CARRÉGA Alexandre, Marius, Sidonie

Par Jacques Girault

Né le 23 août 1879 à Toulon (Var), mort le 25 novembre 1936 à Toulon ; instituteur puis professeur ; syndicaliste de la FNSI, de la Fédération des fonctionnaires ; militant socialiste SFIO ; président du conseil d’arrondissement de Toulon en 1932.

Alexandre Carréga, fils d’un mécanicien à l’arsenal maritime de Toulon, présenta, au congrès des Amicales d’instituteurs à Lille, en 1905, un rapport sur le droit syndical pour les travailleurs de l’État. Il participa à la naissance du mouvement corporatif dans le Var.

Instituteur dans le quartier de Saint-Jean du Var, marié dans la ville en septembre 1906, membre dès sa création, en octobre 1913, du comité de correction pour les candidats au certificat d’aptitude pédagogique (organisme d’entraide pour permettre aux nombreux auxiliaires de mieux se préparer), membre de la section syndicale rattachée à la Fédération nationale des syndicats d’instituteurs, il devait, en mars 1914, assumer la présidence de la section toulonnaise de l’Amicale des instituteurs.

Après la guerre qu’il accomplit au front (il obtint la croix de guerre), Carréga milita sur les terrains syndicaux et politiques. Pionnier du regroupement corporatif des fonctionnaires, il dirigea la Fédération des fonctionnaires du Var, dès sa fondation, le 8 juillet 1919 (secrétaire adjoint, puis général de la Fédération des syndicats et associations de fonctionnaires à partir de 1919, puis secrétaire général de la Fédération des fonctionnaires). Délégué régulièrement dans les congrès nationaux de la Fédération, il y intervint souvent. Ainsi, bien que non mentionné dans le compte rendu du Peuple, le 25 septembre 1921, au congrès de Paris, insistait-il sur le rôle des Unions départementales de fonctionnaires pour la propagande.

Élu au conseil d’administration de l’Amicale des instituteurs, le 19 juin 1919, il en devint le président et fut délégué au congrès de la Fédération des Amicales. Il préconisait la transformation des amicales en syndicats. Après le congrès de Paris des 23-24 septembre 1919, où fut votée la transformation des amicales en syndicats et l’affiliation à la CGT, il devint le secrétaire provisoire du syndicat, le 29 janvier 1920. Il pensait alors que ses collègues devaient pouvoir se prononcer par référendum sur la transformation en syndicat, le 5 février 1920. Il n’accepta pas, le 15 avril 1920, le secrétariat définitif du syndicat qui n’avait recueilli qu’une partie des effectifs et annonça qu’il préférait se consacrer à la section varoise de la Fédération des fonctionnaires.

Devenu professeur adjoint à l’école technique Rouvière (École pratique d’industrie), lors de la renaissance du mouvement associatif à vocation majoritaire chez les instituteurs varois, Carréga fut secrétaire adjoint chargé de la rédaction du bulletin de l’Union générale des membres de l’enseignement public du Var en 1923. Carréga se montrait partisan de la transformation de cette organisation en syndicat. Il tenait régulièrement des rubriques sur les revendications communes aux fonctionnaires dans ce bulletin.

Le 5 août 1924, sur la convocation du syndicat général de l’enseignement des Bouches-du-Rhône, se tint à Lyon une conférence pour la fusion. Carréga y représentait les Varois et y intervint en faveur du rapprochement national des différents groupements syndicaux. Le 4 décembre, une nouvelle étape était franchie : à l’assemblée générale de Toulon, il fit voter la transformation de l’union en syndicat mais y défendit l’autonomie par rapport aux trois Fédérations d’instituteurs existantes. Le 26 novembre 1925, Carréga, partisan de l’adhésion au Syndicat national, annonça son intention d’abandonner le poste de secrétaire adjoint, qu’il jugeait incompatible, faute de temps, avec ses nouvelles fonctions d’édile. Il resta membre du conseil d’administration chargé de la relation entre le personnel toulonnais et la municipalité. Il devait dès lors avoir une activité syndicale plus épisodique, participant moins aux réunions du conseil d’administration ; il ne devait pas y être réélu, le 13 octobre 1927. Toutefois, il continuait à militer à la Fédération des fonctionnaires et à intervenir dans les congrès nationaux. Ainsi, en décembre 1926, dans le débat sur l’adhésion à la CGT, Carréga défendit le principe de l’autonomie afin de permettre à la minorité, disait-il, proche de la CGTU de continuer à militer dans la Fédération. Sa proposition échoua. L’année suivante, en décembre, il défendit les minoritaires menacés d’exclusion et proposa la création d’une commission chargée d’étudier les moyens d’apaiser le conflit, proposition qui fut repoussée. Florentin Alziary* le contacta en 1927 afin qu’il soutienne les initiatives des partisans de l’unité à l’intérieur du syndicat national. Carréga lui répondit, le 29 janvier 1927 : « Je donne bien volontiers mon adhésion à votre déclaration d’unité. J’ai agi dans ce sens, en effet, au congrès des Fonctionnaires, mais je n’ai pas été suivi. »

Ici, un aspect important des idées de Carréga apparaît : il fut un partisan de l’union en face de la division syndicale.

Carréga resta secrétaire général de la Fédération varoise des fonctionnaires et, quand, en septembre 1932, se reconstitua le cartel CGT des services publics, en devint le secrétaire général. Ces responsabilités ne l’empêchèrent pas, comme il l’avait toujours fait, de participer aux réunions de la CGTU. Au congrès de la Fédération générale des fonctionnaires, les 13-14 septembre 1931, il défendit la « motion des 22 » et estima, dans son intervention, qu’un congrès de fusion était le « moyen le plus propre à reconstituer l’unité syndicale ». Cette motion fut repoussée par le congrès. Toutefois, le 20 novembre 1932, présidait-il à Toulon un meeting de fonctionnaires organisé par la CGT avec le soutien de la CGTU et des syndicats autonomes qui furent représentés au bureau. Dix jours plus tard, bien que présent au meeting commun, organisé par la CGTU et les autonomes, il refusa de faire partie du bureau signe évident de désaccords parmi ses camarades socialistes. À partir de 1933, les initiatives furent de plus en plus communes et il fut au cœur de celles-ci. Le 8 février 1934, il fut choisi par l’Union locale de la CGT comme représentant au comité de grève local. En mars 1934, il devait faire partie des délégations de la CGT qui rencontrèrent les syndiqués de la CGTU pour organiser les modalités de la réunification. Ces expériences locales eurent des conséquences nationales. En décembre 1934, au congrès national de la Fédération des fonctionnaires, il intervenait très fortement en faveur de l’unité d’action. L’Humanité, le 16 décembre 1934, accordait un large crédit à ses positions bien isolées encore. Il devait faire partie de la première Commission exécutive de l’Union locale de la CGT réunifiée.

Secrétaire de la section varoise du syndicat national des professeurs de l’enseignement technique dès sa création, il prit sa retraite en 1935 et devint le premier secrétaire de la Fédération des fonctionnaires retraités qu’il avait contribué à fonder. Aussi, en janvier 1936, ne sollicitait-il pas le renouvellement de sa responsabilité au secrétariat du cartel des services publics. Il acceptait néanmoins de rester au bureau. Il fut d’autre part le premier président de la section du Var de la MAAIF.

Carréga était adhérent au Parti socialiste SFIO. Il fut élu conseiller municipal de Toulon sur la « liste du Cartel des gauches ». Il avait recueilli 6 362 voix sur 21 843 inscrits au premier tour et fut élu, le 10 mai 1925, avec 7 648 voix (cinquième de la liste). Après la démission de l’adjoint Borrély, consécutive aux résultats des élections cantonales, il fut élu adjoint, le 10 décembre 1928, et reçut la délégation aux travaux pour la partie écoles, musée, bibliothèques.

Au renouvellement de 1929, Carréga figurait sur la « liste Claude d’union des gauches » qui fut battue. Le 5 mai, il recueillait 5 744 voix (quatrième de sa liste) sur 25 500 inscrits et obtenait 7 430 voix au tour suivant.

Carréga, candidat au conseil d’arrondissement dans le troisième canton de Toulon (Est de la ville), avait obtenu 912 voix sur 9526 inscrits et avait été élu, le 21 octobre 1928 avec 1 284 voix (soit cent voix d’avance sur son adversaire). Vice-président de l’assemblée en 1929, il devait la présider en 1931-1932. Lors de son élection en 1928, le sous-préfet de Toulon estimait qu’il était « honnête mais sans influence politique » ; il modifiait son jugement en 1931 ; « très actif ayant certainement acquis une influence appréciable dans son canton. Très bonnes relations avec l’administration ».

Carréga se représenta en 1934. Au premier tour, il arrivait en tête avec 1 709 voix sur 10 542 inscrits et était élu, le 14 octobre, avec 2 716 voix. Dans Le Petit Provençal, deux jours auparavant, il appelait à « barrer la route à l’ennemi commun : l’escartefiguisme » et à infliger une « sérieuse défaite » à la municipalité. Après cette réélection, le sous-préfet l’estimait, « appelé à un rôle politique assez important. À sollicité sa mise à la retraite et aura ainsi tous loisirs pour se consacrer à la politique ».

Carréga n’apparut dans les débats internes de la section socialiste SFIO de Toulon qu’à partir de 1926. Il était alors classé parmi les adversaires de la participation ministérielle en dépit de son amitié pour Renaudel. Quand, en 1927, se créa Le Réveil du Var, hebdomadaire socialiste, il fut un collaborateur assidu. Il y défendait notamment l’école unique, « moyen de lutter contre les discriminations fondées sur la richesse » et y brossait le tableau des écoles de la ville dont il avait la responsabilité. Il y affirmait aussi le « droit syndical des fonctionnaires ». Très partisan d’une candidature socialiste SFIO aux élections législatives de 1928, il représenta son quartier de Saint-Jean-du-Var au comité central électoral. Mais, après le premier tour, il fit pression sur Risterucci* , candidat socialiste, pour que son désistement soit loyal.

Après la déroute socialiste aux élections municipales de 1929, Carréga participa aux efforts faits pour reconstruire un parti socialiste à Toulon (par le biais des écoles de propagandiste notamment). Toutefois, il s’opposait désormais souvent à la majorité de cette section rejoignant certaines positions de Renaudel sur la participation ministérielle : « Le Parti aurait dû accepter l’offre de Daladier » déclara-t-il au congrès fédéral du 11 janvier 1930. Il intervint aussi au congrès fédéral de Fréjus, le 19 mai 1930, en faveur du désarmement et de l’enseignement de la haine de la guerre. Aux élections législatives de 1932, Carréga estima qu’il fallait une candidature socialiste SFIO et fut le vice-président du comité central électoral.

Carréga, membre de la commission administrative de la section SFIO de Toulon en 1933, très écouté par les militants (il savait parler mais n’était pas un grand orateur selon les témoignages), membre de La Bataille socialiste, ami de Renaudel, essaya de jouer les médiateurs. Son action fut efficace à Toulon et peu de militants passèrent au Parti socialiste de France. Au premier congrès fédéral qui suivit la scission, le 3 décembre 1933, il fut nommé à la commission de propagande du Parti (il apparaît sous le pseudonyme de Burray dans l’ouvrage de J. Toesca, Un militant de province) et devint, peu après, secrétaire de la commission fédérale des conflits. Il participa alors très activement à la reconstruction de la Fédération. Son mandat électif, son activité syndicaliste (l’agitation ne faisait qu’augmenter dans la région toulonnaise durement frappée par les décrets-lois), son sérieux, son dévouement accru par une retraite précoce, étaient autant d’atouts en sa faveur. Il écrivit de façon assez régulière dans le nouvel hebdomadaire fédéral, Le Populaire du Var.

Aussi, chacune de ses positions était-elle importante. Au congrès fédéral de la SFIO, le 13 mai 1934, il appuya la politique d’union antifasciste. Lors des élections complémentaires pour le conseil municipal de Toulon, le 18 octobre 1934, il fit adopter, avec Risterucci, le principe de non-candidature de la section socialiste. Surtout, sa position fut déterminante dans le choix de la section pour les élections municipales de 1935. Pour essayer de regagner la municipalité, les socialistes devaient envisager une alliance avec le député Brémond*. Pour empêcher ce dernier d’être maire, ils conclurent une alliance avec les amis de l’ancien sous-préfet Gozzi* , animateur d’un petit groupe du Parti socialiste français. Carréga fut un des partisans les plus convaincus de cette politique lors de la réunion de la section, le 5 février 1935.

Les résultats furent loin de correspondre aux espoirs. La liste « socialiste et d’unité d’action » SFIO-Gozzi arriva derrière celle de V. Brémond. Carréga, professeur honoraire, figurait en deuxième position de la liste avec 3 295 voix sur 29 381 inscrits. Le 12 mai, il était sur la liste dite de « Front populaire » conduite par Brémond qui fut battue. Carréga obtenait 10 200 voix. Indice de son rayonnement, il faisait partie de la liste dite du « rassemblement antiescartefiguiste » affichée avant le premier tour par le président du syndicat des pêcheurs.

Carréga joua un rôle central dans les événements qui suivirent (manifestations diverses, constitution des comités de Front populaire, tournée dans le Haut-Var pendant la campagne électorale etc...).

Quand, à la suite de l’inéligibilité d’un conseiller municipal de Toulon, se discuta, dans la section socialiste, la question d’un candidat éventuel pour l’élection complémentaire, le nom de Carréga fut avancé par certains, y compris par Risterucci. Mais très vite, ce dernier fut choisi.

Peu de temps après, à la suite d’une réception donnée à l’occasion de la visite à Toulon de Blancho, Carréga dut s’aliter. Une pleurésie l’emportait en quelques jours, selon certains témoignages. Selon Le Petit Provençal, il venait de subir une opération. Il habitait le quartier de Saint-Jean-du-Var. Ses obsèques civiles se déroulèrent à partir du rassemblement à l’école Rouvière.

Carréga était un des meilleurs militants socialistes et syndicalistes varois. Son éloquence professorale n’en faisait pas un tribun mais la rigueur et la richesse de ses analyses retenaient l’attention. Le secrétaire de la sous-section socialiste de Saint-Jean-du-Var le constatait dans Le Populaire du Var, le 5 décembre 1936, « Craignant d’être mal compris, ses interventions étaient toujours faites avec tact et délicatesse. » D’autre part, il n’hésitait pas à participer aux réunions organisées par la CGTU ou par le Parti communiste, y intervenant parfois, mettant en application son aspiration profonde à l’unité.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article103930, notice CARRÉGA Alexandre, Marius, Sidonie par Jacques Girault, version mise en ligne le 4 novembre 2010, dernière modification le 4 août 2022.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Nat. F7/13021 ; 13085 ; 13253 ; 13727 ; 13733. — Arch. Dép. Var, 2 M 6.23 ; 2 M 6.25 ; 2 M 7.30.3 ; 2 M 7.31.1 ; 2 M 7.32.3 ; 2 M 7.35.4 ; 4 M 46 ; 4 M 47 ; 4 M 48 ; 4 M 49.4.3 ; 4 M 54 ; 4 M 55.2 ; 4 M 59.3 ; 3 Z 2.3 ; 3 Z 2.10 ; 3 Z 2.12 ; 3 Z 2.14 ; 3 Z 2.23 ; 3 Z 4.21. — Arch. privées, F. Alziary. — Presse locale. — Presse nationale corporative. — A. Lemonnier, Historique du conseil général et des conseils d’arrondissements du département du Var..., sl, 1933. — J. Toesca, Un militant de province, Toulon, 1951. — Sources orales.

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