COMPAS Jean-Baptiste, Victor

Par Didier Bigorgne, Henri Manceau et Justinien Raymond

Né le 15 septembre 1864 à Montcy-Saint-Pierre (Ardennes), mort le 21 novembre 1949 à Charleville (Ardennes) ; employé ; coopérateur, franc-maçon, militant socialiste, puis communiste ; secrétaire de la Fédération des conseillers municipaux socialistes des Ardennes( 1897-1900) ; conseiller municipal de Charleville (1947-1949).

Fils d’un ouvrier plafonneur et d’une mère au foyer, Victor Compas était employé de commerce quand il épousa Marie, Philomène Verdavenne, sans profession, le 16 août 1890 à Charleville.

Victor Compas entra en militance à partir de 1880. Alors jeune employé de bureau à la fonderie Hardy-Capitaine de Nouzon, il créa en 1880 une association mutuelle des mouleurs forte de soixante adhérents. L’année suivante, il collabora à la rédaction d’un hebdomadaire Le Républicain de Nouzon et écrit une série d’articles sur la condition ouvrière dans la vallée de la Meuse. Il envoya l’un de ses exposés à l’Union fédérative du Centre affiliée à la Fédération des Travailleurs socialistes de France. Sa lettre retint l’attention du délégué à la propagande Jean-.Baptiste Clément qui vint enquêter dans les Ardennes. Celui-ci fut reçu à Montcy-Saint-Pierre par le père de Victor Compas, qui le mit en relation avec les militants ouvriers à la première heure.

Victor Compas fut embauché, en qualité d’employé, au journal radical Le Petit Ardennais de l’industriel Georges Corneau, sans renoncer ni à ses idées, ni à son action. Aux méfiances suscitées par cette position, il répliquait que son cas ne différait pas de celui des ouvriers travaillant pour des patrons non socialistes.

Victor Compas, continua de militer au cercle d’études sociales L’Etincelle de Charleville affilié à la Fédération des Travailleurs socialistes des Ardennes .Avec lui, il fut tour à tour « possibiliste » en 1882, puis « allemaniste » en 1890. En 1897, il fonda le cercle d’études sociales La Vigie de Montcy-Saint-Pierre.

Franc- maçon, initié à la loge La Fraternité de Charleville dont le vénérable était ce même Georges Corneau, Victor Compas s’engagea dans la lutte anticléricale. Il donna de nombreux pamphlets dont L’Eglise et le socialisme en 1898. Autodidacte aux lectures libertaires (Proudhon, Kropotkine, Jean Grave) et en correspondance avec Sébastien Faure, il publia des poèmes antimilitaristes, du genre L’Infanterie de marine qu’il dédia à des camarades partis pour le Sénégal et le Tonkin.

Victor Compas multiplia les engagements. Il s’investit d’abord dans la lutte pour l’édification de la Verrerie ouvrière d’Albi. Devant les difficultés rencontrées par les verriers, il appela à la formation de comités de défense pour la V.O le 20 avril 1898 ; le 10 juillet suivant, vingt et un comités se réunissaient sous sa présidence pour fonder la Fédération ardennaise des comités de défense de la Verrerie ouvrière d’Albi. Le 20 novembre de la même année, il était à Nouzon, au côté de Jaurès, Clément, Hamelin et de nombreux élus socialistes des Ardennes pour inaugurer un dépôt de bouteilles de la V.O.

Engagé dans le combat dreyfusard, Victor Compas condamna tour à tour le nationalisme et son danger césarien, le cléricalisme qu’il rendait responsable de l’antisémitisme dans Le Socialiste Ardennais. Après la grâce du capitaine Dreyfus en 1899, il déclara continuer la bataille pour la réhabilitation du martyr de l’Ile du Diable en écrivant : « C’est seulement lorsque la question sociale sera entièrement résolue, lorsque les hommes seront libres et solidaires sans distinction de pays, de races et de religions que l’incident sera clos ».

Ce fut toutefois dans le cadre du socialisme municipal que Victor Compas mena une activité importante Aux élections municipales de mai 1896, il fut élu sur la liste du POSR à Montcy-Saint-Pierre. A son initiative, les conseillers municipaux socialistes des Ardennes tinrent à Mohon, le 7 février 1897, leur premier congrès qui donna naissance à la Fédération des conseillers municipaux socialistes des Ardennes : il fut nommé membre de la commission composée de sept membres et présidée par Hippolyte Médot*, conseiller municipal de Charleville. Le 13 juin suivant à Nouzon, il participa au 2ème congrès départemental et fut élu secrétaire de la Fédération des conseillers municipaux socialistes des Ardennes. A ce titre, il fut délégué au 5ème congrès national des conseillers municipaux socialistes de France et des colonies qui se déroula à Dijon du 31 octobre au 2 novembre 1897 : il y proposa la constitution de fédérations municipales socialistes dans chaque département. En 1898, il assista à deux congrès des conseillers municipaux socialistes dans les Ardennes : il présida le 3ème congrès départemental qui se tint le 20 mars à Charleville, il fut membre de la commission d’organisation du 6ème congrès national qui eut lieu du 30 octobre au 1er novembre à Fumay et présenta devant les congressistes l’action politique des municipalités socialistes. Aux élections locales de 1900, il fut réélu conseiller municipal de Montcy-Saint-Pierre et le demeure jusqu’en 1904.

Victor Compas joua un rôle si important dans la fédération socialiste qu’on songea à lui pour succéder à Jean-Baptiste Clément à son départ des Ardennes en 1894. Des oppositions familiales l’en empêchèrent ; il s’effaça, non sans regret, devant Albert Poulain. Les deux hommes étaient différents : Compas, fougueux, lyrique et cultivé, s’opposait à l’ouvrier réaliste qu’était Poulain et à son opportunisme. La lutte fut vive entre les deux militants rivaux. Compas réclama une commission de contrôle auprès de la rédaction du Socialiste Ardennais qui n’insérait pas toujours ses articles anticléricaux et ses annonces d’enterrements civils. En 1899, avec son groupe La Vigie, il s’opposa aux tendances centralisatrices du cercle l’Étincelle de Charleville inspiré par Poulain. En janvier 1900, il quitta la fédération qui prononça son exclusion en juillet.

Après la scission du congrès de Tours en 1920, Victor Compas adhéra au Parti communiste tout en restant franc-maçon. Les deux options se révélant vite incompatibles, il choisit pour un temps la seconde. En 1937, il fut nommé vice-président du Comité d’Honneur pour les cérémonies du centenaire de Jean-Baptiste Clément et participa à l’inauguration du buste de l’ancien communard le 27 juin à Nouzonville.

Dans les années 1946-1947, alors qu’il présidait la section des Vieux Travailleurs de Charleville, Victor Compas apporta sa collaboration au journal communiste Liberté et y publia de nombreux articles. Les 27 et 28 avril 1946, il assista au 8è congrès fédéral du Parti communiste à Charleville : doyen du parti, les congressistes lui rendirent un vibrant hommage. Le 1er février 1947, il participa à la fondation des Amis du Parti ouvrier français des Ardennes et reçut la carte d’adhérent portant le numéro un. Enfin, aux élections municipales du 19 octobre 1947, il fut élu, avec six de ses colistiers, sur la liste du Parti communiste à Charleville. Il siégea au conseil municipal jusqu’à sa mort.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article106532, notice COMPAS Jean-Baptiste, Victor par Didier Bigorgne, Henri Manceau et Justinien Raymond , version mise en ligne le 23 mars 2016, dernière modification le 29 mars 2019.

Par Didier Bigorgne, Henri Manceau et Justinien Raymond

ŒUVRE : Compas collabora au Socialiste ardennais et publia : L’Église et le Socialisme, Charleville, 1898. — Vérités économiques et sociales, Ibid., 1900. — Nécessité des fédérations municipales départementales, Ibid., s. d.
œuvre littéraire : Contes, Nouvelles et un recueil de poésies, Feuilles mortes.
La correspondance avec Sébastien Faure n’a pas été conservée par sa famille.

Sources : Arch. Fédération des Travailleurs socialistes des Ardennes (médiathèque de Charleville-Mézières).— Arch. du cercle L’Etincelle.( (médiathèque de Charleville-Mézières).—L’Emancipateur, 1891 à 1895.—Le Socialiste Ardennais, 1895 à 1900.— Liberté, 1946 à 1949.— Presse locale.— Revue Le Rimbaldien, n° 15 (1949) : Une présentation de Victor. Compas, non signée. Dessin de Pierre Rogissart. Psychologie du Mouvement ouvrier ardennais par Henri Manceau. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., p. 15.— Didier Bigorgne, Jean-Baptiste Clément. Une page d’histoire ardennaise, 1985, Terres Ardennaise (avec une photo de Compas, p. 202) . —État civil de Charleville-Mézières.

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