BRILLEAUD Octave [BRILLEAUD Élie, Octave]

Par Justinien Raymond, Jean-Yves Guiomar

Né le 29 juillet 1876 à Mougon (Deux-Sèvres) ; élu maire socialiste de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord) en 1931.

Industriel à Saint-Brieuc où il arriva en 1905, O. Brilleaud s’associa avec Maréchal, puis avec Mme Maréchal l’année suivante, qui dirigeaient la Maison de commerce et des ateliers. Le numéro spécial de L’Éveil breton (organe de la Fédération socialiste des Côtes-du-Nord) de juillet 1925 précise que Brilleaud appartint à la SFIO dès l’unification et il fut délégué au congrès national de Brest en 1913 (cf. Dict., t. 11). À partir de 1914 il appartint au comité directeur de la Fédération et ce fut lui qui présida le congrès de la Fédération en juin 1921, juste après la reconstitution de celle-ci. Il était également administrateur de la société « La Semeuse », créée en 1923 pour assurer l’exploitation de L’Éveil breton ; cela lui garantissait en fait la propriété du journal, source de difficultés ultérieures. Brilleaud figurait aussi en bonne place dans les organismes dirigeants de nombreuses sociétés briochines ou départementales (conseil d’administration du Comité de défense laïque, Caisse départementale de crédit agricole, Banque populaire, etc.), ce qui, tout autant que sa situation professionnelle, contribua à faire de lui une personnalité de premier plan à Saint-Brieuc dans le courant des années 20. Il put dès lors s’imposer comme le chef de file des socialistes dans la principale ville du département. S’il ne remporta que 1 900 voix lors des élections municipales en mai 1925, et s’il fut également battu lors des élections cantonales de la même année, une élection municipale partielle lui permit d’entrer au conseil municipal en 1927. Dès lors la Fédération socialiste et L’Éveil breton accordèrent dans leur propagande une place importante à Saint-Brieuc, notamment sur le plan de la gestion municipale. Cela se justifiait dans la mesure où jusque-là, la SFIO était restée très en retrait par rapport au radicalisme qui dans le département était tenu pour le fer de lance contre la réaction. L’élection de Brilleaud constituait le signe annonciateur d’une percée socialiste. Brilleaud fut réélu au conseil municipal en 1929 et devint le premier adjoint au maire radical, Servain. Comme d’autres exemples le montrent, la poussée socialiste ne put alors dépasser le niveau municipal, puisque Brilleaud échoua devant les radicaux tant au conseil général qu’aux élections sénatoriales. La bonne entente de Brilleaud avec Servain (ils menèrent tous deux la lutte contre les Camelots du Roy) et sa popularité dans la ville portèrent Brilleaud au poste de maire en octobre 1931, à la mort de Servain.

Bien que Brilleaud n’hésitât pas à prendre part aux côtés des communistes briochins à la lutte contre l’esprit belliciste, il était néanmoins bien éloigné d’eux sur l’essentiel. Il était à ce moment-là président de la Ligue de l’Enseignement et important dignitaire franc-maçon de Saint-Brieuc ; c’est pourquoi l’esprit de la Fédération socialiste de la ville, comme dans les autres villes importantes du département, était essentiellement marqué par le laïcisme et imprégné d’une forte mentalité petite-bourgeoise. Prépondérant jusqu’aux années 1930, le poids de Saint-Brieuc dans les orientations de la Fédération socialiste des Côtes-du-Nord ne cessera de diminuer jusqu’à la guerre, par suite de l’apparition et du développement rapide d’un courant d’extrême gauche d’abord autour du groupe de La Charrue rouge à Lannion (Voir Augustin Hamon* et Yves Le Lay*) mais aussi du fait de l’importance croissante des pivertistes dans les sections rurales et semi-rurales du département. Les attaques de plus en plus nettes portées par La Charrue rouge dès le début des années 1930 révèle les tendances de la majorité fédérale dirigée par Brilleaud. Celui-ci fut par ailleurs constamment attaqué par les communistes, peu nombreux à cette époque dans le département. Dans leur organe interrégional, La République ouvrière et paysanne, ils traitèrent Brilleaud en octobre 1927 de « patron Brilleaud », de « Boncouriste à tous niveaux » de « capitaliste » dont ce n’était pas le rôle de combattre le capitalisme. Brilleaud ne tarda pas à confirmer le bien-fondé de ces attaques, tant de l’intérieur que de l’extérieur du parti, en quittant celui-ci lors de la scission néo-socialiste. Sur la date exacte de son retrait, il y a divergence : selon lui, ce fut en juillet 1933, selon L’Éveil breton du 23 juin 1934, ce fut en janvier 1934 seulement. Ce départ, dans lequel Brilleaud n’entraîna qu’une faible minorité de militants, briochins pour la plupart, ne porta aucune atteinte à la vigueur du développement de la SFIO dans le département. Brilleaud avait peut-être pensé que sa position de propriétaire du journal fédéral lui assurerait un poids important, mais les responsables de la Fédération, aidés par les camarades du Finistère (notamment Guy Le Normand, secrétaire fédéral du Finistère et ancien militant de la Fédération des Côtes-du-Nord) firent paraître un nouveau journal, d’abord appelé Le Combat, puis Le Combat social. Bien que ce journal déclarât en janvier 1938 que Brilleaud poursuivit après son départ de la SFIO son action militante « dans un « parti voisin » fidèle à l’inspiration de sa jeunesse », il ne semble pas que Brilleaud se soit beaucoup consacré au militantisme. Le néo-socialisme n’eut aucune implantation à Saint-Brieuc ou dans le reste du département. Les socialistes s’abstinrent du reste de le combattre, et, ses qualités de maire n’étant discutées par personne, il fut réélu à ce poste en 1935. Le 11 avril 1937, on le vit présider aux côtés des socialistes représentés par Mazier* et des communistes représentés par Flouriot* une réunion du Secours populaire à Saint-Brieuc. Mais en septembre 1938, il fit savoir qu’il jugeait inopportune une manifestation prévue par la CGT contre les décrets Daladier.

Sous l’influence semble-t-il de son gendre militant socialiste à Dinan et passé au parti de Déat, Brilleaud se laissa aller à quelques imprudences dans ses rapports avec l’occupant. Discrédité après la guerre, il abandonna toute activité politique et mourut.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article102509, notice BRILLEAUD Octave [BRILLEAUD Élie, Octave] par Justinien Raymond, Jean-Yves Guiomar, version mise en ligne le 3 novembre 2010, dernière modification le 1er novembre 2013.

Par Justinien Raymond, Jean-Yves Guiomar

SOURCES : Arch. Dép. Côtes-du-Nord, série M, réunions syndicales et corporatives ; réunions diverses. — L’Éveil breton. — Le Combat. — Le Combat social. — Compte rendu du congrès de Brest. — Compère-Morel, Grand Dictionnaire socialiste p. 84.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable