BRIARD Paul, Lucien

Par Gilles Pichavant

Né le 23 juin 1884 à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Inférieure) ; instituteur ; syndicaliste CGT ; socialiste avant la guerre 14-18, socialiste-communiste, puis communiste, puis militant de la Ligue syndicaliste à la fin des années 1920.

Fils d’un petit fonctionnaire, Paul Briard était maitre répétiteur à Dieppe à la veille de son service militaire. Instituteur adjoint au Havre (Seine-Inférieure) en 1906, puis aux Grandes-Ventes (Seine-Inférieure) en 1909, puis à Dieppe en 1910, il organisa en février et mars 1912 plusieurs conférences dont le caractère « antipatriotique » fut retenu contre lui par l’Administration.

Lors de la campagne électorale de mai 1912, le maire de Dieppe porta plainte contre lui pour injures ; cette dernière péripétie décida l’Administration à rendre effective une mesure de déplacement déjà envisagée. L’affaire fit grand bruit et trouva plusieurs échos dans l’Humanité.

Déplacé à Neufchâtel-en-Bray (Seine-Inférieure, Seine-maritime) en août 1912, il se vit infliger une peine de réprimande en septembre, pour avoir signé le manifeste des instituteurs syndiqués. De nombreuses pétitions furent signées en sa faveur, pour son retour à Dieppe et finalement sa femme et lui furent nommés au Havre en juillet 1914. En janvier, Briard avait représenté la Fédération socialiste au congrès national du Parti SFIO tenu à Amiens.

Mobilisé le 4 août 1914, il fut affecté comme caporal au 239e régiment d’infanterie. Cassé de son grade le 17 mars 1915, il fut muté le 4 décembre, sur décision du général, au 13e régiment artillerie (service automobile), puis, le 10 février 1916, au 83e régiment d’artillerie lourde. Il fut nommé instituteur à Neuville-les-Dieppe après sa libération en mars 1919.

En décembre 1919, il se sépara de l’Amicale des instituteurs et créa le Syndicat des membres de l’Enseignement laïc de Seine-Inférieure, dont il fut élu secrétaire le 24 janvier 1920. Si l’organisation adhéra aussitôt à la CGT, ce fut pour y grossir les rangs minoritaires, Briard animant à Dieppe le CSR local. Il assura les fonctions de secrétaire adjoint de l’Union locale de Dieppe, qui avait été créée en septembre 1919.

Poursuivi en avril 1920, pour avoir surveillé la vente de la brochure Vive la République des Soviets de Jacques Sadoul dans un meeting, il dirigea avec Arpajou, les premiers jours des grèves de mai ; le 7 mai il fut arrêté sous l’accusation de "complot contre la sécurité de l’État et menées anarchistes", — utilisation de la loi du 28 juillet 1894 contre les grévistes et leurs soutiens — avec Sylvain Laffargue, Alfred Roussel, Eugénie Gaignon, et son père Aimable. Le 12 mai la police arrêtait à leur tour les cheminots André Perry, et Henri Chassin, de passage à Dieppe pour la fédération, dans le cadre de la répression de la grève des cheminots.

Si d’une manière générale les arrestations se passèrent dans le calme, la presse locale rapporta que celle de Paul Briard fut mouvementée. Il fit du bruit, cria, et protesta véhémentement de son innocence. Menacé de rébellion, il finit par se laisser emmener. Il protesta de nouveau bruyamment à son arrivée à la prison du Pollet, à Dieppe.

Immédiatement après son arrestation, la police procéda à des perquisitions à son domicile, et ne trouva pas grand chose. Le 13 mai, elle procéda à une perquisition dans le local des syndicats où le groupe socialiste conservait ses archives. Cela amena Paul Briard à protester du fait que les perquisitions, tant à son domicile que dans le local syndical, aient été faites en son absence. On perquisitionna aussi chez Mlle Caby, la secrétaire adjointe du syndicat de l’enseignement, et chez toutes les personnes arrêtées.

Tous étaient socialistes, tous avaient adhéré au Comité de la 3e Internationale. Léonie Kauffmann, militante parisienne, fut, elle aussi, inquiétée, et l’on perquisitionna chez elle. D’origine rouennaise, c’était une ancienne camarade d’école et amie de la mère de Paul Briard. En mai 1919, alors qu’elle était en villégiature à Dieppe, elle avait organisée une réunion, au cours de laquelle la majorité des arrêtés avaient adhéré au comité, et créé une section locale. Paul Briard, absent lors de cette réunion, y adhéra par la suite. A plusieurs reprises au long de l’instruction, il protesta vivement de sa qualité de "républicain-socialiste", ou de "socialiste-communiste".

On rechercha en vain Alexandre Hoffberger*, ou Offenberger, militant d’origine roumaine, que la police qualifia d’anarchiste, alors qu’il était connu par les dieppois arrêtés comme socialiste. Il était intervenu dans cette réunion de constitution de la section locale du Comité de la 3e Internationale. Il s’avéra qu’il avait été expulsé et qu’il se trouvait à Turin (Italie).

Dans les perquisition, la police ne saisit en réalité pas grand chose, hormis une série de brochures et divers documents, mais la presse locale fit courir le bruit que les personnes arrêtées étaient dangereuses, qu’elles prévoyaient de créer un soviet à Dieppe, et qu’on avait saisi chez eux une liste de personnes à arrêter, en cas de prise du pouvoir, ce qui fit grand bruit. Mais il n’en était rien. Il fut demandé au receveur des postes d’arrêter toutes les correspondances de Briard, Perry et Laffargue, mais cela ne donna rien. Le procureur fit lever la mesure le 25 juillet.

Le 1er juillet 1920, tous furent mis en liberté. Le 3 octobre 1920, le procureur prononça un non-lieu sur l’accusation de complot contre la sécurité de l’État, et des menées anarchistes. Mais Paul Briard resta poursuivi pour avoir vendu cette brochure Vive la République des Soviets de Jacques Sadoul à l’entrée d’un meeting, le 16 avril 1920. Le 15 décembre il fut condamné à cinquante jours de prison, le tribunal considérant qu’elle contenait des passages tombant sous le coup de la loi du 28 juillet 1894, non pas sous l’aspect des menées anarchistes explicitées dans son article 2 (provocation de militaires à la désobéissance), mais sous son article 1, (incitation des ouvriers et des paysans à l’insurrection et à la révolte), et que la preuve en était que cette vente avait eu lieu 14 jours avant le 1er mai 1920. Ayant purgé 56 jours de préventive, Paul Briard réclama d’être indemnisé pour les 6 jours supplémentaires subis. Le 1er janvier 1921, il fut révoqué de l’enseignement. N’ayant plus de travail, il quitta la région dieppoise pour installer une librairie à Forges-les-Eaux (Seine-Inférieure), et habita à Gaillefontaine (Seine-Inférieure).

Paul Briard ne lâcha pas pour autant la revendication de sa réintégration. Cela donna lieu à une campagne permanente de la Fédération de l’enseignement (Unitaire), marquée par le vote de motions dans tous les congrès. Il déploya une activité importante au sein de cette fédération. Celle-ci le chargea de s’occuper des questions internationales, et il devint membre du bureau provisoire de l’Internationale de l’enseignement, créée en 1920. Le 25 mars 1921, lors de la réunion du conseil fédéral de la fédération de l’enseignement, il présenta un rapport sur l’Internationale, à la suite de quoi, le conseil fédéral se prononça pour l’adhésion de l’Internationale de l’Enseignement au Conseil international des syndicat ouvriers siégeant à Moscou, et de la tenue d’un congrès international en août suivant.

Membre du parti socialiste avant le congrès de Tours, militant du Comité de la 3e Internationale, il devint, tout naturellement membre du PC. Le 7 février 1923, Paul Briard fut inscrit au carnet B.

Toujours secrétaire du syndicat unitaire de l’Enseignement laïc de Seine-inférieure, Paul Briard fut finalement réintégré dans l’enseignement en septembre 1924. Initialement nommé à la rentrée des classes à Serqueux (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) — à 3 kilomètres du poste de sa femme, elle -même institutrice — courant octobre il fut déplacé à 12 kilomètre de cette commune, ce qu’il refusa. Cela donna lieu à des protestations fédérales reprises dans l’Humanité. Le 24 novembre ce déplacement fut définitivement annulé et il resta à Serqueux.

L’année suivante, Paul Briard fut nommé instituteur à Saint-Léger-du-Bourg-Denis (Seine-Inférieure). Le 1er octobre, il fut réélu secrétaire, puis trésorier du syndicat de l’Enseignement jusqu’en 1927. À cette date, il quitta le PC pour rejoindre Engler à la Ligue syndicaliste.

En conflit avec le maire de Saint-Léger-du-Bourg-Denis, il fut à nouveau victime d’une mesure de déplacement en 1929 et, malgré les protestations de tous les syndicats du département, il fut nommé à Yébleron (Seine-Inférieure). En janvier 1930, à la suite d’une campagne pugnace menée par tous les groupes de gauche et les défenseurs de l’école laïque, il fut nommé à Déville-Les-Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime).

Personnage haut en couleur, son conflit avec le maire de Saint-Léger est resté dans les mémoires des militants de la région ; lors d’un 14 juillet, la municipalité l’ayant obligé à participer à la cérémonie, il obligea ses élèves à exécuter tous les couplets de la Marseillaise.

Militant d’une grande susceptibilité, exacerbée par un bec de lièvre disgracieux, on le vit plusieurs fois en venir aux mains avec ses interlocuteurs, lors des réunions électorales, en particulier.

Au printemps 1937, alors qu’il terminait sa dernière année d’activité professionnelle, il fut sollicité par l’Union départementale CGT de la Seine-Inférieure pour animer une section de « Tourisme et Vacances Pour Tous », association de loisirs nouvellement créée par la CGT, et fut chargé par la CA du 28 juin 1937 de préparer un numéro spécial du journal de l’UD, Le Travail, pour informer les syndiqués de la création de cette structure, et de son programme de vacances et de loisirs. Paul Briard prit sa retraite le 1er octobre 1937.

Le 2 février 1910 à Veules-les-Roses, Paul Briard s’était marié avec Rachel Beaufils, institutrice. Ils eurent un fils et d’une fille. Celle-ci, âgée de seize ans en 1929 fut élève à l’École Normale de Rouen. Parmi les témoins du mariage on note Louise Briard, veuve Quillou, tante de Paul Briard et directrice de l’école Sévigné à Dieppe.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article102436, notice BRIARD Paul, Lucien par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 3 novembre 2010, dernière modification le 20 décembre 2020.

Par Gilles Pichavant

SOURCES : Arch. Nat. F7/13749, Paris, 21 octobre 1929. — Arch. Dép. Seine-Maritime, 4 M P 1815, 10 M P 1409, 3U 1-899 ; Registre Matricule N°1349, classe 1904, Rouen Nord. — Arch. de l’Union locale de Dieppe (1935-1939), aux Arch. de la Confédération CGT à Montreuil, cote 1PA6 — Compte rendu du congrès d’Amiens. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., p. 608. — La Dépêche de Rouen, 8 mai 1920. — Le Progrès Social, 25 janvier 1830 — L’Humanité, 10 juin 1912, 25 juillet 1912, 18 juillet 1914, 9 mai 1920, 20 janvier 1921, 13 mars 1921, 26 mars 1921, 18 janvier 1923, 5 mai 1924, 30 octobre 1924 — Mémoire de Maîtrise de J.-J. Doré. — M. Ferré, Histoire du mouvement syndicaliste révolutionnaire chez les instituteurs, des origines à 1922, Paris, 1955, pp. 236-237. — Fonds ancien de Dieppe : L’Impartial, l’Éclaireur, La Vigie, mai, juin 1920. — Journal officiel du 16 avril 1938 — État civil de Veules-les-Roses (Seine-Inférieure, Seine-Maritime).

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