CHARGNIOUX Maurice

Par Jacques Girault

Né à Oullins (Rhône), le 21 mai 1893 ; électricien ; marié ; père de deux enfants ; candidat communiste aux élections législatives de 1928 dans le Var.

Son père, socialiste de formation guesdiste, l’emmenait dans les réunions publiques. Manœuvre magasinier, il mourut en 1907. Sa mère, d’origine ardéchoise, bien que catholique, ne lui donna pas d’éducation religieuse. À la mort de son mari, elle s’employa comme blanchisseuse. Chargnioux avait deux frères plus âgés que lui. Il n’obtint pas son Certificat d’études primaires et entra en apprentissage comme bronzier en 1907. Un ouvrier, doreur sur métaux, lecteur de l’Humanité, le fit adhérer au syndicat. Passionné d’électricité, sous l’influence d’un ami de son père, ingénieur socialiste et franc-maçon, Chargnioux fréquentait les cours municipaux du soir et, en 1910, entra chez Berliet, comme électricien-bobineur. Sportif, il s’inscrivit à des compétitions de gymnastique et de natation. Il garda pendant toute sa vie militante une robustesse physique caractéristique.

Chargnioux, membre du syndicat des ouvriers électriciens, avait adhéré au groupe des Jeunesses socialistes. Adhérent de la Libre Pensée, il avait des amis dans la franc-maçonnerie, mais ne partageait pas leurs options.

Incorporé en 1913 dans l’aviation à Bron, puis envoyé dans l’aérostation (ballons dirigeables et d’observation) à Épinal, il ne partagea pas l’enthousiasme général à la déclaration de la guerre. Il avait été fortement marqué par le discours de Jaurès à Vaise qu’il avait entendu étant permissionnaire.

Envoyé sur le front d’Orient en 1915, atteint de paludisme et de dysenterie amibienne, il fut évacué en août 1917 et termina la guerre à Saint-Cyr-l’École. Très enthousiasmé par la Révolution russe, Chargnioux pensait alors que la France allait connaître les mêmes bouleversements.

Démobilisé, marié depuis octobre 1917, membre du syndicat des Métaux, Chargnioux fut congédié, en mai 1920, de l’usine d’automobiles Buir à Lyon. Après avoir travaillé quelques mois dans une entreprise d’agencement de devantures commerciales, il entra à l’usine Magnéto-France (fabrique de magnétos pour motocyclettes).

Chargnioux, en 1921, devint administrateur-gérant de la coopérative ouvrière « La Ruche de Monchat » dont la devise était « Instruction, éducation, distraction » ; sa femme y assumait des tâches de gestion. (Le Parti communiste contrôlait cette organisation de quartier originale et y « déléguait en général des militants de valeur » selon Maurice Moissonnier).

Ayant adhéré à la section SFIO du IIIe arr. de Lyon, militant de l’ARAC (il avait lu Le Feu de Barbusse en 1917 lors d’un séjour à l’hôpital de Versailles), Chargnioux participa à la campagne électorale d’octobre-décembre 1919. Il ne prit pas part aux discussions de 1920, suivit la majorité au Parti socialiste (SFIC) au début de 1921 et devint membre du comité directeur de la ville. En 1922, malade (affection des cordes vocales dont il garda les traces par la suite), il abandonna toutes ses responsabilités. Les médecins communistes Lévy et Grandclément lui conseillèrent alors de changer de climat.

Ayant trouvé du travail comme électricien dans l’entreprise Batet, Chargnioux s’installa à Saint-Raphaël (Var) à la fin de 1923. Toujours membre de la Libre Pensée, il reprit contact avec le Parti communiste pendant la campagne électorale d’avril-mai 1924. Il critiqua dans une réunion publique le candidat socialiste Reynaud et fut à l’origine d’un premier regroupement de communistes raphaëlois.

Chargnioux, secrétaire du syndicat CGTU du Bâtiment, présida le congrès de fondation de la IXe Union régionale unitaire le 25 avril 1926 à Saint-Raphaël qui comprenait le Var et les Alpes-Maritimes. La direction régionale, dans un premier temps, fut confiée aux Toulonnais (voir Flandrin et Viort) ; mais, à la suite de fortes divergences entre ces derniers, un congrès extraordinaire, à nouveau présidé par Chargnioux, le 25 juillet 1926, attribua la responsabilité régionale au militant des Alpes-Maritimes, Pothier.

Chargnioux constitua avec le fils d’un conseiller municipal de Saint-Raphaël, Morenon, et avec des camarades Italiens, une coopérative de travaux de terrassements qui fut liquidée en octobre 1926. À la suite de son action (collectage de vivres, soupe populaire, etc.) lors des longues grèves du bâtiment à Saint-Raphaël et des ouvriers des carrières du Dramont, en avril 1926, il avait été renvoyé de son entreprise. Il devint alors représentant de la Compagnie électromécanique (moteurs électriques) pour les Alpes-Maritimes, le Var et la Corse et conserva cet emploi jusqu’à son départ de la région.

À la suite de ces grèves, la police, dans ses rapports, indiquait qu’il devait être inscrit au Carnet B. En 1927, les 19-24 septembre, il fut délégué au IVe congrès national de la CGTU tenu à Bordeaux.

Chargnioux fut désigné comme candidat communiste pour les élections législatives dans la circonscription de Draguignan en 1928 ; pendant longtemps, la presse avait annoncé que le candidat serait Espitalier. Y eut-il intervention de la direction du Parti pour que les décisions locales soient modifiées ?

Chargnioux fit sa campagne électorale à peu près seul. Circulant sur une vieille motocyclette, il contribua à l’organisation du Parti communiste dans quelques villages. Le 22 avril 1928, le candidat communiste obtenait 1 643 voix sur 21 878 inscrits ; le dimanche suivant, il en conservait 1 114.

La vie municipale de Saint-Raphaël fut très agitée. Aux élections de 1929, pour la première fois, les communistes présentèrent des candidats. Le Petit Provençal du 22 avril 1929, à propos de la « petite brochure » contenant leur programme, soulignait son « luxe inaccoutumé ». Elle avait été largement financée par un architecte communiste qui la conduisait, Peynaud. Le 5 mai 1929, sur 2 037 inscrits, Chargnioux arrivait en deuxième position des communistes avec 184 voix ; au deuxième tour, ils se retiraient mais n’appelaient pas à voter pour les candidats du député socialiste Reynaud. À la suite de la démission de ces derniers, Chargnioux ne fut pas partisan de présenter une liste rivale. En dépit des pressions des dirigeants régionaux Kraus et Pothier, il maintint sa position. Il n’y eut pratiquement pas de campagne communiste. Chargnioux, tête de liste, ne recueillait, le 27 avril 1930, que 38 voix sur 2 034 inscrits. Après une nouvelle démission, le Parti communiste, cette fois, ne présenta pas de liste à l’élection complémentaire de mai 1931.

Le 31 juillet 1929, le Préfet du Var recevait un message téléphonique lui indiquant que Chargnioux, dirigeant de la cellule de Saint-Raphaël, se rendrait, le lendemain, au rassemblement de Carnoules organisé par le Parti communiste avec « une certaine quantité d’explosifs » destinés à faire sauter le dépôt de locomotives. Le déplacement des six communistes de Saint-Raphaël fut contrôlé par des barrages de gendarmerie ; une perquisition eut lieu à son domicile en son absence. Il s’agissait d’une fausse alerte provoquée par la dénonciation d’un de leurs anciens camarades.

Secrétaire de la cellule de Saint-Raphaël, le 26 janvier 1930, Chargnioux fut nommé membre de la commission politique de la conférence du rayon du Var à Carnoules.

En 1932, Chargnioux fut le chauffeur de Jacques Sadoul pendant sa campagne pour les élections législatives. Il porta lui-même dans de nombreux villages la contradiction à Berthon, l’ancien député communiste de Paris, maintenant candidat républicain-socialiste dans le Var.

Pendant cette période, Chargnioux s’adonnait aussi à l’aviation. Il construisit un petit avion, et la presse relata le premier vol du « Pou du ciel » comme il l’avait baptisé. D’autre part, il recevait souvent Marcel Cachin et son épouse quand ils venaient se reposer sur la côte pendant l’hiver.

Le 12 février 1934, Chargnioux représenta le Parti communiste dans les réunions communes de protestation de Saint-Raphaël, du Muy et de Draguignan. Pendant l’été, il participa à plusieurs réunions avec les socialistes SFIO en application du pacte d’unité d’action.

Pour l’élection au conseil d’arrondissement dans le canton de Grimaud, le 7 octobre 1934, Chargnioux, dont le bulletin portait dès le premier tour « candidat d’Union des gauches », arriva en troisième position avec 151 voix sur 1 990 inscrits.

Au début de 1935, Chargnioux accompagna Cachin et Thorez chez Barbusse au Trayas. Ils venaient l’entretenir de la lutte antifasciste et calmer ses inquiétudes.

Aux élections municipales de 1935, à Saint-Raphaël, sur les conseils de Thorez lui-même, les communistes ne firent pas campagne pour eux-mêmes et recueillirent très peu de voix. Ils appuyaient la liste « d’union et de réalisations communales » conduite par Fournier, l’ancien député communiste de Paris, liste qui fut élue en partie. À la suite de la démission de conseillers municipaux minoritaires en 1938, une élection complémentaire se déroula le 20 mars 1938. Chargnioux, avec 165 voix sur 2 418 inscrits, arriva en troisième position sur la liste communiste et ne fut pas candidat sur la liste commune au Parti communiste et à la SFIO qui aborda le deuxième tour.

Chargnioux intervint au congrès inaugural de la Région communiste du Var, à La Seyne, le 14 février 1937. Il devait abandonner peu après la responsabilité principale du rayon de Fréjus-Saint-Raphaël à Bressier. Sa fille Anna était responsable de l’Union des jeunes filles de France dans la ville. Lui-même fut chargé par le comité régional du Parti, du « comité d’éducation par le film ». Il organisa des séances de projection de films soviétiques dans le département.

Tout en continuant son travail de représentation en matériel électrique, Chargnioux avait monté un atelier de réparation et de fabrication de postes de radio.

À la fin de 1938, sur les conseils de Cachin, Chargnioux quitta le Var pour regagner la région lyonnaise. Il installa un magasin de dépannages de matériel radiophonique à Villeurbanne.

Mobilisé à Clermont-Ferrand, Chargnioux fut affecté spécial à l’usine Repp puis recruté comme chef d’atelier aux établissements Pons à Lyon. Arrêté en novembre 1942, interné au Fort-Paillet, Chargnioux fut transféré à Fort-Barraux (Isère) où il retrouva plusieurs militants varois dont Seillon. Libéré au bout de quelques mois, revenu à Lyon, renouant les contacts avec le Parti clandestin, Chargnioux travailla comme chef d’atelier dans l’usine de matériels mécaniques Reynaud à Caluire et participa à des actions de sabotage de la production. Au début de 1944, il emmena sa famille en sécurité dans la campagne lyonnaise et rejoignit le maquis de la vallée de l’Azergue.

De retour à Lyon, Chargnioux s’occupa du Centre d’accueil pour les déportés de retour d’Allemagne comme délégué de la Fédération nationale des internés et déportés politiques. Il travailla dans une usine de Villeurbanne puis dans l’usine Montabert (fabrique de marteaux pneumatiques) jusqu’en 1956. À la fin de 1947, il fut délégué par le Secours populaire de France pour le procès de Vergès et des communistes de la Réunion à la suite d’incidents survenus lors des élections. Le Secours populaire développa dans la région lyonnaise une « ardente campagne de défense » (Maurice Moissonnier).

Chargnioux se retira à Saint-Raphaël en 1957, devint secrétaire adjoint de la section communiste de Saint-Raphaël — Le Muy du Parti communiste. Puis, en raison de la maladie de son épouse qui avait toujours été adhérente du Parti à ses côtés, il se contenta de cotiser pendant plusieurs années. Après son décès, il reprit une petite activité militante. En 1970, Chargnioux évoquait quelques souvenirs pour une plaquette éditée par les soins de la Fédération du Var du Parti communiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article105002, notice CHARGNIOUX Maurice par Jacques Girault, version mise en ligne le 4 novembre 2010, dernière modification le 20 avril 2022.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Nat. F7/13021 ; 13107 ; 13123. — Arch. Dép. Var, 2 M 3 49 ; 2 M 6 24 ; 2 M 7 32 3 ; 4 M 46 ; 4 M 49 ; 4 M 56 9 ; 4 M 59 4 1 ; 4 M 59 4 4 ; 3 Z 4 29. — Presse locale. — Renseignements et archives fournis par l’intéressé. — Renseignements fournis par Maurice Moissonnier. — 1920-1970. PCF Souvenirs de vétérans varois du Parti communiste français, Toulon, 1970.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable