CANAVELLI Jean-Baptiste

Par Antoine Olivesi

Né le 1er décembre 1877 à Balogna (Corse) ; mort à Luynes, près d’Aix-en-Provence, le 3 juin 1941 ; commis des PTT ; militant socialiste SFIO ; conseiller municipal de Marseille de 1914 à 1919 et de 1935 à 1940 ; député des Bouches-du-Rhône de 1919 à 1928 ; secrétaire fédéral du Parti socialiste SFIO entre 1929 et 1936 pour les Bouches-du-Rhône.

D’origine corse, Jean-Baptiste Canavelli fut recruté, par concours, comme surnuméraire dans l’administration des PTT et fut nommé à Marseille où il milita de bonne heure dans le mouvement socialiste et dans l’action syndicale. Il adhéra en 1906 au Parti socialiste unifié. La même année au mois de janvier, il fut délégué par les agents des PTT pour préparer la journée d’action du 29 janvier dont le but essentiel était de réclamer le droit syndical pour les fonctionnaires. En mars 1909, il fut l’organisateur de la grève des PTT à Marseille, « grand meneur, gréviculteur » selon Le Petit Marseillais du 12 juin 1914. Révoqué pour faits de grève, il fut réintégré par la suite. Il était placé alors sous surveillance policière pour sa « violente propagande syndicale » (rapport de police du 30 avril 1909). Pendant la campagne électorale pour les élections législatives de 1910, il soutint la candidature de Louis Roux* et attaqua vigoureusement la politique répressive du ministère Clemenceau. En mai 1912, il fut candidat sur la liste Bernard Cadenat* aux élections municipales. Il obtint 24 591 voix sur 95 478 inscrits (avant-dernier rang). L’année suivante, il fut élu secrétaire de la 3e section SFIO de Marseille, correspondant au 3e canton puis, membre de la commission exécutive de la Fédération socialiste des Bouches-du-Rhône au congrès de Salon, en janvier 1914. La même année, il fut le secrétaire général du comité exécutif d’André Saravelli, candidat socialiste dans la 1re circonscription et véritable animateur de sa campagne électorale. Le Petit Marseillais, qui lui reprochait de ne travailler que quatre heures par jour aux PTT pour s’occuper surtout de syndicalisme et de politique, reconnaissait par ailleurs qu’il était « intelligent, énergique et bon orateur ».

La campagne socialiste dans la 1re circonscription, celle du Vieux Marseille, si elle aboutit au succès du républicain socialiste Bergeon et à celui de Saravelli, eut tout de même pour conséquence la défaite du député sortant modéré Chanot. Ce dernier, qui était alors maire de Marseille, démissionna avec trois de ses édiles, ce qui entraîna des élections municipales partielles le 7 juin 1914 pour quatre sièges. Canavelli fut alors candidat puis élu avec Flaissières et deux autres représentants de la gauche. Ce fut son premier mandat politique.

Pendant la Grande Guerre, Canavelli assista aux congrès fédéraux des Bouches-du-Rhône le 5 décembre 1915 et le 3 décembre 1916. À l’issue du conflit, tout en approuvant le courant révolutionnaire né en 1917 en Russie, il n’adopta pas de positions extrémistes et le soir même de la dernière séance du congrès de Tours, Veyren* , déclara à Frossard, qu’il ne fallait pas compter sur son adhésion au Parti communiste.

Effectivement, Canavelli se joignit aux élus qui, dès janvier 1921, luttèrent pour la reconstruction de la Fédération SFIO des Bouches-du-Rhône. Lui-même lança un appel à la 3e section, le 13, signa le serment de fidélité des élus le 18, et organisa un grand meeting à La Ciotat le 22. Le 13 novembre, avec Compère Morel, il déclara dans un meeting du 3e canton : « Nous ne voulons pas de la révolution des ventres creux et des affamés... mais nous luttons pour une sérieuse transformation sociale. »

De même, il prononça deux discours très remarqués le 19 mars 1922 pour l’anniversaire de la Commune ainsi qu’au congrès fédéral du 21 janvier 1923 où il analysa la situation en URSS et où il se prononça pour la ligne du congrès de Vienne et la reconstruction d’une Internationale unique.

Depuis 1919, Canavelli avait obtenu un second mandat :

Le second qu’il exerça fut celui de député des Bouches-du-Rhône. Il fut élu en effet, en quatrième position, à la plus forte moyenne, sur la liste SFIO conduite en 1919 par Fernand Bouisson avec 34 589 voix sur 84 054 votants et 126 846 électeurs inscrits dans la première circonscription des Bouches-du-Rhône (arrondissement de Marseille). Il fut réélu en 1924 sur la liste du Cartel des Gauches, en deuxième position, avec 52 379 voix sur 111 459 votants et 136 086 inscrits. Pendant les huit années qu’il passa au Palais Bourbon, il eut une activité considérable. Il fit partie des commissions de la Marine marchande, de l’Algérie, des Travaux publics et des Moyens de communication. Il défendit particulièrement les intérêts des postiers, des douaniers et des marins, par de fréquentes interventions à la tribune. Jean Jolly en énumère une soixantaine dans son Dictionnaire des parlementaires français. On peut en détacher quelques-unes : il fut l’auteur d’une proposition de résolution sur l’industrialisation des PTT, en 1921 ; il intervint en 1925 à propos de la grève des facteurs et de la suppression du Sous-Secrétariat d’État aux PTT, ainsi que, d’une façon générale, chaque année, lors de la discussion du budget de ce ministère. Il interpella également le gouvernement en 1922 sur ses entreprises illégales contre la réglementation du travail, et, en 1926, sur la violation du droit syndical des fonctionnaires. Deux interventions notables sont à signaler, par ailleurs : en 1925, à la suite des incidents sanglants survenus à Marseille, le 9 février, à l’occasion du meeting tenu dans cette ville par le Général de Castelnau, et en 1927, lors du débat sur le monopole des allumettes où il tint tête à Raymond Poincaré lequel, selon l’hebdomadaire Massalia, l’appréciait et le redoutait à la fois pour sa compétence en matière financière. Canavelli contribua à faire maintenir ce monopole et à défendre ainsi les emplois des ouvriers intéressés. Cette prise de position lui valut à Marseille de violentes critiques de la part de la presse de droite.

Le rétablissement du scrutin d’arrondissement en 1928 fut fatal à Canavelli. Candidat SFIO dans la 3e circonscription, il se heurta non seulement à la droite mais aussi à Simon Sabiani* alors en pleine ascension. Après une campagne acharnée et colorée à la fois, il fut battu par ce dernier avec 4 575 voix au premier tour et 5 690 au second sur 14 980 électeurs inscrits. Les sabianistes célébrèrent « l’enterrement politique » de Canavelli, manifestation d’un goût douteux, significatif des mœurs politiques de l’époque et d’autant plus injustifiée que Canavelli était l’un des plus méritants et des plus capables parmi les hommes politiques marseillais de cette période. Cette opinion est confirmée par l’hebdomadaire Massalia qui présente Canavelli comme « le meilleur des SFIO à Marseille », le 15 février 1930. Canavelli avait été aussi la victime, en 1928, de la tactique classe contre classe pratiquée par le PC dont le candidat, Tomasi* , avait conclu un accord avec Sabiani pour faire battre Canavelli, ce que le PC reconnut par la suite comme une erreur, puisque Rouge-Midi écrivit, le 6 octobre 1934, que Sabiani avait été élu avec l’aide des communistes sur un programme de revendications ouvrières qu’il renia par la suite.

Canavelli fut de nouveau battu l’année suivante, aux élections municipales, sur la liste Tasso, ayant obtenu personnellement 28 432 voix, battu également aux élections sénatoriales du 20 octobre 1929 (171 voix) et de 1938 (143 voix), battu enfin aux élections pour le conseil général dans le canton de Roquevaire des 9 et 16 février 1930 (528 voix). Entre 1929 et 1931, il exerça les fonctions de secrétaire de la Fédération départementale SFIO des Bouches-du-Rhône.

Dans les années 1933-1937, Canavelli fut souvent délégué aux congrès nationaux du parti. Il y défendit les positions qu’il avait avancées lors des congrès départementaux d’Aix et de Miramas, notamment, en avril et juillet 1933, c’est-à-dire le contrôle de la direction des militants sur les élus du Parti, et la primauté de la CAP sur le groupe parlementaire. D’où son vote pour la motion Paul Faure* au congrès d’Avignon et son intervention au congrès de Paris, le 17 juillet. « C’est la première fois, déclara-t-il que je prends la parole dans un congrès national... Je fais partie de ceux qui écoutent et pas de ceux qui parlent... » Il interpella directement Renaudel et Déat pour les inciter à respecter la discipline du Parti. Il ne s’agit pas conclut-il, de « bolcheviser ce dernier », sinon nous serions partis en 1920, « mais je vous dis de façon très nette que si j’avais à choisir entre une dictature, je choisirais celle du Parti et non pas celle du Groupe parlementaire ». (Applaudissements nourris et prolongés). Il réaffirma ses arguments au congrès fédéral extraordinaire SFIO de Septèmes, le 5 février 1934, ainsi qu’à celui d’Istres le 13 mai où il s’opposa à Léon Bon* à propos du vote des élus socialistes du conseil général au sujet des décrets-lois.

Le 25 mai 1934, il participa avec le communiste Cristofol, à la Bourse du Travail à un meeting contre la répression dont les fonctionnaires en grève faisaient alors l’objet.

En novembre, il fut chargé de définir le programme d’action de la Fédération départementale en prévision du congrès national SFIO de Toulouse.

Le 8 juillet 1935, au congrès administratif d’Arles Jean Canavelli fut de nouveau élu secrétaire général de la Fédération SFIO des Bouches-du-Rhône. Au congrès départemental de Pennes-Mirabeau le 24 mai 1936, il déplora la non-participation des communistes au gouvernement Blum, se montra favorable à la création d’un comité d’entente avec le PC pour préparer l’unité organique, mais recommanda aux militants socialistes de ne pas se disperser par des adhésions individuelles dans des groupements multiples ou de se noyer dans des comités permanents de Front populaire, de se montrer actifs, prudents et disciplinés.

Canavelli fut délégué au congrès national SFIO puis en septembre 1936, au congrès fédéral administratif de Septèmes, il laissa son poste de secrétaire fédéral à Jean Calvelli* ayant été lui-même appelé à d’autres fonctions.

En effet, aux élections de 1935, il avait été élu conseiller municipal dans la 2e section de Marseille, sur la liste SFIO qu’il conduisit avec Toussaint Ambrosini*, avec 9 903 voix au premier tour et 18 724 au second. Il fut élu à l’unanimité, après la démission de Raymond Vidal* , premier adjoint, délégué aux Finances et au personnel, le 5 novembre 1937, pour remettre en ordre le budget de la ville qui était alors en déficit de 90 millions. Il annonça un plan de gestion rigoureux.

Il proposa un emprunt de liquidation gagé sur les 65 centimes additionnels prévus pour amortir un précédent emprunt, mais qui n’avaient jamais été portés en recettes dans le budget municipal. Et pour obtenir un budget équilibré en 1938, il préconisa, « sans toucher aux situations acquises », l’interdiction formelle de tout nouvel embauchage à la mairie, l’ordre, le travail, la discipline, la fin des gaspillages et des abus et des économies par une réorganisation des différents services. Ensuite et seulement pourraient être aménagées les taxes permettant de demander à la population marseillaise le minimum de contribution.

Pour donner l’exemple, Canavelli fit paraître dans la presse un « ordre de service », rappelant aux membres du personnel municipal, à l’approche des fêtes du jour de l’an, qu’il leur était interdit, sous peine de sanction pouvant aller jusqu’à la révocation de quémander des étrennes et d’accepter des cadeaux des usagers appelés à utiliser leurs services.

On conçoit que cette politique n’ait pas eu l’agrément de tous les élus socialistes et, surtout, des délégués syndicalistes des municipaux. Au surplus, Canavelli n’eut guère le temps de mener à bien son plan car, l’année suivante, à la suite de l’incendie des Nouvelles Galeries, la municipalité marseillaise fut mise en tutelle.

Canavelli, en effet, qui avait été candidat, à la demande du parti, aux élections sénatoriales du 23 octobre 1938, élections qui virent le succès du maire de Marseille, Henri Tasso*, mais aussi du directeur du Petit Provençal, Vincent Delpuech, prit prétexte de la non discipline de vote de certains délégués sénatoriaux au cours de ce scrutin pour démissionner de ses fonctions d’adjoint aux Finances, le surlendemain. Il adressa une lettre à Calvelli, secrétaire fédéral, et une autre au préfet dans laquelle il invoqua des « convenances personnelles ». En réalité, comme il le déclara un peu plus tard, le 31 octobre dans une réunion du groupe socialiste de l’hôtel de ville, Canavelli n’avait pu, malgré tous ses efforts, parvenir à établir de l’ordre et de la discipline à la mairie et « trouver tous les concours désirables », pour mener à bien la mission qu’on lui avait demandé, toujours au nom du parti, d’accepter. Cette démission — quasi prémonitoire — survint trois jours avant la catastrophe des Nouvelles Galeries mais ne fut rendue publique qu’après cet événement.

Lorsque la ville de Marseille fut mise en tutelle, en 1939, Canavelli fut le mieux placé pour attaquer durement le préfet administrateur Surleau et les fonctionnaires d’État — grassement payés — venus enquêter sur les finances municipales. Il le fit aussi bien en séance, à l’Hôtel de ville, que dans la presse (articles sur les « Faiseurs de Miracles » dans Provence Socialiste et il défendit, en même temps que ses collègues, le personnel municipal et la réputation de Marseille.

Après la chute de la IIIe République, Jean-Baptiste Canavelli fut nommé par décret du gouvernement de Vichy, en date du 20 septembre 1940, suspendant le conseil municipal de Marseille jusqu’à la fin des hostilités, président d’une éphémère délégation spéciale comprenant quatre membres. Nommé un peu malgré lui, Canavelli fit une brève déclaration dans laquelle il fit part de son souhait de ne pas demeurer longtemps à la tête de cet organisme et de son aspiration prioritaire « sincère et profonde » à la fin rapide des hostilités. De fait, cette délégation ne siégea que jusqu’au 24 novembre, jour où fut nommé un nouveau président, Henri Ripert (modéré) et quatre autres membres. Canavelli mourut l’année suivante à Luynes, près d’Aix, âgé de soixante-quatre ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article103545, notice CANAVELLI Jean-Baptiste par Antoine Olivesi, version mise en ligne le 4 novembre 2010, dernière modification le 4 novembre 2010.

Par Antoine Olivesi

ŒUVRE : Ses discours publiés au Journal Officiel entre 1919 et 1928 ; articles dans Le Petit Provençal, notamment le 23 octobre 1937 et dans Provence Socialiste, notamment les 29 octobre et 24 décembre 1937 ainsi que le 30 juin 1939.

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, II M 2/19, II M 3/49 à 57 ; V M 2/230, 282, 283, 284, V M 2/285 (lettre de démission au préfet du 25 octobre 1938) 289, 290 ; M 6/10808, rapport du 23 décembre 1929 ; M 6/10824 (rapports des 30 avril et 16 mai 1909) ; 24 octobre et 1er novembre 1938. — Le Petit Provençal, 7 et 29 janvier 1906, juin 1914, 6 décembre 1915, 6 décembre 1916, novembre 1919, 13, 18, 23 janvier et 14 novembre 1921, 21 mars 1922, 22 janvier 1923 et à partir de 1914, lors de toutes les campagnes électorales, notamment en avril 1935 et le 23 octobre 1937 (photos), 24 octobre et 1er novembre 1938. — Le Petit Marseillais, 12 juin 1914. — Marseille-Matin, 27 octobre 1937. — Rouge-Midi, 6 octobre 1934. — Massalia, avril 1928. — Marseille puis Provence Socialiste entre 1936 et 1939, notamment les 23 mai et 19 septembre 1936 et aux dates citées plus haut. — A. Sauvageot, Marseille dans la Tourmente, Paris, 1949, p. 109. — P. Barrau, Le mouvement ouvrier à Marseille... op. cit. — J. Vaucoret, Les Corses et les élections législatives... op. cit. — J. Jolly, Dictionnaire des parlementaires... op. cit., t. III, pp. 858 et 859. — Le Mémorial des Corses, t. 6, Les Corses à l’extérieur de 600 à 1950, ouvrage collectif sous la direction de Francis Pomponi, photo et notice par A. Olivesi, p. 471, Ajaccio, 1981. — Le Congrès de Tours, op. cit., p. 651. — Renseignements communiqués par le fils de Jean-Baptiste Canavelli en réponse au questionnaire.

ICONOGRAPHIE : Le Mémorial des Corses, t. 6, op. cit.

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