AUGUSTIN Basile, Armand

Par Laurent Chevrel, Jacques Cousin, Gilles Morin, Jacques Omnès

Né le 23 juillet 1882 à Andouillé (Mayenne), mort le 11 janvier 1960 à Evreux (Eure) ; instituteur ; militant du syndicat des membres de l’enseignement laïque affilié à la CGTU, puis du SNI, en Mayenne d’abord, à la CGT-FO dans l’Eure ensuite ; militant socialiste de l’Eure : conseiller municipal d’Evreux puis maire de Gravigny (1953-1959).

Son père était sabotier et sa mère femme de ménage. Basile Augustin fréquenta l’École normale d’instituteurs de Laval de 1898 à 1901 et obtint le brevet supérieur.
Augustin, alors instituteur à Montjean, fut membre dès sa création en 1902, de l’Amicale des institutrices et instituteurs laïques de la Mayenne. Il y fut le défenseur intransigeant de la laïcité. Ainsi à l’assemblée générale du 27 juillet 1903, il déposa trois vœux libellés de la façon suivante :
« 1° les membres de l’Amicale protestent hautement de leur attachement inaltérable à la République et à la cause de l’enseignement laïque et républicain ;
2° ils blâment énergiquement les instituteurs qui, traîtres à l’enseignement laïque, placent leurs enfants en pension chez les congréganistes ;
3° ils condamnent et réprouvent toute compromission et désirent que, obéissant à la loi, l’école laïque reste neutre - ils condamnent donc l’introduction à l’école de prières et de l’enseignement religieux. »
Il fut avec Camille Lhuissier et Louis Lesaint un des pionniers du syndicalisme enseignant en Mayenne. À l’assemblée générale de l’Amicale du 10 juin 1905, il présenta un vœu tendant à la nomination d’une commission chargée d’étudier la transformation de l’Amicale en un syndicat et son affiliation à la Bourse du travail. Sur proposition de la commission administrative, son vœu fut repoussé. Les tenants du syndicalisme durent donc constituer une section syndicale à côté de l’Amicale, sans pour autant cesser d’être membre de cette dernière. Dans le bulletin de l’Amicale de janvier-février 1906, il relança avec Louis Lesaint le débat sur les avantages de la transformation de l’Amicale en syndicat. Sa proposition fut à nouveau repoussée par les amicalistes à l’assemblée générale du 2 juin 1906.
À la fin de 1907, les instituteurs syndicalistes décidèrent de présenter aux élections au conseil départemental la candidature d’Augustin qui obtint 69 voix, mais ne fut pas élu. Cette candidature lui valut néanmoins d’être convoqué en janvier 1908 à l’inspection académique, ainsi que Gabriel Michineau, le secrétaire de la section syndicale. Sommés de dissoudre la section, ils démontrèrent qu’elle existait avant les déclarations ministérielles de novembre 1905 et avril 1906, qu’elle n’était donc pas concernée par l’ordre de dissolution, et l’affaire en resta là.
Le 14 mai 1910, l’assemblée générale désigna Augustin qui enseignait alors à Champgénéteux comme membre du conseil syndical de la section. Le 23 octobre 1910, suite à la parution du premier numéro du bulletin de la section, L’Émancipation de l’instituteur, il fut convoqué à la préfecture, comme tous ses camarades du conseil syndical. Le bulletin syndical portait en effet l’indication : « siège social : Bourse du travail ». Sommés de quitter la Bourse, ils refusèrent d’obéir, mais l’affaire n’eut pas de suite (voir Louis Cesbron).
Le 17 décembre 1910, Augustin fut, pour la seconde fois, candidat au conseil départemental de l’enseignement primaire avec Camille Lhuissier. Ils obtinrent respectivement 114 et 125 voix, ce qui marquait une progression sensible par rapport à 1908, même si les amicalistes, avec 228 et 242 voix, emportaient les deux sièges. À l’assemblée générale du 2 février 1911, le tirage au sort le désigna avec trois de ses camarades comme membres non rééligibles du conseil syndical. En 1912, signataire du manifeste de Chambéry, qui réclamait le droit syndical pour les fonctionnaires, il se vit, comme dix-sept de ses camarades mayennais, infliger la peine de réprimande.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le 3 avril 1919, les militants démobilisés se réunirent en assemblée générale et décidèrent à l’unanimité la transformation de la section syndicale en un « syndicat des membres de l’enseignement laïque du département de la Mayenne » adhérent à la Fédération nationale des syndicats des membres de l’enseignement laïque et à l’Union départementale CGT des syndicats ouvriers de la Mayenne. Augustin, élu secrétaire, le resta jusqu’à l’assemblée générale du 23 mai 1920 ; à cette date, il fut remplacé par Joseph Blanche tout en restant membre du conseil syndical et désigné comme délégué de la Mayenne au congrès de Bordeaux de la Fédération. En mars 1920, le syndicat comptait 146 adhérents : 88 hommes et 58 femmes, alors qu’il y avait dans le département 360 instituteurs et 514 institutrices.
Le 13 avril 1920, encore secrétaire, Augustin fut, avec son camarade Michineau, le premier syndicaliste élu au conseil départemental. Ils obtinrent respectivement 170 et 181 voix devançant ainsi nettement les amicalistes (120 et 108 voix). Un an après, ils démissionnèrent en signe de protestation contre la dissolution du syndicat, consécutive à la circulaire ministérielle du 1er juin 1920 (voir Blanche Joseph). Le 7 juillet 1921, ils furent réélus avec une avance nettement renforcée (Augustin, 210 voix, Michineau, 215 voix). Entre-temps, la section syndicale s’était substituée au « syndicat » dissous.
En 1920-1921, Augustin fut également confronté au problème de la fusion éventuelle de la Fédération de syndicats des membres de l’enseignement laïque avec le « syndicat national » issu de la transformation des anciennes Amicales. Dans un article de L’Émancipation de février 1920, il se prononça avec fermeté contre la fusion en bloc des deux Fédérations et pour les adhésions individuelles des ex-amicalistes à la Fédération dont il était membre. Mais un an plus tard, face à l’offensive du pouvoir, il estimait la fusion indispensable. Dans L’Émancipation en février 1921, s’adressant aux militants hostiles à la fusion - qui se regroupaient parfois dans les « comités révolutionnaires » - il leur reprocha de vouloir conserver aux syndicats d’enseignants leur tendance « extrémiste » et de craindre « l’afflux des éléments modérés ». En conclusion, il écrivait : « La fusion se fera. Il faut en prendre son parti et la rendre la moins dangereuse possible pour notre action. Nous serons au sein des syndicats agrandis la minorité agissante qui entraînera la masse hésitante et craintive, mais capable d’idéalisme ». À l’assemblée générale du 12 mai 1921, il approuva l’initiative de la CGT tendant à organiser un congrès qui organiserait la fusion des deux Fédérations. Cette position combattue par Camille Lhuissier et Auguste Durand, fut minoritaire et l’assemblée décida de donner deux voix contre et une voix pour la participation au congrès, dans le cadre du référendum organisé par la Fédération.
Pour se conformer aux statuts, Augustin aurait dû abandonner ses responsabilités au conseil syndical dès le mois de juin 1921. Ceci étant impossible avant la liquidation de poursuites judiciaires consécutives à la circulaire ministérielle du 1er juin, il ne fut effectivement mis fin à ses fonctions qu’à l’assemblée générale du 27 octobre 1921. Quelques jours plus tard, il fut une nouvelle fois convoqué au bureau de l’inspecteur d’académie, le ministre l’ayant signalé comme possible « membre de la IIIe Internationale » parce que son nom avait été trouvé sur les listes des abonnés à La Vie ouvrière emportées par la police à la suite de perquisitions au siège du journal (voir aussi Blanche Joseph).
Au début de juin 1922, à la demande des deux Fédérations d’enseignants, Augustin démissionna avec les autres conseillers départementaux pour protester contre la révocation de l’institutrice parisienne Marthe Bigot. Le 22 février, Augustin et Michineau étaient réélus avec 224 voix chacun, cette fois, sans la concurrence des Amicalistes qui s’étaient abstenus de présenter leurs candidats. En 1923, il fut inquiété, en tant que secrétaire de rédaction de L’Émancipation, pour avoir reproduit dans le numéro de février du bulletin syndical un article d’André Lavenir, « La Grande Guerre et l’école ». L’auteur affirmait que la France avait une part de responsabilité dans la guerre de 1914-1918 et qu’il fallait donc chasser de l’école les manuels qui prétendaient que seules l’Allemagne et l’Autriche étaient responsables du conflit. Suivait une liste de 15 manuels qu’il était conseillé aux instituteurs de refuser pour l’inscription sur la liste départementale. Selon une lettre du directeur de l’École normale adressée à Augustin en date du 14 avril 1923, ces idées parurent dangereuses à l’inspecteur d’académie qui y vit une tentative de « déprécier aux yeux des enfants les sacrifices que consentirent leurs aînés pour le salut de la Patrie ». Menacé un moment d’être traduit devant le conseil départemental, il fut l’objet d’une solidarité active. En septembre 1923, le ministre Léon Bérard fit savoir qu’il n’estimait pas nécessaire de poursuivre le syndicaliste, tout en l’avertissant qu’il ne « tolérerait pas une récidive ».
En novembre 1924, L’Émancipation annonçait qu’Augustin, secrétaire de rédaction du bulletin depuis le premier numéro, se voyait « dans l’obligation d’abandonner cette fonction » ; Il n’en continua pas moins à militer activement au syndicat.
Augustin muta ensuite dans le département de l’Eure où il enseigna à Brosville, à Gasny et à Gravigny. Résistant « authentique » selon un rapport préfectoral, il aurait participé à la renaissance de la CGT clandestine. Syndicaliste actif, il fut président de la Caisse primaire de sécurité sociale (de sa fondation à la fin des années 1950 au moins). Il fut tête de liste CGT aux élections à la sécurité sociale en 1947. La Fédération CGT de l’Eure avait une direction tenue par les socialistes SFIO. Il fut tête de liste CGT-FO en 1955. Il présida la caisse de Sécurité sociale de l’Eure jusqu’à son décès selon l’article nécrologique que lui consacra La Dépêche. Il présida aussi la caisse d’allocations familiales jusqu’en 1955. Il était secrétaire du syndicat des instituteurs de l’Eure, section retraités en 1957. Il dirigeait probablement alors le syndicat des instituteurs CGT-FO en 1957. Un rapport du préfet, en juin 1957, qui ne le nommait pas, signalait une offensive sans succès de la CGT-FO vers cette catégorie en 1957.
Militant socialiste de la SFIO, Augustin fut nommé membre du conseil municipal provisoire d’Evreux en 1944, puis élu conseiller municipal en mai 1945, après s’être présenté au premier tour sur la liste socialiste SFIO homogène (sixième place). Quatrième adjoint, il démissionna le 11 octobre 1945 pour exiger avec son parti des élections municipales après le retour des prisonniers. Candidat sur la liste de défense républicaine, il est réélu en octobre 1947, mais siégea dans l’opposition puisque la mairie passa au RPF.
En 1953, Augustin était élu conseiller municipal, puis maire de Gravigny, commune ouvrière de la banlieue nord d’Evreux. Il fut réélu maire en 1959.
Augustin fut présenté par le Parti socialiste SFIO à diverses élections, comme candidat de principe, n’ayant aucune chance de succès : candidat élections cantonales à Evreux-Nord en 1949 et 1955 (où il bénéficia du désistement du candidat communiste), aux élections sénatoriales du 17 novembre 1957 (il obtint à cette partielle 84 voix sur 1 158 inscrits), puis en 1959 (suppléant).
En 1957, tout en tenant un discours pro-atlantiste et pro-européen et en soutenant officiellement la politique du gouvernement, Augustin défendit les positions de Gaston Defferre, pour des contacts officiels et directs en Algérie « avec ceux qui se battent » et pour un « cessez le feu immédiat ».
Augustin était en 1954 chevalier de la Légion d’honneur, titulaire de la Croix de guerre 1914-1918, Officier de l’instruction publique et chevalier du Mérite social.
« Augustin n’est pas un orateur ; Il écoute, observe avec une attention de clinicien ; C’est l’homme aux arguments précis, condensés. Il a une réelle autorité sur ses camarades ». (Gustave Quêté, Andouillé, le 17 décembre 1971, Voix Syndicale, 1972).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article10478, notice AUGUSTIN Basile, Armand par Laurent Chevrel, Jacques Cousin, Gilles Morin, Jacques Omnès, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 20 janvier 2018.

Par Laurent Chevrel, Jacques Cousin, Gilles Morin, Jacques Omnès

SOURCES : Arch. Nat. F/7/15528. F/1CII/262. F/1CII/276. F/1CII/309. CAC, 19830172, art., 87. —. Arch. Dép. Mayenne. — Arch. Dép. de l’Eure, 8W22, 11W 18, 1200W19. — La Dépêche d’Evreux, 13 janvier 1960, L’Amical, L’Émancipation de l’instituteur, La Voix Syndicale (1972). — Profession de foi aux élections sénatoriales de 1955 (Eure). — Archives privées d’Émile Goupil.

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