ARNAL Franck, Frédéric

Par Jacques Girault

Né le 30 octobre 1898 à Vialas (Lozère) ; mort le 23 juin 1985 à Hyères (Var) ; pharmacien ; militant socialiste SFIO du Var ; maire de Toulon (Var) en 1944-1945, conseiller général de Toulon (1945-1948), député du Var (1945-1958) ; secrétaire d’État à la Marine (1957).

Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946

Son père, fils d’un mineur, devenu gendarme à Pont-de-Monvert (Lozère), à Lussan puis à Uzès (Gard) et sa mère, sans profession, avaient cinq enfants. Républicains, protestants, ils envoyèrent leur fils Frank (orthographié par la suite Franck) Arnal à l’école laïque puis à l’école primaire supérieure de Bagnols-sur-Cèze où il obtint le brevet élémentaire.

Au début de la guerre, son oncle, pharmacien à Toulon, le fit venir près de lui. Après avoir suivi pendant une année les cours du lycée, F. Arnal fut mobilisé le 18 avril 1917 dans l’artillerie à Nîmes. Il connut le front (Lorraine, Verdun), puis suivit les cours de l’école des officiers de réserve de Fontainebleau (16 août 1918-25 décembre 1918) d’où il sortit aspirant. Démobilisé comme sous-lieutenant le 30 mai 1920, reçu à la session spéciale du baccalauréat, il entra à l’école de plein exercice de pharmacie de Marseille, obtint son diplôme à la Faculté de Montpellier, le 13 novembre 1925 et le titre de docteur après une thèse consacrée aux eaux ferrugineuses du Massif des Maures. Arnal succéda alors à son oncle dans la pharmacie de la Poissonnerie, 30 rue des Marchands, au centre de Toulon.

Membre de la section socialiste SFIO en 1921 (selon le questionnaire qu’il remit en 1957 à la fédération socialiste du Var), de la Ligue des Droits de l’Homme et des Amis de l’école laïque, membre actif de la société sportive Pro Patria, F. Arnal était passionné de rugby.

Son mariage à Toulon en septembre 1928 fut conclu par son ami Joseph Risterucci, alors adjoint au maire socialiste. Son épouse, qui fut sa marraine de guerre, tenait un magasin de laines.

F. Arnal soutenait financièrement la presse socialiste varoise, et notamment Le Populaire du Var à partir de 1934. Il prit une part plus active à la vie politique lorsque la menace de guerre et de fascisme grandit. Il présidait le syndicat des pharmaciens du Var depuis le milieu des années 1930 et fut nommé membre de la Chambre régionale des pharmaciens en 1941.

Mobilisé comme capitaine le 1er avril 1940 au dépôt d’artillerie de Nîmes (Gard), après avoir participé à la bataille de la Somme en juin 1940, il fut démobilisé le 31 juillet.

Membre depuis la fin de 1940 du réseau F 2 (franco-polonais), en liaison avec Gaston Havard, sous le pseudonyme de “Macie“, il favorisa notamment son implantation en Italie. En contact avec les représentants du général Cochet et avec le premier noyau de “Franc-Tireur“, il hébergea à diverses reprises le fondateur du mouvement Jean-Pierre Lévy. Arrêté le 29 octobre 1941, il fut incarcéré au Fort Saint-Nicolas à Marseille et libéré le 1er mai 1942. Il bénéficia d’un non-lieu en juillet 1942.

Après sa libération, F. Arnal reprit contact avec le mouvement “Combat“, membre de son service de renseignements, quand le SR des MUR, puis du Mouvement de Libération nationale fut constitué en septembre 1943, il en devint le chef régional (R2) sous les pseudonymes de « Franklin » et de « Gérard Duquesne ». Il fut alors en contact avec d’autres réseaux de renseignements (Étoile, Marine, Gallia-Kassanga en 1943, Ritz-Crocus en 1944).

Membre fondateur du Comité de coordination de la Résistance du Var en avril 1943, il remplaça Sarie à sa présidence lorsque ce comité devint Comité départemental de Libération en octobre 1943 tout en assurant la présidence du MLN dans le Var. Il supervisa la préparation de la Libération dans le Var (mise en place des comités locaux de Libération, préparation du maquis de Siou Blanc). Entré dans la clandestinité depuis novembre 1943 après l’arrestation de sa secrétaire par les Allemands, il fut hébergé par les Dominicains de la Sainte-Baume, par l’abbé Deschamps à La Crau, à la ferme Humbert à Bormes. En liaison avec l’état-major départemental FFI et la mission Sampan chargée d’empêcher les destructions allemandes, il joua un rôle actif dans la coordination des divers groupes de résistance à l’été 1944. Il fut légèrement blessé lors des combats de la libération de Toulon.

Président de la délégation spéciale de Toulon installée le 7 septembre 1944 par le préfet, il céda la fonction deux jours plus tard comme il était prévu, au retour de Risterucci, absent à la réunion du 7. Délégué à la police Délégué à la police, président du Comité départemental de Libération jusqu’à sa dissolution, du Comité varois de Libération nationale, F. Arnal n’affichait pas son engagement socialiste selon le rapport du 10 septembre 1944 d’Albert Lamarque. Le Préfet, en avril 1945, indiquait qu’un conflit avec les anciens de la SFIO était prévisible et que de plus en plus Risterucci se posait en adversaire personnel. La lutte politique devait prendre très vite une allure publique jusqu’au départ de ce dernier de la SFIO. Arnal proposait que la liste présentée aux élections municipales d’avril 1945 soit de même composition que la délégation qu’il présidait. Toutes les forces y étaient représentées ; les communistes dont il craignait les visées y occupaient des fonctions non dominantes. Le Parti socialiste SFIO venait de décider de présenter des listes à direction socialiste les plus homogènes possibles. Risterucci était en accord avec cette conception qui l’emporta finalement dans la section. Arnal, dans ces conditions, refusa de participer à la liste que le Parti présenta et qui fut battue. Il assura pendant une année le secrétariat de la section socialiste. Deux ans plus tard, Risterucci ayant quitté le Parti, il conduisait aux élections municipales d’octobre 1947 la « liste d’union républicaine et socialiste » qui eut dix élus SFIO et MRP. Aux trois tours pour l’élection du maire, il recueillit dix voix, les conseillers socialistes ayant refusé de voter pour le maire sortant communiste Jean Bartolini puis pour Risterucci, allié des communistes. Avant le troisième tour, ils avaient refusé toute discussion avec les communistes. Le candidat du RPF Louis Puy devint maire. La municipalité, en 1949, paralysée, fut dissoute. Pour les nouvelles élections, Arnal ne fut pas candidat.
Plus tard, F. Arnal, à diverses occasions, défendit des positions minoritaires dans la section socialiste. Il s’opposa à l’élection d’Edouard Le Bellegou comme maire avec les voix des colistiers « indépendants » de Puy ou aux accords passés avec le Parti communiste français par Le Bellegou pour former « une majorité stable ». Lors du renouvellement de l’accord municipal de 1955, il signa dans République, le 13 février 1955, un article dénonçant cette UNITÉ D’ACTION condamnée par tous les congrès nationaux […]. Sur le plan républicain et socialiste, je m’élève contre un partage de responsabilités contraire à la volonté du suffrage universel dans son expression nationale ». Lors de la réunion de la section socialiste, le 18 février 1955, son point de vue fut battu par 44 voix contre 85. Mais congrès fédéral, le 25 juin 1955, il refusa d’intervenir car « lorsque le Comité directeur s’est prononcé, il n’y a plus à discuter ».
Les 23 et 30 septembre 1945, F. Arnal devint conseiller général du deuxième canton de Toulon, avec 4 298 voix sur 14 886 inscrits. Membre de la deuxième commission (travaux publics, bâtiments départementaux, vicinalité), il présidait la commission de l’hydraulique. Il représentait le conseil général au syndicat des communes du littoral, à la commission des eaux thermales. Candidat le 20 mars 1949, il obtint 1 558 voix sur 14 697 inscrits et fut battu par le candidat de droite Louis Puy au deuxième tour (1 783 voix).

Franck Arnal fut élu à l’Assemblée nationale constituante sur la liste SFIO, le 21 octobre 1945, qui réunit 69 644 voix sur 216 738 inscrits. Réélu le 2 juin 1946 sur la liste « Parti socialiste SFIO. Liste d’union socialiste et républicaine de la Résistance », avec 51 093 voix sur 218 263 inscrits, il fut confirmé le 10 novembre 1946, comme député à l’Assemblée nationale sur la « liste d’union socialiste et républicaine de la Résistance » avec 43 210 voix sur 216 683 inscrits. Le 17 juin 1951, il retrouvait son siège sur la « liste d’union socialiste et de défense républicaine présentée par la SFIO », avec, personnellement, 44 814 voix sur 215 749 inscrits. Deuxième de la liste, il était réélu, le 2 janvier 1956, mais arrivait en cinquième position sur sa liste en raison des votes préférentiels. Le 23 novembre 1958, candidat SFIO, il était en troisième position dans la quatrième circonscription du Var (La Seyne) avec 13 964 voix sur 72 223 inscrits. Il se maintenait au deuxième tour mais perdait près de 5 000 voix qui se reportaient sur le candidat de l’UNR. Il retrouvait 8 252 voix.

A l’Assemblée nationale, F. Arnal participa aux commissions des Finances, des Transports et de la Défense nationale dont il fut en 1956 vice-président et où il s’occupait tout particulièrement de la Marine et des Arsenaux. Il présida en 1949 la Commission dite « des généraux » et présida aussi les 82 séances du 22 juillet 1953 au 18 juin 1954, de la commission d’enquête sur le trafic des piastres en Indochine. Il conservait des liens étroits avec les officiers de Marine résistants et siégeait au Conseil supérieur des transports. Il fut secrétaire d’État aux forces armées (Marine) dans le ministère Bourges-Maunoury (14 juin-6 novembre 1957).

Le Comité directeur du Parti socialiste SFIO, le 12 mars 1952, le blâma pour le vote 712 pour n’avoir pas suivi le groupe socialiste, avec une vingtaine de députés lors du débat sur la conférence de l’OTAN à Lisbonne. L’amnistie intervint le 8 avril 1952. En avril 1954, F. Arnal figurait parmi les 59 parlementaires signataires de la plaquette Contre le traité actuel de la CED. Pour la liberté de vote et l’unité fraternelle du Parti. En mai 1954, il fut un des 58 signataires de Contre la petite Europe cléricale et réactionnaire. Le 23 mai 1954, au congrès fédéral, il indiqua : « la CED marque le glas de l’Europe pacifique […] La ratification du traité allait à l’encontre de l’idée socialiste d’une Internationale, car elle n’aboutissait qu’à une petite Europe. » Aussi le 18 juin 1954, à la commission de la Défense nationale, vota-t-il contre la CED, et le 31 août 1954, se prononça-t-il pour la question préalable du général Aumeran entérinant le rejet de la CED. Il fut suspendu de toute délégation par le Comité directeur du Parti, le 7 juillet 1954. Lors de la réunion du comité fédéral de la SFIO, le 20 février 1955, évoquant la question du réarmement allemand, il indiqua : « A votre demande, Jean Charlot et moi-même, nous nous sommes inclinés et avons accepté de voter par discipline les accords de Paris qu’au fond de nous-mêmes nous désapprouvions. »
Selon la biographie qu’il remit à la Fédération SFIO du Var, F. Arnal aurait été le secrétaire particulier de Léon Blum et aurait été chargé d’organiser la conférence de l’Internationale socialiste de Stresa où Blum donna une définition du socialisme démocratique international (9 avril 1948). Cette expression de « secrétaire particulier » n’était pas fondée selon Daniel Mayer. En janvier 1981, F. Arnal reconnaissait qu’elle n’était pas juste. Il avait été invité à cette conférence par un des organisateurs qu’il avait connu lors de sa détention à Marseille. Il avait alors en raison de ses fonctions parlementaires collaboré avec Blum. Il ne s’agissait pas d’une conférence de l’Internationale mais d’une invitation faite à Blum par Giuseppe Saragat qui l’avait aussi invité en raison de ses bons rapports avec les socialistes italiens. Avec Robert Verdier, il représenta la SFIO au congrès d’une des fractions socialistes italiennes à Florence.

F. Arnal joua un rôle important dans la presse socialiste. Le 2 mars 1946, dans une lettre au ministre de l’Information, Gaston Defferre, il proposa de créer un quotidien socialiste après avoir trouvé une solution pour lever la situation de séquestre des sociétés de presse varoise et demander une attribution de papier. Membre du comité de direction de République, « Organe de la fédération SFIO du Var », créée en avril 1946, il fut le directeur politique dès le premier numéro, du 1er mai 1946 à 1954. Le 27 février 1954, il était partie prenante dans la cession de parts du quotidien socialiste Le Provençal.

F. Arnal, président à vie du syndicat des pharmaciens du Var, présida le Conseil national de l’ordre des pharmaciens de 1947 à 1953, puis de 1961 à 1980, date à laquelle il devint président honoraire. Il assurait la présidence de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens depuis sa fondation en 1948. Vice-président du Conseil supérieur de la pharmacie, président de l’Académie de pharmacie en 1977, il avait occupé la vice-présidence dans la Fédération internationale pharmaceutique.

F. Arnal, en 1957, fut initié à la franc-maçonnerie (Grand Orient) qu’il quitta quelques années plus tard. Il ne participait pas aux réunions de la Fraternelle parlementaire présidée par Paul Ramadier.
F. Arnal ne partageait pas les analyses de la fédération des Bouches-du-Rhône sur l’Algérie qui rencontrèrent un bon accueil dans le Var. Le 7 septembre 1958, il présenta avec Edouard Soldani au congrès de la fédération SFIO, une motion qui remporta la majorité des mandats (200 contre 60 à la motion de Jean Charlot). Elle préconisait la réponse positive au referendum fondant la Cinquième République. Il signa peu après un appel, dans République, un appel destiné aux anciens combattants allant dans le même sens. Défait aux élections législatives, il cessa d’appartenir à la SFIO dans le Var en avril 1959 à la suite de sa non-désignation comme candidat aux élections sénatoriales dans le Var alors que Le Bellegou, dont il avait contesté l’alliance municipale avec les communistes, était désigna comme candidat. Dans sa lettre de démission de la SFIO du 11 avril 1959, il maintenait son « attachement au socialisme […] au-dessus de l’appareil toulonnais ». Dans une lettre à Guy Mollet, le 14 avril 1959, annonçant sa démission du Parti, il précisait « Je ne saurais oublier […] l’honneur que me fit Léon Blum en me réservant, à ses côtés, une place de choix à la fin de sa vie ».Mais il demanda à adhérer à la 12eme section socialiste de la Seine.

F. Arnal cessa ses activités de pharmacien à la fin de 1959 et se consacra à ses activités corporatives.

Il fut élu maire de Vialas en 1964 après une élection partielle et fut réélu régulièrement jusqu’en 1977, date à laquelle il ne se représenta pas. À ce titre, il siégea dans le conseil d’administration du Parc national des Cévennes.
Commandeur de la Légion d’honneur depuis 1948, Arnal fut un des fondateurs de l’Union travailliste. Il exprima à plusieurs reprises son attachement au « gaullisme de gauche » et signa plusieurs appels pour que les divers mouvements qui s’en réclamaient puissent se grouper.

Remarié le 17 août 1977 à Paris (VIIe arr.), F. Arnal séjournait dans sa maison de Carqueiranne (Var), où il avait reçu souvent Guy Mollet, quand il mourut à l’hôpital d’Hyères et fut enterré à Vialas.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article10226, notice ARNAL Franck, Frédéric par Jacques Girault, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 14 octobre 2022.

Par Jacques Girault

Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956

SOURCES : Arch. Assemblée nationale, dossier personnel. — Arch. Dép. Var, 2 M 7 35 4 ; 18 M 43. — Arch. OURS (fédération du Var). — Archives J. Charlot (Centre d’histoire sociale du XXeme siècle. Université de Paris I). — Archives privées.— Sources orales. — Témoignages de R. Altiéri, H. Caillavet, J. Charlot, D. Mayer, H. Michel, R.Verdier — Renseignements fournis par l’intéressé. — Notes de Jean-Marie Guillon. — Presse locale et nationale. — Henri Michel, Quatre années dures, Paris, Grasset, 1945, 284 pages.

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