-temps, Marius Argout fut le porte-drapeau de son parti dans diverses élections cantonales et législatives. Placé en tête de la liste du BOP en 1924, il n’obtint que 1 680 voix dans l’Ardèche, mais la seule circonscription de Privas-Aubenas lui en donna presque autant en 1932 (1 604 sur 14 976 suffrages exprimés) ; en 1936, il en recueillit 1 255 sur 14 261 dans l’arrondissement de Largentière où le candidat communiste, en 1932, n’avait obtenu que 580 voix.
Arrêté à la fin de mai 1940 et interné à Chabanet, près de Privas, avec son fils Edgar, lui aussi cultivateur à Labégude et communiste, Marius Argout fut transféré à Nexon (Haute-Vienne), Fort-Barreau (Isère). Après deux ans de détention, il fut astreint à résidence à Saint-Remèze, dans le sud de l’Ardèche, où il devint, en 1944, président du comité de Libération.

De retour à Labégude, réélu maire, il fut battu une fois de plus par la coalition des socialistes et de la droite, mais conserva son siège au conseil municipal jusqu’au jour où son fils (il avait deux enfants) vint l’y remplacer.

Coopérateur, Marius Argout a été administrateur de « L’Albenassienne », puis de la Coopérative régionale du Bas-Vivarais, et enfin de l’Union des Coopérateurs de l’Ardèche et de la Drôme.

« Le vieux militant qui a toute sa vie lutté pour les travailleurs », comme l’écrivait déjà Le Travailleur alpin du 11 mai 1935, s’éteignit à plus de 80 ans, en laissant derrière lui le souvenir de sa ténacité, de son dévouement et de sa compétence, et aussi une réputation d’humour, de finesse et de simplicité.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article10206, notice ARGOUT Marius par Roger Pierre, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 19 octobre 2011.

Par Roger Pierre

SOURCES : Arch. Nat. F7/13090, Lille 1926. — Arch. Dép. Ardèche, 2 M 362-363-365, 2 M 427-428. — L’Humanité, éditions du Midi. — La Provence ouvrière et paysanne. — Le Travailleur alpin. — La Voix populaire. — Renseignements recueillis par Paulette Cholvy auprès d’Edgar Argout, fils de Marius. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes, op. cit., p. 262. — A. Darasse, Le Socialisme en Ardèche, Largentière, 1920. — A. Demontès, L’Ardèche martyre, Largentière, 1946. — Coop. Dauphiné-Vivarais, cinquantenaire, plaquette, Paris, 1968.

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