Par Jacques Girault
Né le 19 novembre 1875 à Toulon (Var) ; mort le 9 mars 1949 à Toulon ; ouvrier à l’Arsenal maritime ; marié ; père de deux enfants ; syndicaliste ; candidat communiste aux élections législatives de 1924 dans le Var.
Fils d’un matelot infirmier et d’une domestique, Collin, de religion catholique, effectua son service militaire au 106e régiment d’infanterie à Toul de novembre 1896 à novembre 1897. En dépit d’une condamnation en avril 1896 à 25 francs d’amende, il entra à l’Arsenal maritime (direction de l’Artillerie navale), le 13 décembre 1898 comme journalier temporaire et fut affecté à la Pyrotechnie. Il habitait la basse-ville et fut admis comme tôlier à chaud à la direction des constructions navales, le 6 mars 1899 (atelier des bâtiments en fer). Il travailla par la suite à l’atelier de la chaudronnerie de 1912 à 1917, puis à l’atelier des réparations.
Marié en février 1900, veuf, remarié en février 1919, il habitait le quartier du Pont-du-Las avant la guerre, puis la basse ville après 1918.
Animateur du syndicat des locataires en 1904, il faisait partie du groupe de la « Jeunesse libre », anarchiste et antimilitariste, en 1907.
Collin, milita au syndicat des ouvriers du port à partir de 1908. Appartenant à l’aile « révolutionnaire » du syndicat, il s’opposait aux amis du secrétaire Lamarque*, dès 1911. Ainsi intervint-il dans la discussion entre Bertrand* et Lamarque à propos de la question des subventions. Dans l’Émancipateur en juin 1911, il écrivit :
« Je crois que les syndiqués qui se disent révolutionnaires et qui se réclament de la CGT doivent être antisubventionnistes et faire leurs affaires eux-mêmes, sans avoir recours à des politiciens quels qu’ils soient [...] Voilà le beau travail des subventions : endormir les individus dans la négation d’eux-mêmes ».
Receveur du syndicat, il était directeur de son groupe artistique. En 1911, il jouait dans la pièce Le Permissionnaire. Lors de la fête pour l’anniversaire de la fondation de l’organisation, en octobre 1913, membre de la commission des fêtes, il jouait le rôle de l’anarchiste dans une pièce intitulée précisément l’Anarchiste.
Élu au conseil d’administration du syndicat le 5 février 1913, Collin fut délégué suppléant au congrès de fondation de l’Union des syndicats du Var, à La Seyne, le 14 décembre 1913. Réélu en quinzième position avec 1 363 voix, le 7 mars 1914, puis réélu à nouveau le 20 juillet 1917, animateur des opposants à Lamarque, Collin devint secrétaire du syndicat vers le 20 février 1918. Lamarque ne s’était pas représenté et laissait la voie libre à son adversaire qui se déclarait, selon le rapport du commissaire spécial, « partisan de l’agitation comme moyen de faire aboutir les revendications corporatives ». Au congrès de la Fédération des travailleurs de la Marine, au début du mois de septembre 1918, Collin proposa de refuser la participation ouvrière aux commissions mixtes ; il fut mis en minorité.
Une lutte vive opposait « réformistes » et « révolutionnaires » dans le syndicat. Après l’assemblée générale du 6 octobre 1918, un référendum devait consacrer sa défaite, selon le rapport du commissaire spécial, mais les résultats auraient été truqués par la direction syndicale. Après cette victoire, il fut réélu, en cinquième position, au conseil d’administration, au début de décembre 1918 et confirmé comme secrétaire général le 5 décembre.
Avec la fin de la guerre se posaient de nouvelles questions corporatives (qu’allait-on faire de nombreux effectifs engagés en temps de guerre notamment) et politiques. Les luttes augmentèrent d’intensité.
L’assemblée générale du 17 mars 1919 désigna Collin comme candidat du syndicat à la commission locale des salaires. Il fut battu par le candidat soutenu par Lamarque. Après cette défaite, à l’issue d’une assemblée générale extraordinaire, le conseil d’administration du syndicat, le 25 mars, décida de démissionner collectivement. En attendant de nouvelles élections, le syndicat resta toutefois aux mains des amis de Collin tandis que leurs adversaires s’efforçaient de regagner la majorité. Cette situation confuse permit à Collin de s’exprimer dans la presse et dans les réunions soit au nom du CA, soit en tant qu’ancien secrétaire général.
Ainsi, le 24 avril 1919, le Petit Var publiait-il un appel de Collin : « Debout, donc vers la libération intégrale ! Debout pour l’abolition de tous ces palliatifs [journée de huit heures, augmentation des salaires...] qui ne font que prolonger notre souffrance ! Debout pour la libération des peuples dans la fraternité universelle ! Vers la Troisième Internationale, celle du prolétariat dégagé par lui-même de ses chaînes d’esclavage ».
Dans tous les domaines, le fossé s’approfondissait. Ainsi dans la question de la semaine anglaise, critiquait-il la position de Lamarque : « vous appelez cela une réforme, alors qu’elle est faite sur notre dos. J’appelle cela moi un arrangement » écrivait-il en juin 1919.
Le premier mai 1919, Collin participa au rassemblement de la salle du Casino à Toulon et y parla notamment en faveur de l’amnistie pleine et entière pour tous les mutins. Le 29 juin 1919, il lançait un appel à la solidarité pour les grévistes des chantiers de La Seyne ; alors que les syndiqués étaient partagés entre une solidarité financière (position majoritaire) et une grève (position défendue par Collin) : il demandait « de verser cinq francs au minimum pour les familles de nos camarades en grève à La Seyne. Le mot de « solidarité » qui est inséparable de celui de syndiqué effacerait cet autre « égoïsme ». »
Après la défaite de la tendance Lamarque, en juillet 1919, au conseil fédéral, Collin, candidat au conseil d’administration du syndicat en août 1919, ne fut pas élu.
Depuis mai 1919, Collin essayait de constituer le groupe artistique du syndicat et projetait d’organiser « une belle matinée ». Il échoua.
Collin n’hésitait pas à intervenir sur le plan politique à la différence de Flandrin* ; en novembre 1919, il appelait à voter pour la liste socialiste aux élections législatives. Dans un meeting de l’ARAC à Toulon avec Vaillant-Couturier, le 24 février 1920, il demanda l’adjonction de « Vive la République des Soviets » à l’ordre du jour (compte rendu de la presse).
Dans les discussions autour du nouveau statut, Collin, comme ses amis, défendait le salaire national. Il préconisait aussi la lutte avec les autres corporations. Ainsi le 27 février 1920, lors d’une assemblée générale au théâtre, lança-t-il, « il s’agit de ne pas perdre de temps et d’agir le plus vite possible » contre le salaire régional que défendaient les amis de Lamarque et aux côtés des cheminots notamment.
Aussi fut-il de ceux qui firent grève en mai 1920. Un décret ministériel le radia de l’Arsenal « pour ne pas s’être présenté au travail le 10 mai 1920 » en vertu du décret du 8 mai.
Après avoir travaillé à partir du 20 août au Consortium américain qui se chargeait du transfert des cercueils de soldats américains, Collin fut congédié de cet emploi qui l’amenait à pénétrer dans l’Arsenal, le 16 octobre 1920. Il entra alors au Théâtre municipal de Toulon comme machiniste et choriste. En 1924, le sous-préfet de Toulon signalait qu’il était « marchand de bric-à-brac dans les fêtes ».
En mai 1922, Collin, secrétaire du syndicat CGTU du spectacle, présidait une réunion au quartier des Routes (banlieue-ouest de la ville) en faveur de Badina, mutin emprisonné que les communistes présentaient aux élections cantonales. Il participait aussi aux réunions du Comité pour l’amnistie intégrale.
Le congrès communiste de Carnoules du 16 mars 1924 décida de le présenter aux élections législatives à la place d’Edmond Barbaroux*, animateur de la Ligue des droits de l’Homme et candidat « sympathisant » qui s’était récusé. Il n’est donc pas certain que Collin fut à ce moment membre du Parti communiste bien que la police, en 1930, ait daté son adhésion de 1921.
Sur la profession de foi de la liste du Bloc ouvrier et paysan, Collin indiquait qu’il appartenait au conseil d’administration de la coopérative « Le Progrès », secrétaire du syndicat du spectacle, trésorier adjoint de la société des écoles laïques du premier canton de Toulon. Le 11 mai 1924, il arrivait en troisième position sur la liste avec 3 732 voix sur 78 101 inscrits.
À partir d’octobre 1925, son nom apparaît dans les réunions du rayon communiste de Toulon ; il présida notamment des réunions contre la guerre du Maroc. Le 2 juillet 1926, il fit partie de la délégation de la cellule n° 2 de la ville qui accueillit les journalistes de l’Humanité suivant le tour de France.
En application de la loi d’amnistie votée le 3 janvier 1925, le Préfet maritime proposa, le 2 avril, sa réintégration « de plein droit » à l’Arsenal (direction des constructions navales). Il travailla à l’atelier des réparations à partir du 1er juillet 1925 et obtint sa retraite le 1er juillet 1928. Il habitait alors le quartier des Routes. La période de 1920 à 1925 fut validée pour sa retraite.
Le 9 janvier 1928, le comité de rayon de Toulon proposa sa réintégration dans le Parti communiste. Nous ne savons pas pour quelles raisons Collin l’avait quitté ou s’il en avait été exclu. Il fut présenté dans le premier canton de Toulon (partie ouest de la ville) aux élections pour le conseil d’arrondissement. Le 14 octobre 1928, il recueillait 169 voix sur 7 126 inscrits et au tour suivant, n’en retrouvait que 49.
Collin exploitait alors un commerce de sorbets glacés, rue des Savonnières, dans la basse ville. La police le surveillait car cette « glacière » était fréquentée par des matelots.
En 1930, Collin était membre de la commission exécutive de la neuvième Union régionale de la CGTU. Il était aussi délégué à la presse du Parti communiste et fut le gérant du journal publié par le syndicat des travailleurs de la Marine, Le Cri de l’Arsenal, à partir du 21 mai 1930, qui disparut au bout de quelques mois.
Le rayon communiste de Toulon le proposa comme candidat pour l’élection au conseil général dans le premier canton. Un rapport de police d’octobre 1931 indiquait que le Comité central n’avait pas approuvé ce choix.
Membre de la cellule « centre et rue », Collin, le 19 octobre 1934, se prononça pour une liste aux élections municipales complémentaires composée exclusivement de militants communistes. La police envisageait alors sa candidature ; il n’en fut rien. Il ne fut pas candidat aux élections municipales de 1935. En 1937, il était le gérant du journal bimensuel du syndicat des travailleurs de la Marine, l’Émancipateur.
Toutefois, le décret du 18 novembre 1939 classait Collin parmi les trente militants toulonnais considérés comme des « individus dangereux pour la défense nationale ». Il devait être interné au centre de séjour surveillé de Saint-Maximin. Le 14 mai 1940, il faisait partie des treize « individus dangereux pour la sécurité publique et la défense nationale » à interner au camp de Chabanet (Ardèche). Le 29 septembre 1941, le commissariat de police de Toulon indiquait qu’inscrit au carnet B, dans le troisième groupe, sa libération n’était pas souhaitable. Après avoir été transféré au camp de Nexon (Haute-Vienne), il fut libéré le 2 mai 1943.
Après la Libération, Collin n’eut plus d’activités militantes.
En mai 1955, sa veuve participait au comité du quartier des Routes qui soutenait la liste communiste pour les élections municipales.
Par Jacques Girault
SOURCES : Arch. Nat. F7/13021, 13107, 13118, 13164. — Arch. Dép. Var, 2 M 3.48 ; 2 M 6.25 ; 4 M 41.4 ; 4 M 49.4.3 ; 4 M 49.5.4 ; 4 M 52 ; 4 M 53 ; 4 M 59.4.1 ; 4 M 59.4.4 ; 7 M 12.2 ; 3 Z.2.5 ; 3 Z.2.9 ; 3 Z.2.10 ; 3 Z 2.23 ; 3 Z 4.21 ; 3 Z 4.24 ; 3 Z 4.29 ; 3 Z 4.30. — Arch. Troisième région mar. : Immatriculés AN 9 ; C 50 ; 2 A4/11 ; 2 A4/12 ; 2 A4/19 ; dossier individuel. — Presse locale. — Renseignements fournis par J. Masse.