ARNOL Justin, Clément, Célestin

Par Pierre Broué

Né le 23 novembre 1905 à Huez (Isère), mort le 12 mars 1943 à Grenoble (Isère) ; instituteur, puis professeur d’EPS ; syndicaliste et militant socialiste, secrétaire fédéral SFIO de l’Isère ; député de l’Isère.

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

Issu d’une famille paysanne de l’Oisans, normalien à Grenoble, admis à l’École normale supérieure de Saint-Cloud, Justin Arnol y renonça pour des raisons familiales. Il fut nommé instituteur dans les confins lyonnais à Saint-Romain-de-Jalionas (Isère) puis, après son service militaire (1926-1927), à Chaponnay (Isère) de 1928 à 1931. Inscrit à la faculté des lettres de Lyon, il obtint une licence ès lettres (certificats d’Histoire moderne et contemporaine en 1928, de géographie générale en 1930, de pédagogie en 1930, d’histoire du Moyen Age en 1931).
Il se maria le 14 août 1928 à Grenoble (Isère) avec Andrée, Odette, Fernand Berthet, institutrice, sœur de l’instituteur Alix Berthet. Le couple eut deux enfants.

Titulaire de la première partie du professorat des écoles normales et des EPS (1929), Justin Arnol fut nommé à l’EPS de Thonon (Haute-Savoie) en 1931 puis à celle de La Côte Saint-André (Isère).

Syndicaliste, Justin Arnol contribua à animer avec son beau-frère, entre 1930 et 1934, le très actif Groupe des Jeunes, qui rassemblait dans une même volonté d’unité syndicale des instituteurs militants tant à la CGT qu’à la CGTU.

Adhérent à la SFIO à partir de 1922 ou 1925, il y aurait milité à Chaponnay entre 1928 et 1931. Aux élections législatives de 1932, il affronta sans succès à La Tour-du-Pin le dissident Jean-Louis Chastenet. Choisi comme secrétaire fédéral adjoint en décembre 1932, Arnol collabora dès lors très activement au Droit du Peuple. Il devint secrétaire de la fédération de l’Isère en novembre 1933 et fut constamment réélu à ce poste jusqu’à la guerre.

Il apparut tout de suite très lié avec Paul Faure, et en présence du courant vers l’unité ouvrière, particulièrement précoce et puissant dans l’Isère, auquel il avait contribué parmi les instituteurs les années précédentes, il tint à maintenir l’unité d’action de juillet 1934 au strict niveau des organes dirigeants des partis, et à la considérer comme toujours révisable. Au sein de sa Fédération, Arnol ne rompit pas pour autant avec la tendance de « La Bataille Socialiste » (que conduisait son beau-frère Berthet) : cette dernière légèrement minoritaire au congrès fédéral du Grand-Lemps (Isère), en mai 1935, accepta une motion de synthèse du secrétaire fédéral – partisan de la motion Léon Blum-Jean-Baptiste Séverac – et consacra l’isolement du petit groupe « bolchevik-léniniste ». Il siégea à la CAP nationale comme suppléant, en 1936 (motion Paul Faure), 1937 (motion Blum-Paul-Faure), 1938 (motion Blum).

Aisément élu député de Grenoble en juin 1936, en tête de la coalition de Front populaire, Arnol soutint résolument le gouvernement Blum, dont il défendit, dans Le Droit du Peuple, tous les aspects de la politique aussi bien l’Office du Blé que la non-intervention en Espagne, et finalement la « pause ». À cette occasion, il engagea, dès septembre 1936, un dialogue de plus en plus acerbe avec les porte-parole du Parti communiste, pour aboutir, en juin 1938, au refus de sa part de réunir le comité de coordination du Front populaire, et à l’interdiction aux sections socialistes de toute assemblée commune avec les communistes.

Bien qu’il n’ait pas approuvé le soutien au gouvernement radical, en janvier 1938, le secrétaire fédéral demeura un appui sûr pour la direction du Parti dans les moments difficiles. Lorsque Paul Faure, en vue des affrontements prévisibles au futur congrès de Royan, vint en personne dans l’Isère battre le rappel, Arnol lui assura l’appui de la quasi-unanimité de sa Fédération (congrès fédéral de Bourgoin, mai 1938).
Quelques mois plus tard, ses sentiments pacifistes devaient l’amener à approuver les accords de Munich. Sans doute expliquent-ils aussi, dans le bouleversement de l’exode, auquel il aurait été très sensible, son vote du 10 juillet 1940 en faveur du Maréchal Pétain. Il refusa d’être réintégré dans l’enseignement dans un département voisin et obtint la prolongation du détachement demandé en 1936 pour accomplir son mandat parlementaire. Sur cette voie, il fournit des articles à un médiocre organe « collaborateur » lyonnais, L’Effort sportif de Paul Rives, avant de mourir isolé et désespéré par la conscience de s’être fourvoyé.

Doué d’un réel talent polémique, bon organisateur, sachant « tenir » sa Fédération sans trop se heurter aux éléments plus ardents, Arnol fut toujours torturé par un déséquilibre qui contribua à la fin de sa vie à son isolement humain et politique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article10259, notice ARNOL Justin, Clément, Célestin par Pierre Broué, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 21 septembre 2021.

Par Pierre Broué

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

SOURCES : Arch. Nat., F17/26675/B. — Le Droit du Peuple, 1930-1938. — Le Travailleur alpin, 1930-1938. — Témoignages : Mme Arnol, A. Berthet. — P. Barral, Le Département de l’Isère sous la IIIe République, op. cit. — Notes de Jacques Girault.

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