CORVIN Mathias, Victor

Par Jean-Michel Brabant

Né le 11 juillet 1911 à Lyon (VIe arr.) (Rhône), mort le 9 avril 1983 à Paris, XIe arr. ; marié en secondes noces le 31 juillet 1954 à Paris XIe arr. avec Abraham Lucienne, dite Michèle Mestre ; ouvrier métallurgiste ; employé puis journaliste ; responsable de la Jeunesse socialiste puis du mouvement trotskyste.

Mathias Corvin en 1941
Mathias Corvin en 1941

Issu d’un milieu modeste, Mathias Corvin, après avoir obtenu son Certificat d’études primaires, travailla dès l’âge de douze ans comme ouvrier métallurgiste. En 1930, il rejoignit la Ligue des combattants de la paix de Victor Méric* et adhéra, quelques mois plus tard, à la Jeunesse socialiste.

Secrétaire de la section du XIVe arr. de Paris, il devint, en 1933, responsable fédéral à la propagande. Est-ce le même Corvin qui collaborait à Combat marxiste en novembre 1934 ? En tant que dirigeant de la Fédération de la Seine, il fit partie de la tendance Jeune socialiste révolutionnaire dirigée par Fred Zeller*. Exclu lors du congrès national de la JS réuni à Lille à la fin de juillet 1935, il sympathisa avec la Gauche révolutionnaire de Marceau Pivert* dont il fut l’orateur dans un meeting à Paris en octobre 1935.

Rejoignant le mouvement trotskyste, Mathias Corvin devint l’un des dirigeants de la Jeunesse socialiste révolutionnaire, créée au lendemain du congrès extraordinaire des JS de la Seine, tenu à Malakoff, en décembre 1935, où il fut l’un des rapporteurs. Il devait participer, jusqu’en 1937, aux structures dirigeantes du mouvement trotskyste.

À ce titre, il se présenta aux élections d’avril 1936, sous l’étiquette bolchevik-léniniste, dans le XIe arr. de Paris mais ne recueillit que 26 voix. En octobre, il fut élu au Comité central du Parti ouvrier internationaliste nouvellement créé.

Orateur de nombreux meetings, aussi bien à Paris qu’en province, Mathias Corvin animait les réunions internes de la JSR. Lors de son congrès national de janvier 1937, il fut élu secrétaire national à l’organisation. Parallèlement, il participait aux débats internes du POI et intervint lors de son IIe congrès national en novembre 1937. Accusé, par la suite, d’avoir « participé à une provocation contre le Parti » et en raison de son « irresponsabilité » il fut exclu avec Fred Zeller* le 14 novembre. Cette exclusion aurait eu pour origine un manque de vigilance vis-à-vis des agissements de Péro-Gotlieb*. Dans cette affaire, l’honnêteté de Mathias Corvin ne fut jamais mise en doute. Il travaillait alors à la SNECMA d’Argenteuil (Seine-et-Oise).

Bien qu’en dehors du Parti, il fut contacté en 1939 pour suivre les militants trotskystes favorables à l’adhésion au Parti socialiste ouvrier et paysan de Marceau Pivert*, mais refusa cette perspective. Après la déclaration de guerre, Mathias Corvin participa au lancement d’un journal éphémère Le Nouveau départ. Le 15 avril 1940, bien que réformé, il fut mobilisé au 31e dépôt d’infanterie de Saint-Étienne. Démobilisé à Mende, le 6 septembre 1940, Mathias Corvin retourna en zone occupée et reprit contact avec le milieu des Auberges de Jeunesse qu’il fréquentait avant la guerre. Dans le même temps, il rejoignit le mouvement trotskyste et fut coopté à la direction du groupe qui publiait La Vérité. Il suivait à l’époque un stage de formation pour l’animation des Centres de jeunesse.

Rentrant dans la clandestinité à partir de mars 1942, il s’occupa surtout d’un service de faux-papiers. Cette activité lui valut son arrestation, le 28 août 1942 (faux nom Loubet, 1, rue d’Angoulême, XIe arr.), et, après un séjour à la Santé, sa condamnation, le 22 janvier 1943 par la 10e chambre du Tribunal de Première instance, à dix mois de prison. Interné administrativement à l’expiration de sa peine, à la caserne des Tourelles (Paris, XXe arr.) puis à Compiègne, il fut finalement déporté le 8 mai 1943 de Compiègne à Sachsenhausen en Allemagne (Kommando Heinkel, usine d’aviation, matricule 66 568), puis transféré à Buchenwald.

Rapatrié au mois de mai 1945, il reprit l’action militante dans le cadre du Parti communiste internationaliste, devint membre de son Comité central, et se présenta le 2 juin 1946 aux élections législatives en Gironde. Dans le cadre des débats internes de l’organisation, il défendit le point de vue de la tendance dite de gauche et milita plus tard, en 1952, pour « l’entrisme » dans le Parti communiste. Théorisant une intégration totale dans le PCF, il rompit avec la IVe Internationale et fonda, en septembre 1954, avec sa femme, Michèle Mestre, le journal Le Communiste, organe oppositionnel visant au redressement du Parti communiste. Après le décès de Michèle Mestre survenu le 4 février 1970, il resta l’animateur du journal et du groupe qui le publiait. Membre de l’ANACR (Association nationale des anciens combattants de la Résistance), il fut un des responsables actifs de son comité parisien.

Selon le témoignage de Jean-Jacques Aisenmann, Mathias Corvin avait pu coopérer avec des résistants communistes et gaullistes au camp de Sachsenhausen. Il passa ensuite par Buchenwald et dans le train qui le ramenait des camps, un déporté gaulliste lui dit de se tenir sur ses gardes et de changer de wagon car les déportés communistes avaient décidé de le tuer. Il tint compte du conseil et rien ne se passa. Mais il en fut marqué et en parla très vite à Aisenmann. Vers 1975, à l’occasion d’un congrès de l’ANACR, Aisenmann vit un délégué saluer chaleureusement Corvin et lui dire : « Tu sais, à la sortie des camps j’étais chargé de t’assassiner ».

Mathias Corvin était chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article106857, notice CORVIN Mathias, Victor par Jean-Michel Brabant, version mise en ligne le 4 novembre 2010, dernière modification le 22 novembre 2021.

Par Jean-Michel Brabant

Mathias Corvin dans un camp des Amis de la Nature en 1942
Mathias Corvin dans un camp des Amis de la Nature en 1942
Mathias Corvin en 1941
Mathias Corvin en 1941

SOURCES : Arch. Jean Maitron. — La Lutte ouvrière, 1936 et 1937. — Révolution, 14 décembre 1935. — La Vérité, 25 octobre 1935 et 13 octobre 1945. 24 mai 1946 — S. Ketz, De la naissance du GBL à la crise de la section française de la LCI, Mémoire de Maîtrise, Paris I, 1974. — Jean Bezaut, Mémorial d’Oranienburg-Sachsenhausen, 1980. — Le Communiste, n° 299, 2e quinzaine d’avril 1983, 30e année — Témoignage autobiographique recueilli en 1976. — Lucette Heller-Godenberg, Histoire des auberges de jeunesse en France des origines à la Libération (1929-1945), 2 vol., 1985, Université de Nice. Voir index.

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