BRUYÈRE Georges

Par Gérard Leidet

Né en 1893, mort le 2 janvier 1923 ; ouvrier ajusteur, syndicaliste (CGT puis CGTU) ; militant socialiste puis communiste ; co-fondateur de l’ARAC avec Henri Barbusse, Raymond Lefebvre et Paul Vaillant-Couturier.

Les fondateurs de l’ARAC
Les fondateurs de l’ARAC
De gauche à droite : Paul Vaillant-Couturier, Henri Barbusse, Raymond Lefèbvre et Georges Bruyère

Georges Bruyère naquit en 1893 dans le XVe arrondissement de Paris. Brillant élève de l’école communale de son quartier, il travailla très jeune, dès l’âge de 13 ans, comme ajusteur, tout comme son père.

Ouvrier métallurgiste, Georges Bruyère adhéra très rapidement à la CGT puis en 1915 au Parti socialiste ; il y soutenait la minorité pacifiste. Il comptait déjà parmi les militants pacifistes révolutionnaires. Lorsque la guerre éclata en août 1914, malgré ses convictions, il y alla non pas la « fleur au fusil » mais avec cette « haine de la guerre » qui ne devait plus le quitter. Sa conduite au front fut très courageuse, et en 1915, lors de la deuxième bataille de l’Artois, il fut gravement blessé à la tête, évacué, soigné puis réformé. Rentré chez lui, il reprit son métier, et son militantisme de « guerre à la guerre » qui devait, selon lui, aboutir à unir et lutter « pour ne plus jamais revoir cela ». Il était proche désormais des thèses de [Romain Rolland-< 129462] qui fut alors l’une des rares consciences à se dresser contre la haine - Contre la haine qui fut d’ailleurs jusqu’aux corrections ultimes sur épreuves, le premier titre d’Au-dessus de la mêlée, le livre qui vaudra au lauréat du Prix Nobel de littérature de 1915 (décerné en 1916) tant d’anathèmes et de vilenies…

Il fut un des fondateurs de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC). En effet, « aux jours âcres de 1917 », Bruyère rencontra Raymond Lefebvre et Paul Vaillant-Couturier vêtus de leurs capotes « raidies de boue et de sang ». Henri Barbusse venait d’écrire Le Feu, une œuvre qui délivrait leur conscience de combattant et exprimait avec réalisme l’esprit des tranchées vécu par chacun d’eux. De cette rencontre, dans un « entracte du meurtre » selon les mots de Vaillant-Couturier, allait naître l’ARAC. En 1923, ce dernier relatait avec précision la scène au cours de laquelle émergea l’idée première de l’association. « Je me souviens très précisément de cette heure-là. J’étais en permission irrégulière. Nous remontions la rue Olivier de Serres par un soir de début d’été. L’odeur des feuilles des jardins et cette fraiche saveur vivante de l’air à Paris passaient sur nous. Les enfants de l’école voisine noyaient la rue de cris et de remous clairs. Mais en nous claquait l’écho des fusillades et des canonnades. ». À Lefebvre qui affirmait qu’Il fallait absolument faire quelque chose car le Parti était « déshonoré »- faisant allusion ici à la politique d’Union sacrée poursuivie par la majorité du Parti socialiste- Bruyère répliqua : « Oui, quelque chose de neuf et qui puisse agir. Fondons une société de mutilés et d’anciens combattants pour combattre la guerre capitaliste. Voilà la liaison qui nous manque. Les vieux outils ne valent plus rien. ». Les trois soldats se rendirent chez Vaillant-Couturier et « fébrilement » rédigèrent une lettre à Barbusse et un projet de manifeste.

D’autres sources, notamment celles utilisées par Romain Ducoulombier dans son ouvrage Camarades ! La naissance du Parti communiste en France confirment le rôle important joué par Bruyère : c’est bien lui- aidé en cela par le militant socialiste (minoritaire) Maurice Delépine - qui exprima le premier l’idée d’une association d’aide aux victimes de guerre. Bruyère avait aussi rencontré Raymond Lefebvre à Verdun et ce dernier fut soudainement séduit par « l’effort de ce militant ouvrier vers la vie intelligente », découvrant-là, dans la boue des tranchées, « la classe ouvrière consciente »… (Ducoulombier, op. cit.).

Henri Barbusse allait se rallier à leur idée et le 2 novembre 1917, les statuts de l’ARAC-Association républicaine des anciens combattants-étaient déposés. Ces quatre combattants du conflit allaient lui fixer quatre principaux objectifs :
- Obtenir, puis défendre et étendre les droits à réparation des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
- Rassembler les hommes et les femmes dans l’action contre la guerre, pour la paix et la solidarité entre les peuples.
- Promouvoir les idéaux républicains de liberté, d’égalité et de fraternité et lutter contre le colonialisme (plus tard, contre le fascisme).
- Cultiver la Mémoire de l’histoire dans un esprit de vérité.

Georges Bruyère dépensa toute son énergie à travailler pour construire cette nouvelle association. D’abord une section dans le 15ème arrondissement, ensuite sur la région parisienne, et ce avant même la constitution officielle de l’association. En effet, sans attendre la déclaration officielle de la constitution de l’ARAC, il incita et encouragea les premiers militants de l’association à aller d’arrondissement en arrondissement créer des sections. Il fallait d’urgence prendre en mains la défense effective de tous les anciens combattants et des victimes de guerre, des grands blessés, des réformés « jetés à la rue », souvent sans travail et parfois sans domicile, des sinistrés, des évacués… Avec ses camarades il établit alors minutieusement les dossiers de réclamation, intervint auprès des parlementaires et des ministres. Il porta toujours en lui l’unique volonté de rassembler, unir les rescapés de cette tuerie afin qu’elle soit « la der des ders » comme l’espéraient les soldats revenus de l’enfer du front.

Georges Bruyère siégeait au Comité central de l’ARAC en 1922. Militant communiste du XVe arrondissement après le congrès de Tours (décembre 1920), il défendait les positions de la gauche. Après la guerre Georges Bruyère s’était lié d’amitié avec Clément Desusclade (1894-1943), lui aussi ouvrier métallurgiste dans le XVe arrondissement de Paris et membre de l’ARAC. Il mena en compagnie de celui-ci une « action énergique pour donner au syndicat (CGT-U) une impulsion nouvelle ».

Georges Bruyère mourut prématurément en janvier 1923, à l’âge de trente ans, des suites de ses graves blessures, en luttant jusqu’à l’extrême limite de la dure vie qu’il s’imposait. Paul Vaillant-Couturier lui rendit un émouvant hommage, déclarant notamment : « Georges Bruyère a donné à notre haine de la guerre sa base prolétarienne possible  ». Henri Barbusse évoqua sa mémoire en des termes qui unissaient l’action et le sens que le militant pacifiste avait donné à celle-ci : « Il savait agir et tous ses actes étaient un enseignement… ».

En mai 1923, Clément Desusclade créa, dans le XVe arrondissement un groupe des « Amis de Georges Bruyère ». Une rue de Bobigny (Seine-Saint-Denis) et une rue d’Echirolles (Isère) portent le nom de Georges Bruyère.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article102917, notice BRUYÈRE Georges par Gérard Leidet, version mise en ligne le 3 novembre 2010, dernière modification le 12 janvier 2022.

Par Gérard Leidet

Les fondateurs de l'ARAC
Les fondateurs de l’ARAC
De gauche à droite : Paul Vaillant-Couturier, Henri Barbusse, Raymond Lefèbvre et Georges Bruyère
Georges Bruyère
Georges Bruyère

SOURCES : Bulletin communiste, 5 octobre 1922 et 4 janvier 1924. — Cahiers du Bolchevisme, 1er octobre 1935 (article d’A. Marty). — L’Humanité, 26 avril 1924 et 31 août 1935.
— Paul Vaillant Couturier, Hommage à Georges Bruyère, 1923. — Paul Vaillant-Couturier, Choix de textes, introduction et présentation par René Ballet, Editions le Réveil des combattants, 1992. — Romain Ducoulombier, Camarades ! La naissance du Parti communiste en France, Paris, éditions Perrin, 2010.
— Shaul Ginsburg, Raymond Lefebvre et les origines du communisme français, Paris, Éditions Tête de feuilles, 1975. — Henri Barbusse, Paroles d’un combattant, Éditions Delga (préface de Paul Markidès), 2013 — http://www.arac-nationale.com/ — Paul Markidès, Henri Barbusse l’anti prêt-à-penser, Éditions Delga, 2017. –

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