ARRACHARD René, Maurice

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 22 février 1905 à Liancourt (Oise), mort à Paris (XXe arr.) le 24 janvier 1972 ; ouvrier terrassier ; militant de la CGTU et du PC ; secrétaire général de la Fédération CGT du bâtiment ; membre du comité central du PCF (1929-1945, 1947-1954) ; délégué à Moscou auprès de l’Internationale communiste en 1935.

René Arrachard
René Arrachard

René Arrachard était fils d’un militant socialiste, ouvrier puis comptable dans une usine de chaussures de Liancourt, qui mourut de la tuberculose en 1912. Sa mère fut domestique puis femme de ménage. René Arrachard titulaire du certificat d’études (2e du canton) commença à travailler en 1917 dans une fonderie de grenade. Membre du Parti communiste depuis octobre 1923, manoeuvre dans différentes corporations (métallurgie, produits chimiques, bâtiment), R. Arrachard fut libéré du 13e bataillon de mitrailleurs où il effectuait son service militaire avec le grade de sergent (sur les conseils du Parti communiste) en 1926. Son autobiographie de 1932 précise : « Étant à l’armée du Rhin, j’ai fait du travail anti sous la direction de Cormont, de Rouffianges et de Rolland [qui fut son beau-frère]. ». Il continua à faire du travail antimilitariste illégal pendant trois ans.

Domicilié à Melun (Seine-et-Marne), 14, rue Guy-Beaudoin jusqu’en 1930, il fut membre du syndicat unitaire des terrassiers de Melun, secrétaire de l’Union locale, secrétaire du rayon de Melun du PC, R. Arrachard soutenait la direction « gauchiste » de la région parisienne : « Au moment de la 4e conférence régionale en 1928, j’ai voté avec Villatte*-G. Joseph* qui furent battus dans cette conférence. Je votais avec eux pour combattre la position opportuniste de Bernard*. » (autobiographie de 1932). Il participa au congrès du Parti tenu à Saint-Denis du 31 mars au 7 avril 1929 et fut élu membre du comité central. À l’occasion d’une réunion de ce comité qui se tint à Villeneuve-Saint-Georges le 21 juillet, il fut arrêté et inculpé de complot contre la sûreté intérieure de l’État mais il fut mis en liberté provisoire le 10 mai suivant. Son ascension dans la hiérarchie du Parti comme dans celle de la CGTU fut très rapide. Engagé à fond dans la réalisation de la politique ultra-gauche, il fut peut-être poussé, comme on l’a dit parfois, par Pierre Celor. Il écrivit lui-même : « J’ai été lié au groupe sans le savoir par l’intermédiaire et sous la pression de Celor. Depuis, j’ai vigoureusement combattu le travail néfaste accompli par eux et dans lequel ils avaient réussi à m’entraîner en abusant de mon manque d’expérience. » (autobiographie de 1932).

En mai 1930, l’Internationale communiste insista pour que la délégation envoyée à Moscou comprenne outre Barbé, Celor, Thorez, Doriot, des jeunes comme Arrachard. Militant en vue de la région parisienne, il fut réélu au comité central en mars 1932 par le XIIe congrès du Parti. En août, lors du 12e plénum de l’Internationale communiste tenu à Moscou, la direction internationale proposa de retirer la direction politique de la région parisienne à Pierre. Thorez exprima le souhait que le secrétaire syndical de la région, Arrachard, devienne le principal responsable du Parti et entre au bureau politique. Semard et Gitton s’insurgèrent contre cette proposition estimant que ce jeune camarade risquait d’être submergé. En fait c’est tout la réorganisation de la RP qui était à l’ordre du jour.

Premier suppléant du bureau politique en 1933-1934, Arrachard se rendit à Moscou en mars 1935 et y demeura en poste jusqu’en septembre ; il accompagna alors le retour à Paris de la dépouille mortelle de Barbusse et fit en sorte de ne pas rejoindre son poste par la suite en invoquant des raisons de santé. À Moscou, il avait représenté le Parti tout aussi bien que la CGTU. Pendant ce séjour, il donna des cours à l’École léniniste internationale.

Délégué propagandiste de la Fédération unitaire du Bâtiment depuis 1931, orateur populaire efficace, à la voix grave et prenante, il avait été désigné en mai au secrétariat de la XXe Union régionale des syndicats unitaires et admis à la commission exécutive de la CGTU. Délégué à la grève des mineurs du Pas-de-Calais en avril, il fut arrêté le 5 à Sallaumines pour entraves à la liberté du travail mais acquitté le 9 par le tribunal de Lens. Au cours de l’année 1932, toujours secrétaire permanent de la XXe Union régionale, il fut candidat communiste aux élections au conseil général pour le canton de Puteaux-Nanterre puis, en décembre, chargé d’effectuer la liaison entre le Parti et les cinq Unions régionales CGTU de la région parisienne. L’année suivante réélu secrétaire de la XXe Union régionale CGTU par le congrès qui se déroula du 30 mars au 2 avril, il fut également élu en septembre au bureau confédéral de la CGTU.

Il rompit avec sa sœur et son beau-frère Simon Rolland, ancien dirigeant communiste de la région parisienne, lorsque celui-ci soutint Jacques Doriot* en 1934. Au début de 1935, membre du bureau du Comité national de lutte contre la guerre et le fascisme et, réélu en février, secrétaire de la XXe Union régionale, c’est alors qu’il fut mandé à Moscou en mars 1935 en vue de préparer l’unité syndicale en cours de réalisation et désigné en juin délégué permanent du PC et de la CGTU auprès du Komintern et de l’ISR en remplacement d’Albert Vassart*. Il rentra en France en novembre.

Le comité national du 16 février 1936 l’élut secrétaire de la Fédération unifiée du Bâtiment, le bureau fédéral comprenant outre Arrachard, Nocaudie, Labrousse, Cordier et Minot. En septembre, il devenait secrétaire général. Par ailleurs le VIIIe congrès du PC, Villeurbanne, janvier 1936, l’avait réélu membre du comité central mais seulement suppléant du BP. L’année 1937 ne devait toutefois pas lui être favorable et, à l’issue du IVe congrès du Parti, Arles, 25-29 décembre, il n’était plus que membre suppléant du comité central.

Lors du congrès fédéral du Bâtiment de 1938, Arrachard fut élu secrétaire général, le président étant Brout, le secrétaire administratif et le secrétaire administratif adjoint Nocaudie et Lenoir Pierre, les deux secrétaires à la propagande, Labrousse et Cordier Henri. Au comité national du 21 novembre il était élu membre de la Commission administrative de la CGT.

Le 24 août 1939, Arrachard déposa une motion qui saluait « l’initiative de l’URSS » c’est-à-dire le Pacte germano-soviétique, devant la commission administrative de la CGT, mais la motion Jouhaux-Belin l’ayant condamné obtient dix-huit voix contre huit (il y eut deux abstentions).

Mobilisé le 6 septembre 1939 — toujours secrétaire général de la Fédération du Bâtiment — R. Arrachard fut fait prisonnier le 10 juin et incarcéré en Allemagne aux environs de Cassel. Libéré par les troupes américaines, il reprit ses fonctions à la tête de la Fédération du Bâtiment en avril 1945 et fut réélu peu après membre de la commission administrative de la CGT et membre du comité central du PC aux congrès de juin 1947 et avril 1950 alors qu’il avait disparu de la liste des membres du comité central lors du Xe congrès du Parti tenu fin juin 1945 (il siégea cependant aux séances du CC).

En novembre 1947, René Arrachard fut le président du comité national de grève mis en place par la CGT, comité où il fit preuve d’un grand optimisme. Le 1er décembre 1947, il écrivait : « Les forces répressives de l’ennemie et ses forces politiques s’affaiblissent incontestablement. La police ne peut être partout ; elle est débordée et le désarroi est incontestable chez elle. » (cité par R. Mencherini, p. 37). Quatre jours plus tard, il reprocha à Georges Cogniot directeur de l’Humanité de « remettre la grève au second plan », de renoncer aux gros titres sur le mouvement. Le 9 décembre, il dut reconnaître la tendance à l’effritement du mouvement. Au comité central des 22 et 23 décembre, l’utilité du comité national de grève fut débattue. « On a fait un comité de grève avant d’avoir les grévistes » déclara Maurice Thorez. Si pour Arrachard, « malgré les défauts et les faiblesses notre mouvement de grève a été un grand succès », pour Thorez « la décision prise du repli a été une décision juste, mais quand on sonne la retraite on ne peut pas parler de victoire ni de succès. » (p. 239). Le secrétaire général du PCF mit en valeur l’unité large contre le plan Marshall opposée à la dynamique de la grève : « S’il y a peut-être un élément plus grave encore, une telle position et surtout lorsqu’elle exposée par René [Arrachard], je crois que c’est une contradiction avec la thèse de notre dernier comité central. Comme beaucoup d’autres syndicalistes (Lucien Molino, Gaston Monmousseau) mis en cause après les grèves, Arrachard resta membre du comité central du PCF au XIIe congrès d’avril 1950. Le déclassement ne commença quelques mois plus tard.

En juin 1951, il dut donner sa démission de membre de la CA de la CGT et de secrétaire général de la Fédération du Bâtiment et il ne fut pas réélu au comité central du PC au XIIIe congrès tenu à Ivry-sur-Seine (Seine, val-de-Marne) en juin 1954. Il lui était reproché son « sectarisme » et la baisse des effectifs de la Fédération du Bâtiment.

Par la suite, Arrachard milita « à la base » et exerça certaines fonctions de responsabilité, modestes il est vrai, dans l’une des sections du IVe arr. du PC. Des témoins disent qu’il vendait régulièrement l’Humanité à l’entrée du métro Saint-Paul dans le quartier du Marais.

Déjà membre du Conseil national économique de 1936 à 1940, Arrachard fit partie du groupe de la CGT au nouveau Conseil économique en 1947. Trop absorbé par ses autres fonctions pour trouver le temps de siéger, dit-il, il démissionna en octobre 1950.

Marié à Saint-Denis (Seine) le 12 juillet 1932 à Andrée Mosser, sténodactylo, sympathisante communiste puis militante, il était père de deux filles nées en 1933 et 1935.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article10275, notice ARRACHARD René, Maurice par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 6 janvier 2021.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

René Arrachard
René Arrachard

SOURCES : Arch. Nat. F7/13131. — Arch. Jean Maitron. — RGASPI, Moscou, 495 270 16, autobiographies du 6 octobre 1932, du 3 mai 1935 et de 1949. — C. rendus des congrès. — Le Monde, 12 juin 1951. — Cahiers de l’Institut M. Thorez, n° 19, 3e trimestre 1970. — Notes de Ph. Robrieux. — Notes d’A. Caudron. — État civil de Liancourt (Oise), 5 janvier 1981. — Serge Wolikow, Le Parti communiste français et l’Internationale communiste (1925-1933), thèse, Saint-Denis, 1990. — Komintern : l’histoire et les hommes, op. cit.. — Robert Mencherini, Guerre froide, grèves rouges, Parti communiste et luttes sociales en France. Les grèves « insurrectionnelles » de 1947-1948, Syllepse, 1998.

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