AYACHE Albert

Né le 21 octobre 1905 à Tlemcen (Algérie), mort le 5 juin 1994 à Paris ; professeur d’histoire et géographie à Oujda puis à Casablanca ; syndicaliste de l’enseignement, un des organisateurs de l’Union générale des syndicats confédérés du Maroc, membre du Parti communiste marocain ; expulsé en 1952 ; historien du mouvement syndical au Maroc.

Né dans une famille de cinq enfants, père employé de quincaillerie, Albert Ayache fit ses études primaires et secondaires au collège de Tlemcen, ses études. supérieures d’histoire et géographie Alger puis à Paris. comme surveillant d’internat au lycée d’Alger puis au collège Sainte-Barbe à Paris. À Paris, il connut Jean Bruhat et Jean Dresch.

À son arrivée au Maroc, en octobre 1932, - il venait d’être nommé au lycée d’Oujda ville où sa famille était venue s’établir dans les années vingt -, il n’avait aucune formation politique ou syndicale. Il accepta à la demande d’un vieil ami, le professeur Maurice Chemoul, d’être le trésorier de l’Amicale du lycée.

Sensibilisé à partir de 1934 par les menées de la droite en France, dans l’Oranie Voisine, devenue, la « petite Hitlerie », et dans Oujda, ville frontalière, il prit sa carte de la CGT. Choqué par les campagnes antisémites qui redoublèrent avec l’arrivée de Léon Blum à la présidence du conseil à Paris, il adhéra à la Ligue internationale contre l’antisémitisme (LICA) et devint membre du bureau de la section locale. Il s’appliqua alors, en 1937, par des conférences à informer juifs et musulmans sur les liens qui les avaient toujours unis clans les pays du Maghreb et à les mettre en garde contre les intrigues des hommes intéressés à les jeter les uns contre les autres. Marcel Faurant, qui l’avait fait adhérer à la CGT en 1936, l’encourageait dans cette voie.

Mobilisé au 1er régiment de zouaves le 26 août 1939, envoyé sur le front en octobre, fait prisonnier en juin 1940, évadé, il revint au Maroc. à Casablanca en août 1941 - il avait été nommé au lycée Lyautey en 1939 -, puis révoqué parce que juif, de son poste de professeur. Il assista devant le tribunal militaire de Meknès, à la parodie du procès de son frère. le docteur Moïse Ayache qui, dénoncé comme résistant par de vieux clients, fut condamné pour « propos séditieux » à quatre mois de prison.

La vie militante d’A. Ayache commença au lendemain du débarquement américain du 8 novembre 1942 avec la reconstitution de l’Union générale des syndicats confédérés du Maroc le 13 juin 1943. Il fut réintégré dans son poste de professeur. le 1er octobre 1943 et en 1944. il adhéra au Parti communiste marocain. Comme Jean Fardel, son ami, secrétaire général du syndicat le lui demandait, il accepta de présenter devant le congrès du syndicat des professeurs de l’enseignement du second degré (SPES) un rapport sur la réforme de l’enseignement musulman (juillet 1944), puis de participer avec Fernand Joly à la commission économique de l’Union. commission qui avait reçu pour mission d’étudier l’évolution des prix et des salaires, les circonstances économiques et politiques qui les déterminaient à agir par ses représentants auprès des pouvoirs publics pour corriger, orienter ou revendiquer.

Le temps était alors à la concertation. La guerre continuait, la pénurie sévissait, il fallait intensifier l’effort de production pour vaincre. Les syndicats étaient donc représentés dans tous les organismes économiques. Ainsi Albert Ayache avec André Laitsélart siégeait à la commission des cuirs et peaux, à celle des fils et tissus, à la commission régionale des prix, à l’Office chérifien d’exportation et à l’Office du blé. Ces différentes attributions lui donnaient accès à toute documentation officielle facilitaient ses recherches sur la condition des populations marocaines, paysannes, urbaines, ouvrières. Ainsi lui apparurent les caractères de l’économie du Maroc, les disparités entre secteur colonial et secteur traditionnel, le mécanisme de la formation des prix, la part du salaire et celle du profit dans le prix final d’un produit, et aussi l’inégalité et les discriminations clans la rémunération ou le droit entre Européens et Marocains. Tous éléments qu’il utilisa dans l’élaboration de ses rapports aux différents congrès de l’Union, dans l’établissement des programmes revendicatifs, mais aussi dans la rédaction des chapitres sur la vie humaine et économique, pour une Géographie du Maroc à l’usage des élèves et des étudiants (1949).

Membre de la commission économique de l’Union, il en devint le secrétaire après que César Erdinger eut décidé, en 1946, de se consacrer au fonctionnement de coopératives de, consommation. Élu membre de la commission exécutive au 4e congrès de l’Union générale des syndicats confédérés du Maroc (30 novembre et 1er décembre 1946) il fut porté au secrétariat de l’Union en février 1947 par la commission exécutive en remplacement de Jean Pinty nommé directeur du travail à Alger.

Outre les études sur la vie économique, les prix, les salaires, la condition ouvrière, les plates-formes revendicatives, il fallut partager avec les membres du bureau toutes les tâches d’organisation, de formation syndicale ou de luttes. Albert Ayache eut à s’occuper plus particulièrement des syndicats du Maroc oriental. notamment des syndicats miniers de Djerada (anthracite), Touissit et Bou Becker (plomb et zinc) qui se développèrent à partir de l’automne 1946 sous l’influence de Taïeb Ben Bouazza et que les autorités de contrôle s’efforçaient d’affaiblir (1947) en attendant de les détruire (juin 1948) parce qu’ils étaient constitués de Marocains.

Vie syndicale agitée que ponctuèrent les grandes grèves de 1948, 1949, 1950, de violentes répressions à Khouribga et à Djerada, et en 1950, la préparation du 6e congrès où fut affirmée la volonté de l’Union de se transformer en une centrale syndicale marocaine et de travailler à l’abolition du Protectorat. Il en résulta de vives controverses, notamment au sein (de la Fédération marocaine des syndicats de fonctionnaires. Il fallut déjouer les manœuvres de certains, réduire leurs arguments, limiter les conséquences de leur départ. Après des luttes très dures et les événements de Casablanca des 7 et 8 décembre 1952, les principaux militants français de l’Union générale furent expulsés pendant que les militants marocains étaient arrêtés et torturés. Cette répression commandée par la Résidence avait d’ailleurs commencé deux ans plus tôt déjà, comme le montre le renvoi en France de Germain Ayache, cousin d’Albert Ayache (juillet 1950),

Nommé à Fontainebleau puis à Paris. A. Ayache, Sur les conseils de J. Dresch, décida d’utiliser sa documentation et sa réflexion pour la rédaction d’un ouvrage : Le Maroc, bilan d’une colonisation publié à Paris en 1956, l’année de l’indépendance et qui permit aux Marocains, en attendant d’autres études. d’avoir une vue plus claire de la géographie et de l’histoire passée et présente de leur pays. Il écrivit également une Histoire ancienne de l’Afrique du Nord, Paris. 1964, en pensant surtout aux écoliers marocains. Puis A. Ayache entreprit d’écrire une histoire du mouvement syndical au Maroc au temps du Protectorat. trois volumes auxquels il travailla jusqu’à la dernière année de sa vie.

Marié en 1946, A. Ayache était père de deux enfants (l’aînée : médecin biologiste, la seconde : agrégée de russe). Jusqu’à sa mort survenue à Paris le 5 juin 1994, il travailla à la préparation du volume Maitron-Maroc.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article10578, notice AYACHE Albert, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 6 novembre 2021.

ŒUVRE : Géographie du Maroc, en collaboration avec F. Joly, J. Fardel, L. Suech, 1950. — Rapports de la commission économique aux congrès de l’UGSM. des années 1946,1948 et 1950. — Articles dans L’Action syndicale (1945-1950). — Rapport du 27 juillet 1948 au Résident général sur les événements d’Oujda-Djerada (juin 1948). — Réponse du bureau de l’Union générale, aux observations et critiques de François Léonetti, secrétaire général de la Fédération des fonctionnaires, concernant la création de la centrale marocaine (janvier 1951). — Le Maroc, bilan d’une colonisation, préface de J. Dresch, 1956, 367 p., trad. Arabe, russe, allemande, bulgare, ouvrage couronné par le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-arts de l’Empire chérifien (prix du Maroc, janvier 1957). — Histoire ancienne de l’Afrique du Nord, Éditions sociales, 1964. — Le mouvement syndical au Maroc, 3 vol., op. cit. trad. en arabe : t. 1, Casablanca, El Khattabi, 1985, t. 2, Casablanca, Wallada, 1990.

SOURCES : Notice préparée par A. Ayache et complétée par Huguette Ayache. — Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier Maghreb : Maroc, 1998.

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