COURSON Lucien [ Fernand, Henri, Lucien]

Par Daniel Grason, Jean Maitron

Né le 7 novembre 1898 à Villeneuve-sur-Yonne (Yonne), mort le 18 avril 1968 à Fleury-Mérogis (Essonne) ; métallurgiste, puis permanent du parti communiste ; volontaire en Espagne républicaine ; interné politique.

Lucien Courson était le fils d’un tanneur et d’une manouvrière, "apolitiques". Il se maria une première fois à Sens en juin 1925. Par la suite, il habita 15, rue du Président Wilson à Levallois-Perret (Seine, Hauts-de-Seine), où il se remaria en décembre 1937 avec Hélène Rode. Il était père de deux enfants. Ses deux sœurs étaient mariées, travaillaient à la STCRP, étaient syndiqués et habitaient aux Lilas (Seine, Seine-Saint-Denis).
À l’issue de l’école primaire, il obtint son CEP, fit trois ans de service militaire, lisait l’Humanité depuis 1919, mais commença à fréquenter les réunions publiques du parti communiste en 1929. Il travailla à la fabrique de chocolat Menier, à l’usine Weber, puis à la fabrique des compteurs Jaeger, une entreprise levalloisienne de la métallurgie de sept cents ouvriers. Lors d’une grève dans l’entreprise en 1932, il adhéra à la CGTU, puis à la CGT en 1935, sera membre de la commission exécutive locale. Ce fut son adhésion au parti communiste en 1932 qui le sortit de l’anonymat, il eut pour parrains Fernand Hanot, un ouvrier en instruments de précision et Maurice Honel, dirigeant communiste, futur député communiste de Clichy-Levallois. Le secrétaire du rayon de Clichy-Levallois était Lucien Marrane.
Lucien Courson fut secrétaire de la cellule communiste 716 de chez Jaeger en 1932 et 1933. Il vivait 97 rue Edouard-Vaillant à Levallois-Perret, était adhérent de l’Union syndicale des travailleurs de la métallurgie, voiture, aviation, maréchalerie et parties similaires de la Région parisienne. Le 18 avril 1933 il fut interpellé pour avoir d’un taxi lancé des tracts de la CGTU à des ouvriers en grève. Interpellé par des agents de la police municipale, il a été emmené au commissariat en compagnie du chauffeur Alphonse Delapierre. Après avoir été admonesté, Lucien Courson a été libéré sans suite judiciaire vers 18 heures 20.
Après quatre mois de chômage, de février à juin 1936, il devint permanent de la section communiste, à l’organisation et à la propagande, membre du secrétariat du rayon. Il fut de toutes les manifestations antifascistes de 1934, à celles du Front populaire. Il participa à une école régionale du parti en 1936, lisait les Cahiers du bolchevisme, l’Internationale communiste, il approfondit la doctrine communiste en étudiant : « un peu de Marx et Engels et les principaux textes de Lénine » écrivit-il dans une biographie le 28 mars 1938. Il fut chargé d’organiser des soirées cinématographiques payantes à la Maison du Peuple, il apparaissait comme un homme multitâche, dévoué, mais piètre organisateur. Il était le 16 mars 1937 à la contre-manifestation contre la tenue d’une initiative du Parti Social Français (PSF) du colonel de La Rocque, à Clichy.
Le souffle novateur du Front populaire, l’enthousiasme gonfla les effectifs de la section communiste de Levallois-Perret, elle comptait mille neuf cents soixante-quinze adhérents contrôlés au 1er novembre 1937, davantage qu’Argenteuil (Seine-et-Oise, Val-d’Oise), ville dirigée par le parti communiste, mille huit cents adhérents.
Arrivé en Espagne le 27 décembre 1937, Lucien Courson fut envoyé à une école des commissaires politiques, puis affecté au Service d’investigations militaire (SIM), enfin à la direction de la prison de Castelldefels. Cette responsabilité fut peut être au-dessus de ses capacités politiques. Il utilisa des méthodes musclées pour interroger des prisonniers membres du PSF, du Parti populaire français (PPF) réels ou supposés, des échos franchirent les Pyrénées, les répercussions furent désastreuses.
Lucien Courson fut arrêté et emprisonné, il écrivit le 19 septembre 1938, à André Marty : « Il fallait pour qu’ils avouent leurs liaisons et les raisons qui les poussait à venir en Espagne faire leur travail de désagrégation employer quelquefois la manière forte qui se produisit cinq ou six fois comme le dit le rapport remis à toi par le SIM. »
« Je fus arrêté et incarcéré à Las Palmas depuis douze jours. Je pense que j’ai accompli la tâche que l’on m’avait confiée en découvrant les ennemis qui se glissent dans notre armée populaire pour servir le fascisme ».
Des appréciations sur l’activité de Lucien Courson à Levallois-Perret, furent demandées à Jean Baillet, secrétaire général de la région Paris-Ouest. Il fit part « qu’il existait une épouvantable pagaïe [à Levallois-Perret] dont Courson était le responsable. Il était très lié avec le camarade Honel qui a toujours couvert toutes les fautes de Courson ».
Henriette Royer, femme de Lucien Marrane qui travaillait à l’état-major à Albacete, témoigna du fait que : « Courson est populaire parmi les chômeurs auprès desquels il fait un bon travail. Il est l’homme de confiance de Honel ». Elle releva qu’il n’y avait pas de comptabilité tenue des soirées cinématographiques qui étaient déficitaires : « Donc, suspicion et méfiance entourant Courson et rejaillissant sur Honel. Contrôle et appui de la section aux cellules très mal fait (faute collective du secrétariat de section). Assez faible politique. Paraît dévoué au Parti ».
Maurice Honel, député fit parvenir une note manuscrite en Espagne : « Lucien Courson est act.[actuellement] en prison en Espagne républicaine, ancien secrétaire de la section du PC à Levallois-Perret. Ouvrier métallurgiste – moi Honel – je peux garantir ses antécédents – a toujours été d’un dévouement total ».
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Une note d’information sans date du service des cadres dégageait toute les responsabilités de la situation sur Lucien Courson : « Ce camarade malgré les postes qu’il a occupé dans le PC et les cours qu’il a suivi à l’école des Commissaires Politiques, n’a pas réalisé un bon travail en Espagne. Il a été de tous points de vue, très faible dans son travail d’investigations militaires. Il porte aussi une part de responsabilité, peut être inconsciente, dans les scandales de la prison d’Albacete ». Il était stigmatisé par les deux phrases finales : « Il n’a jamais été au front. De plus, il boit. »
Dans un rapport de janvier 1939, André Marty expliqua : « Durant son séjour à la maison de détention de Castelldefels, il a été complice de la politique du directeur de la prison Lantez qui avait pour conséquence de dresser contre le gouvernement de la République et le Commissariat des BI l’ensemble des détenus de la prison ».
Lucien Courson fut rapatrié le 5 février 1939. André Marty adressa une lettre au comité central du parti communiste le 16 juin 1939, il écrivait : « Il paraîtrait de l’ex-camarade Courson de Clichy serait réintégré au sein du Parti ». Il rappelait que « la commission des cadres du parti communiste espagnol l’a suspendu jusqu’à nouvel ordre ».
La tonalité qui prévalait était de dégager toutes les responsabilités sur le seul Lucien Courson, Or, une note manuscrite qui n’était pas de son écriture, datée du 18 juin 1938, émanait du Commissaire de la maison de prévention de Castelldefels, il était indiqué : « Je te recommande ces quatre gars dont les noms suivent, éléments provocateurs, dans la maison de prévention étaient à la tête d’un soulèvement, tous de mauvais antécédents, à liquider ». Quatre noms suivaient : « Yves V, Fernand H, Paul T, José M. »
À son retour, Lucien Courson reprit son métier de mécanicien, il demeurait 7, rue Fernand- Pelloutier, à Clichy. Pendant la guerre, militant actif, il fut arrêté le 21 juillet 1940, pour propagande et distribution de tracts communistes, puis libéré. Le préfet de la Seine, déclencha une opération d’ensemble contre les militants communistes. Elle fut menée par les forces de police et de gendarmerie, le 24 septembre 1942. Plus de mille six cents militants communistes furent arrêtés, considéré comme suspect, il fut interné au camp de Pithiviers (Loiret), en application du décret-loi du 18 novembre 1939, prévoyant l’extension des mesures d’internement à l’encontre des « individus dangereux pour la défense nationale et pour la sécurité publique ».
En 1954, il travaillait aux établissements Callou 10 rue Klock à Clichy-la-Garenne. Cette entreprise fabriquait du caoutchouc industriel, Lucien Courson était magasinier, membre du bureau de la société sportive de l’entreprise, il en était le trésorier.
Il se remaria à Clichy-la-Garenne en mars 1961 avec Renée Pimart.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article107219, notice COURSON Lucien [ Fernand, Henri, Lucien] par Daniel Grason, Jean Maitron, version mise en ligne le 15 novembre 2018, dernière modification le 15 novembre 2018.

Par Daniel Grason, Jean Maitron

SOURCES : Arch. AVER (dossier MDN). – RGASPI 545.6.1043, BDIC mfm 880/2 bis ; RGASPI 495.270.7490 ; RGASPI 545.6.1121, BDIC mfm 880/11 ; RGASPI 545.2.290, BDIC mfm 880/48. – Arch. PPo, BA 1836, BA 2114, BA 2376, 77 W 1521-38491. – VIIe conférence régionale Paris-Ouest, octobre 1937. – Rémi Skoutelsky, L’espoir guidait leurs pas. Les volontaires français dans les Brigades internationales. 1936-1939, Grasset, 1998.— Etat civil.

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