AUBERT Émile

Par Jean-Marie Guillon, Nicolas Pagnier

Né le 28 juillet 1906 à Romette (Hautes-Alpes), mort le 22 août 1969 ; ingénieur ; membre de la SFIO puis de la Convention des institutions républicaines ; maire de Barcelonnette (Alpes-de-Haute-Provence) à la Libération, conseiller de la République puis sénateur des Alpes-de-Haute-Provence de 1948 à 1969, conseiller général de ce département de 1958 à 1964.

[Sénat]

Fils de mécanicien automobile, issu d’une famille de la très bonne bourgeoisie de Barcelonnette, Émile Aubert obtint le diplôme d’ingénieur des Arts-et-Métiers après des études à Avignon (Vaucluse), puis à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Il travailla durant quelques années en Algérie à la fabrication d’une boîte de vitesse de type nouveau. De retour en métropole, il se consacra à la recherche dans l’industrie mécanique et déposa plusieurs brevets d’invention. Il devint ingénieur conseil de plusieurs sociétés aéronautiques (Bréguet en particulier).

Émile Aubert fut, pendant la guerre, l’un des organisateurs de la Résistance dans la vallée de l’Ubaye (chef de secteur de l’Armée secrète puis chef de district FFI). Il fit partie de la délégation de la Résistance française qui rencontra les responsables de la Résistance piémontaise en mai 1944, contacts qui aboutirent aux accords de Saretto. Il participa aux combats de la Libération et fut alors désigné comme maire de Barcelonnette par la Résistance, le 28 août 1944. Membre du comité de Libération de l’Ubaye, il écrivait dans le journal Ca ira ! Il abandonna sa responsabilité de maire pour s’engager dans la Première Armée française durant l’hiver 1944-1945. Grièvement blessé, il reçut la croix de guerre et la médaille de la Résistance. Il fut fait chevalier de la Légion d’honneur.

Après la guerre, il poursuivit une carrière professionnelle réussie en présidant la Société mécanique et industrielle, puis en devenant gérant des Ascenseurs Schlieren à Suresnes (Seine) et enfin président de la société Asinter-Otis. Ses compétences et ses responsabilités politiques lui valurent de présider la commission de normalisation du Conseil supérieur de la recherche scientifique de 1955 à 1958.

Émile Aubert devint parallèlement l’une des personnalités politiques les plus importantes du département des Alpes-de-Haute-Provence. Ayant adhéré à la SFIO, il entra au bureau fédéral au congrès de décembre 1945. Bien qu’ayant été battu aux élections cantonales de 1945 à Barcelonnette, il fut désigné comme candidat socialiste au Conseil de la République en 1948 en remplacement du Dr Jouve, ce qui suscita la fronde de Camille Reymond*. Il obtint le 7 novembre 1948 146 voix au premier tour et 166 au second. La rumeur veut qu’Émile Aubert aurait promis de renflouer Le Travailleur des Alpes. Il y a écrit une série d’articles de fond, dont « La doctrine socialiste », en février-mars 1946.

Ayant remarquablement assis sa situation politique, Émile Aubert conserva ce mandat de conseiller de la République puis de sénateur jusqu’en 1969. Aux élections sénatoriales de 1959, il obtint 246 voix sur 405 suffrages exprimés, mais 336 (sur 380) le 23 septembre 1962. Au Palais du Luxembourg, il participa à la commission de la production industrielle et présida, entre 1952 et 1955, celle des moyens de communication et des transports. Il consacra la plupart de ses interventions aux problèmes économiques et financiers. Au début de 1955, il fut élu à la présidence de la Fédération des Gîtes de France. Il n’était plus contesté au sein de la Fédération où l’on appréciait son activité. Il fut réélu sénateur en juin 1955 dès le 1er tour avec 227 voix sur 389 votants. Il critiqua la position de Marcel-Edmond Naegelen* sur l’Algérie au congrès fédéral de juin 1956 et se prononça pour la libre consultation des populations. Au congrès de Digne de juin 1957, il soutint la motion Defferre. Partisan de la motion Depreux au congrès de Toulouse en juin 1957, il fut favorable à une solution pacifique du problème algérien. Il cotisait alors au CSEAPA et signait toutes les motions minoritaires. Il se prononça pour le « non » au référendum lors du congrès suivant, celui de Château-Arnoux, le 31 août 1958. Il présidait le congrès de mars 1959 où il fut désigné par acclamation comme candidat aux élections sénatoriales. Il améliora encore son score régulièrement. Il obtint 248 voix sur 408 votants en 1958 et 336 voix, pour le même nombre de votants, en 1962. Bénéficiant d’une influence en hausse, en dépit des attaques communistes contre « le multimillionnaire de Barcelonnette », il devint le leader de la Fédération au début des années soixante. Il présidait le Rassemblement républicain et démocrate bas-alpin qui, en octobre 1962, réunit socialistes, radicaux et MRP pour la désignation des candidats aux législatives, le radical Massot et le socialiste Claude Delorme*. Favorable à l’union de la gauche, il prit contact en 1964 avec son vieil adversaire politique Pierre Girardot*, leader du PCF local, pour l’inciter à « sortir de (son) isolement » pour rejoindre le Rassemblement des gauches. Ami personnel de François Mitterrand*, ce qui lui valait d’autant plus de prestige, il fit campagne pour lui en 1965. Il présidait la Convention des institutions républicaines en octobre 1966 et en 1967. Il avait démissionné du groupe socialiste au Sénat pour incompatibilité entre ces fonctions et la SFIO. Il présidait le premier congrès de la FGDS dans les Basses-Alpes le 8 janvier 1967.

Émile Aubert fut élu en mars 1958 conseiller général du canton de Saint-Paul par 237 voix sur 287 votants, mais ne se représenta pas en 1964.

Après sa mort, son suppléant Maxime Javelly* le remplaça.

Une avenue portant son nom fut inaugurée le 15 octobre 1982 à Barcelonnette par François Mitterrand, président de la République, en présence de son fils, alors maire de Jausiers.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article10351, notice AUBERT Émile par Jean-Marie Guillon, Nicolas Pagnier, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 5 mai 2021.

Par Jean-Marie Guillon, Nicolas Pagnier

[Sénat]

SOURCES : AN-CARAN, F/7/15498 (n° 2835). F/1cII/142. F/1cII-255 ; F/1cIV/151 ; CAC, 19830172, art. 85 ; 19880221, art. 6., n° 52 D. — Arch. OURS, dossier correspondance et élections Basses-Alpes. — Rapports des congrès SFIO 1944-1967 — Arch. A. Seurat. — Conseil de la République, Notices et portraits septembre 1962 (renseignements fournis par Gilles Morin). — Jean Garcin, De l’armistice à la Libération dans les Alpes-de-Haute-Provence 17 juin 1940-20 août 1944, Digne, chez l’auteur, 1985 — Nicolas Pagnier, Le Parti socialiste dans les Basses-Alpes de la Libération au congrès d’Épinay, mémoire de maîtrise d’Histoire, Aix-Marseille I, 1999. — Noëlline Castagnez, Socialistes en République. Les parlementaires SFIO de la IVe République, Presses universitaires de Rennes, 2004. — Notes de Noëlline Castagnez et Gilles Morin.

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