CONSTANS Paul, André, Ferdinand

Par Justinien Raymond, Georges Rougeron

Né le 8 septembre 1857 à Néfiach (Pyrénées-Orientales) ; mort le 4 octobre 1931 à Montluçon (Allier) ; employé de commerce, puis négociant ; élu socialiste de l’Allier.

Paul Constans était le fils d’un artisan tisserand et d’une sage-femme, tous deux très liés à un républicain du village, Soly, ami des deux frères Alavaill, vieux socialistes. Il fréquenta l’école communale jusqu’à l’âge de quinze ans pour aller préparer à l’École primaire supérieure de Perpignan le concours d’entrée aux Écoles d’Arts-et-Métiers. Dans l’obligation de gagner sa vie, il ne put y rester que quelques mois et devint apprenti dans une maison de nouveautés de Perpignan. Il se rendit à Paris en 1875 et y travailla en qualité de garçon de magasin tour à tour au Grand-Condé, à la Place Clichy, au Petit Saint-Thomas d’où on l’envoya fin 1880, avec un chef de rayon, ouvrir une succursale à Saint-Germain-en-Laye. En 1883, pour avoir sifflé une manifestation réactionnaire, il fut congédié. Rentré à la Place Clichy, il y devint sous-chef de rayon et épousa une jeune couturière de la maison. En 1888, recommandé par son patron, Paul Constans entra comme directeur associé aux bénéfices dans un établissement semblable de Montluçon dont le propriétaire n’était autre que le sénateur modéré Chantemille.

Cette promotion sociale ne lui fit pas abandonner le combat commencé à Paris. Il s’y était adonné à l’action syndicale. En 1878, il avait collaboré à la création du syndicat des employés de commerce de la région parisienne. Il avait participé aussi au mouvement socialiste et s’était lié, dès son arrivée dans la capitale, avec André Gély et Victor Dalle. À Montluçon, derrière Jean Dormoy, il devint un des piliers du mouvement socialiste de l’Allier. Il fonda plusieurs groupes liés en une Fédération républicaine-socialiste qui, en 1896, fusionna avec celle du POF, l’année même où, après avoir refusé toute candidature en 1893 et en 1895, il remporta le premier d’une longue série de succès électoraux. Porté au conseil municipal de Montluçon, il fut nommé adjoint au maire. À la suite d’élections complémentaires consécutives au décès de Jean Dormoy, il succéda à ce dernier comme maire de Montluçon le 8 janvier 1899, et le demeura en 1900, après avoir conduit à un succès total la liste socialiste.

Après sa première élection, P. Constans s’installa à son compte, ouvrant dans le quartier ouvrier de la Ville-Gozet le magasin à l’enseigne La Fileuse. Il ne s’enferma pas à l’Hôtel de Ville et resta mêlé à la vie socialiste, délégué à tous les congrès nationaux à partir de 1898. En décembre 1899, au premier congrès général des organisations socialistes françaises à Paris, salle Japy, il représenta le comité républicain-socialiste de Deneuille-les-Mines et les comités d’Études sociales de Saint-Bonnet-Tronçais, de Saint-Pourçain et de Saint-Sauvier, tous adhérents au POF. Le 4 décembre, il s’y affirma pour l’unité dans la clarté, demandant que la commission des résolutions fût composée en proportion des forces de chaque organisation. Le 6, il exprima la ferme opposition de POF à toute participation ministérielle des socialistes. Il participa au congrès de la salle Wagram (1900). Au Parti socialiste de France (1901), à la SFIO (1905), il continua sur la même ligne politique, mêlé à la vie intérieure des partis et à leur propagande. Il participa au congrès international d’Amsterdam (1904). Sauf à Toulouse (1908) et à Saint-Étienne (1909) il participa à tous les congrès nationaux d’avant-guerre. En 1912, au congrès de Lyon, il combattit l’appartenance des socialistes à la franc-maçonnerie où, dit-il, ils « perdent leur temps » (compte rendu congrès de Lyon, p. 470). Il déclara avoir adhéré en 1882 à une loge ouvrière du Pecq, puis en 1888, à une loge de Montluçon et avoir rompu avec la franc-maçonnerie depuis 1896. P. Constans garda contact avec son Roussillon natal et il participa en 1902-1903 aux IVe et Ve congrès de la Fédération socialiste des Pyrénées-Orientales.

Dans l’Allier, P. Constans multiplia les succès électoraux. En 1902, devenu député, il laissa l’écharpe de maire de Montluçon à Alexandre Dormoy, frère de Jean. Le 8 mai 1904, avec toute la liste socialiste, il fut battu aux élections municipales. L’année suivante, il devint le premier secrétaire de la Fédération socialiste unifiée. À l’occasion d’une élection partielle, il rentra à l’Hôtel de Ville, le 25 novembre 1906. Il reprit la charge de maire le 3 mai 1908 et fut réélu en 1912, 1919 et 1925. Il céda son fauteuil à Marx Dormoy le 9 mai 1926. L’administration municipale dont Paul Constans fut l’animateur créa des services d’assistance publique et d’hygiène, assura l’inspection médicale des écoles et la consultation des nourrissons. Elle construisit cantines scolaires, cuisines populaires, crèche, orphelinat et un édifice communal abritant la Bourse du Travail. Elle bâtit Hôtel de Ville, théâtre, abattoirs, bain-douches, écoles. Elle assura la gratuité des fournitures scolaires aux élèves des écoles communales, offrit à la jeunesse de la ville des cours de travaux manuels, de dessin et lui ouvrit des bibliothèques populaires. Elle accorda aux travailleurs municipaux le bénéfice de la journée de huit heures.

Le 29 janvier 1899, par 3 025 voix, le canton de Montluçon-Ouest lui donna le siège de conseiller général, vacant par la mort de Jean Dormoy. Réélu le 21 juillet 1904 avec seulement dix-huit voix d’avance sur son concurrent, il vit son élection annulée en Conseil d’État, mais retrouva son siège le 21 mai 1905 par 3 183 voix contre le Dr Albert son adversaire aux élections législatives. Il le conserva le 24 juillet 1910 par 2 895 suffrages contre 1 977 à Déchaud, maire de Domerat. Le 14 décembre 1919, il fut réélu sans concurrent. Depuis le 16 août 1915, il était vice-président de l’assemblée départementale et le demeura jusqu’en 1920. Le 21 mai 1922, bien qu’arrivé en tête au premier tour, il fut battu par le candidat communiste, mais fut réélu au premier tour le 14 octobre 1928. Dix jours plus tard, il succéda à la présidence du conseil général qu’il occupa jusqu’à sa mort.

À sa mort aussi, il était toujours député. Le 8 mai 1898, dans la circonscription de Montluçon-Est, candidat du POF, il obtint 3 191 voix et assura par son désistement le succès de Stéphane Létang, candidat du PSR. En 1902, il se présenta, au nom du Parti socialiste de France, dans la 2e circonscription de Montluçon abandonnée, pour raison de santé, par le député sortant Charles Sauvanet. Le 27 avril, il recueillit 6 124 voix sur 21 592 inscrits et 16 948 votants, contre 4 647 à Thaury, républicain modéré, 3 319 à Étienne Lamoureux, radical socialiste, 2 666 au Dr Albert, socialiste indépendant. Le 11 mai, il l’emporta par 9 384 voix contre 6 597 à Thaury. En mai 1906, avec 8 231 suffrages sur 22 255 inscrits, il conserva son siège à la SFIO en se conformant pleinement à sa décision de mener la bataille sur le problème de la propriété. « La République, déclara-t-il dans sa profession de foi, ne sera une réalité pour tous les travailleurs que le jour où la propriété capitaliste des moyens de production et d’échange, transformée en propriété sociale ou collective, sera mise entre les mains des producteurs libres, associés pour le bien-être commun. Alors, la lutte de classe disparaîtra avec les antagonismes sociaux qui l’engendrent ; les hommes seront réconciliés dans l’organisation du travail au profit de tous et les progrès de la science pourront contribuer vraiment au bonheur de l’humanité » (cf. Arch. Ass. Nat.). En 1910, P. Constans, avec 7 793 voix, fut battu par le candidat radical-socialiste Lamoureux bénéficiant du retrait du candidat de droite. Cependant, au premier tour, il venait en tête avec 6 884 voix contre 4 915 à Lamoureux, 4 025 à Labre, républicain libéral et 623 au socialiste indépendant Soustelle. Il retrouva ce siège au premier tour, le 23 avril 1914, par 9 472 voix contre 5 526 au député sortant, sur 21 799 inscrits, en reprenant presque mot pour mot sa profession de foi de 1906. Le 16 novembre 1919, il succomba avec toute la liste socialiste dont il était le chef de file, rassemblant 38 532 électeurs sur 126 828 inscrits. Le 11 mai 1924, il triompha comme premier élu de la liste d’Union socialiste, fort de 49 837 voix sur 121 177 inscrits et, le 22 avril 1928, le siège de Montluçon-Ouest lui revint avec 8 452 suffrages sur 16 356 votants et 20 934 inscrits.

Au Palais-Bourbon, P. Constans siégeait à la commission du Travail. Ses propositions, rapports ou interventions, notamment au cours des débats budgétaires, portèrent sur des questions intéressant les salariés. Toutefois, il parla en faveur de l’amnistie le 21 novembre 1902 et les 3 et 5 avril 1903 et il rapporta sur le même sujet le 31 mars 1904. On lui doit aussi la création de la commission du Suffrage universel en 1902 et les propositions de loi assurant, par enveloppes et isoloirs, le secret du vote. Au cours de la Première Guerre mondiale qui lui ravit un de ses trois fils, tué à la tête d’une compagnie de Chasseurs dans la Somme en 1916, il resta fidèle à la politique d’Union sacrée. Le 29 juillet 1920, il signa la lettre de la Vie socialiste à la CAP, contre l’adhésion à la IIIe Internationale, puis soutint la motion Blum avant le congrès de Tours.

Sa position politique dans le département, puis son âge le désignèrent à plusieurs reprises comme candidat aux élections sénatoriales. Le 7 janvier 1912, il prit la tête de la première liste complète présentée par les socialistes au suffrage restreint. Aux deux tours de scrutin, il recueillit 130 et 123 voix sur 828 inscrits et 824 votants. Le 11 janvier 1920, à une élection sénatoriale partielle, il réunit 310, 329 et 342 bulletins sur 812 inscrits et 810 votants. Au renouvellement du 9 janvier 1921 il s’éleva à 349 suffrages sur 811 inscrits et 810 votants.

Le 27 septembre 1931, les socialistes bourbonnais célébrèrent son jubilé politique en une manifestation populaire présidée par Léon Blum. P. Constans ne put qu’en recueillir l’écho de sa chambre de malade et il mourut une semaine plus tard. Sa profession de foi pour les élections législatives de 1928 prenait déjà la forme d’un testament. Après avoir rappelé ses quarante années de luttes sociales dans l’Allier, il déclarait : « J’ai le droit de sentir quelque fierté, à invoquer un passé encore plus lointain puisque, dès 1878, il y a un demi-siècle avant la fondation en France du Parti socialiste, j’ai pris la première fois la parole en public, pour l’organisation, à Paris, du syndicat des employés de commerce de la région parisienne. Je suis resté — j’ai la joie de pouvoir l’affirmer — ce que j’étais à l’âge de vingt et un ans, ce que j’étais en 1896, au moment où je suis entré dans la bataille politique aux côtés de Jean Dormoy... » (Arch. Ass. Nat.).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article106590, notice CONSTANS Paul, André, Ferdinand par Justinien Raymond, Georges Rougeron, version mise en ligne le 4 novembre 2010, dernière modification le 21 septembre 2021.

Par Justinien Raymond, Georges Rougeron

ŒUVRE : P. Constans collabora au Socialiste des Pyrénées-Orientales (1902), au Socialiste de l’Allier, organe hebdomadaire de la Fédération du POF et au Combat, organe de la Fédération socialiste SFIO.

SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Hubert-Rouger. Les Fédérations socialistes I, op. cit., pp. 43 à 88, passim et La France socialiste, op. cit., p. 148. — Congrès général des organisations socialistes françaises, Paris, 3-8 décembre 1899. Compte rendu sténographique, pp. 44 à 420 passim. — Comptes rendus sténographiques des congrès du Parti socialistes SFIO. — G. Rougeron Paul Constans, 1857-1931, Montluçon, 1956, 6 p. — Léon Osmin, Figures de jadis, p. 137 à 148.

ICONOGRAPHIE : G. Rougeron, op. cit. — La France socialiste. op. cit., p. 148.

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