CAMELLE Calixte [CAMELLE Georges, Calixte]

Par Justinien Raymond

Né à Bressuire (Deux-Sèvres) le 31 juillet 1863 ; mort à Bordeaux-La Bastide le 21 décembre 1923 ; négociant ; militant et élu socialiste de la Gironde.

Fils de Auguste, Georges, tailleur de pierre bordelais établi dans les Deux-Sèvres, et de Philomène, Adèle Fouchard, sans profession, le jeune Calixte fut appelé à l’âge de vingt ans à Bordeaux par son oncle Paul Camelle, conseiller d’arr. qui lui laissa son siège en 1884 et auquel il succéda dans son important négoce de bière de La Bastide en 1892. D’abord radical, il passa vite dans le mouvement socialiste dont il recueillit personnellement les premiers succès électoraux. Il adhéra au POF en 1894, et lui apporta son journal Le Réveil de La Bastide. Il fut délégué à ses congrès nationaux de Nantes (1894), d’Epernay (1899), d’Ivry (1900), ainsi qu’au VIe congrès national corporatif de Nantes (1894), au congrès international de Londres et au congrès de la salle Wagram (1900).

Étroitement mêlé à l’essor du socialisme girondin et bien que doté d’une culture doctrinale réelle qu’il sut vulgariser, Calixte Camelle symbolisa le socialisme bordelais naissant, absorbé par la politique locale, associé à ses réalisations et à ses compromis, parfois même à ses compromissions. On le trouve dans le sillage de Guesde, aux côtés de R. Lavigne et de Jourde dans les premières affirmations du réveil ouvrier. Le 10 février 1889, en leur compagnie, il déposa à la préfecture de la Gironde le cahier de revendications sorti en novembre 1888 du congrès de la Fédération nationale des syndicats à Bordeaux. Quinze jours plus tard, ils revinrent à la charge, soutenus par une manifestation populaire. Trésorier en 1895 de la fédération du POF créée en 1892, il en fut élu secrétaire en mai 1899 par le 9e congrès départemental à Bordeaux.

Bien que n’appartenant pas à la classe ouvrière, il la côtoyait, la connaissait, fut le premier adjoint de Bordeaux à recevoir ses délégués au 1er mai, et il avait le sens de ses aspirations, de ses besoins immédiats. Pour les satisfaire, il comptait avant tout sur l’action politique à l’Hôtel de Ville, à la préfecture, au Parlement. Nullement idéologue, il n’a pas formulé une orientation doctrinale ou tactique propre, mais le déroulement de sa vie politique le montre attaché aux formes légales d’action et peu enclin à la violence, davantage porté aux réalisations pratiques et tangibles qu’aux constructions idéales. Son socialisme était quelque peu « terre à terre » (Marc Biennès, op. cit.). La municipalité modérée ayant en 1894 élevé un monument à la gloire des Girondins, il lui reprocha cette dépense somptuaire qui aurait été mieux employée à l’ouverture de cantines.

Aussi, il lui arriva de regimber contre l’intransigeance doctrinale du POF. Quand celui-ci dénonça la participation de Millerand et rompit le comité d’entente pour « en finir avec une politique prétendue socialiste faite de compromissions et de déviations » (manifeste du 14 juillet 1899), Camelle prit la défense de Jaurès dans une lettre à La Petite République (18 juillet 1899). Après le retrait des guesdistes du congrès général des organisations socialistes de Wagram (1900), la fédération girondine du POF se scinda : Camelle fut le leader de la majorité qui, hostile à la rupture, s’érigea en fédération socialiste autonome. Avec elle, il adhéra au Parti socialiste français, dès sa constitution, et c’est lui qui, en 1901, accueillit A. Briand à l’Athénée de Bordeaux. Il fut délégué aux congrès de Lyon (1901) et de Tours (1902). Il appartint à la délégation de ce parti au congrès d’Amsterdam (1904). Il rendit compte de son mandat, salle Franklin, en compagnie de Briand, et s’y prononça en faveur de l’unité. Avec Marcel Cachin* de la fédération du Parti socialiste de France, Camelle présida le congrès de fusion du 4 juin 1905 après avoir participé au congrès d’unité à Paris, salle du Globe (avril 1905). Il accéda à la commission exécutive de la nouvelle fédération unifiée dans la SFIO et fut, toujours aux côtés de Cachin, son délégué au conseil national. Il fut délégué au congrès national de Limoges (1906).

Mais bien avant l’unité, il avait cueilli les fruits électoraux des progrès socialistes en Gironde dont il était un des artisans. En 1896, il pénétra à la mairie de Bordeaux dans d’étranges conditions. Il figurait sur une liste socialiste qui groupa 1 200 voix contre les listes radicale (9 100) et conservatrice (5 970) et contre la municipalité opportuniste sortante (12 840). Après un premier refus, les socialistes bordelais acceptèrent, l’avant-veille du second tour, sur les instances de Camelle entre autres, de figurer, au nombre de huit, avec quatorze conservateurs et quatorze radicaux sur une « liste antiopportuniste » qui fut élue en bloc. Camelle, un des promoteurs de ce « pacte de Bordeaux », fut nommé adjoint au maire Camille Cousteau, et chargé des tramways et voitures publiques et du service du nettoiement. En 1900, il fut encore un des sept conseillers municipaux socialistes élus, cette fois, avec la seule alliance des radicaux, mais il laissa son poste d’adjoint à Cachin. En 1904, il fut battu sur une liste du Parti socialiste français uni à des allemanistes, des radicaux et des indépendants face à une liste guesdiste et syndicaliste et à la liste opportuniste qui reprit la mairie. Mais 9 661 voix attestaient de sa popularité, son colistier, le Dr Lande, ancien maire, n’en obtenant que 7 307. Le résultat de 1908 fut plus significatif encore : avec 17 297 suffrages, il fut le seul élu socialiste. En 1912, Camelle, tête de liste SFIO, compta parmi les treize élus socialistes d’une liste de ballottage établie selon une représentation proportionnelle aux résultats du premier tour. En 1919, il fut battu avec toute la liste socialiste d’A. Marquet : il était au troisième rang et recueillit 12 141 voix.

Ses succès cantonaux furent aussi précoces, plus durables et obtenus dans des conditions moins équivoques. En 1888, il fut élu conseiller d’arr. et réélu en 1894. En 1898, le septième canton de Bordeaux en fit son conseiller général par 1 365 voix sur 2 566 votants. En 1904, candidat du Parti socialiste français, il ne fut pas combattu par les guesdistes et fut réélu au premier tour par 1 735 voix sur 2 213 votants. Socialiste unifié, il fut réélu en 1910 par 1 686 voix et par 1 595 en 1919.

En janvier 1897, avec 22 voix, Camelle se classa premier des cinq candidats de principe du POF au Sénat. Aux élections législatives de 1902, il obtint plus de 2 000 suffrages dans l’arr. de Lesparre, sous l’égide du Parti socialiste français. En 1910, il s’éleva à 7 011 voix, puis à 9 385 contre 8 229 au candidat de droite Dormoy, dans la 3e circonscription de Bordeaux qui en fit le premier député de la SFIO en Gironde, et le réélut au premier tour par 8 551 suffrages en 1914. Pendant la guerre, il appartint au courant, longtemps majoritaire, favorable à la défense nationale. En 1919, il conduisit la liste socialiste, mais ne put la mener au succès, la vague du Bloc national emportant tous les sièges. Il conservait cependant une audience personnelle que mesurèrent ses 28 651 voix, la moyenne de sa liste s’élevant à 24 488. Le cortège funèbre imposant que lui fit le peuple de Bordeaux le dimanche 23 décembre 1923 l’attesta encore, bien qu’une maladie persistante eût, depuis quelques années, beaucoup ralenti son action. Dans le quartier de La Bastide, sur une place qui porte son nom, un monument, inauguré le 1er mai 1927, perpétue le souvenir de Calixte Camelle.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article103460, notice CAMELLE Calixte [CAMELLE Georges, Calixte] par Justinien Raymond, version mise en ligne le 4 novembre 2010, dernière modification le 4 novembre 2010.

Par Justinien Raymond

ŒUVRE : Camelle collabora aux journaux suivants : Le Semeur, organe hebdomadaire du Parti socialiste français de 1902 à 1905. — Le Cri du Peuple, hebdomadaire de la Fédération SFIO de 1907 à 1913. — Le Cri populaire, organe que Camelle fonda en juillet 1918 et qu’il dirigea. Au début de 1920, il devint la propriété de la fédération SFIO de l’Union des syndicats de la Gironde et des coopératives. — L’Humanité, un article dans le n° du 21 mars 1912.
_ Brochures : L’Évolution économique et le Socialisme, Bordeaux, 1895. — Socialisme et Services publics, Bordeaux, 1899. — Memento de l’ouvrier, Bordeaux, 1903. — Réglementation du Travail, Bordeaux, 1903 — Renseignements et conseils pratiques sur l’application des lois ouvrières, Bordeaux, 1903.

SOURCES : Arch. Mun. Bressuire (Deux-Sèvres). — Comptes rendus des congrès socialistes. — Hubert-Rouger, La France socialiste, p. 346 et Les Fédérations socialistes II, op. cit., p. 90 et annexe, p. 1 032. — L’Humanité, 22 mai 1910, 21 mars 1912. — Marc Biennès, Le Mouvement socialiste et la pénétration socialiste dans la région de Bordeaux, des débuts de la IIIe République à la Première Guerre mondiale (4 sept. 1870 au 3 août 1914), DES, Paris, 1959.

ICONOGRAPHIE : La France socialiste, op. cit., p. 346.

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