CRESSON Victor, Firmin

Par Claude Pennetier

Né le 14 janvier 1884 à Gentelles (Somme), mort en déportation à Mauthausen le 15 février 1944 ; ouvrier ajusteur puis artisan blanchisseur ; maire communiste d’Issy-les-Moulineaux (Seine) de 1935 à 1940.

Fils d’ouvriers bonnetiers selon l’acte de naissance, élevé dans une famille nombreuse et pauvre, Victor Cresson obtint le certificat d’études à onze ans puis continua ses études pendant deux ans. Il entra en apprentissage à partir de 1898 comme ajusteur-outilleur. Syndicaliste, il participa à la grève de cheminots de 1910 à Longueau puis vint à Paris et travailla chez Renault, au dépôt d’autobus rue Championnet, chez Dalbouze à Suresnes, chez Citroën, chez Panhard, chez Salmson, chez Otto dans le 15e arr... Il manifesta contre la guerre pendant les années qui précèdent le premier conflit mondial. Son positionnement politique pendant cette période doit être présenté avec beaucoup de prudence car on le présente parfois comme un militant libertaire mais il se dit lui-même « membre du parti socialiste bien avant la guerre que j’avais laissé tomber avec 1914 ». Il s’agit sans doute d’un socialiste déçu par le parlementarisme et gagné aux thèses syndicalistes révolutionnaires.

Exempté de service militaire, il fut cependant pris dans le service armé au début de la Première Guerre mondiale et très vite mobilisé en usine où il milita comme syndicaliste. Il participa aux mouvements contre la guerre en 1916, 1917 et 1918 à Paris et fut délégué d’usine chez Salmson. Il revint au Parti socialiste en juillet 1920 à Longueau où il dit avoir créé un section et manifesté son accord « avec les 21 conditions ayant condamné depuis longtemps la IIe Internationale et son aboutissement 1914-1918 » (autobiographie de 1933, Moscou, RGASPI). Il rejoignit le Parti communiste après la congrès de Tours et milita à Longueau jusqu’en 1923. La crise économique l’avait en effet éloigné de Paris pendant trois ans.

Installé à Clamart, il appartint à la cellule d’usine Gaudro aviation à Issy-les-Moulineaux. La police se trompe donc lorsqu’elle situe son adhésion au Parti communiste en 1925, alors qu’il travaillait comme ouvrier ajusteur aux usines Salmson de Boulogne-Billancourt (Seine) (Arch. PPo. 101).

Son activité toucha les villes de Clamart et d’Issy où il fut trésorier puis secrétaire du sous-rayon. Il siégea au comité de rayon de Malakoff puis au comité régional Paris-Sud. Sa compagne, Marie Pasquier dite Cresson (sans mariage), blanchisseuse, était membre du Parti communiste depuis 1925.

L’autobiographie rédigée par Victor Cresson en 1933 donne des informations précieuses sur son comportement politique « Je n’ai jamais appartenu à aucune opposition organisée en fraction et ai toujours condamné le travail fractionnel, par contre j’ai toujours aussi combattu les méthodes d’étouffement de la discussion et la période à la suite du congrès de Lille ou dans le parti on poussa ces méthodes jusqu’à la théorie en arrivant à un tel point que les camarades n’osaient plus exprimer un point de vue. Méthodes qui poussaient au travail fractionnel. J’ai été en désaccord sur la politique d’application des thèses et résolutions du 6e congrès mondial se traduisant par la période sectaire et gauchiste de 29 à commencement 32 et sur la surestimation de la radicalisation et mauvaise incompréhension de la tactique du front unique. Je suis un de ceux qui ont osé en ces moments là dire ce qu’ils pensaient (à l’intérieur du parti) mais j’ai toujours été discipliné et pour la discipline de fer dans le PC. » Installé comme blanchisseur à son compte à Issy-les-Moulineaux, il prit la tête de la liste communiste lors des élections municipales du 5 mai 1935. Selon l’Humanité, sur 10 457 inscrits, 8 353 électeurs prirent part au vote, en donnant : 2 250 voix de moyenne à la liste communiste (26,9 % des votants, 21,5 % des inscrits), 1 440 à la liste socialiste SFIO de Jean Alessandri* et Eugène Demarne* (17,2 et 13,7), 2 650 à la liste du Parti d’unité prolétarienne du maire sortant Justin Oudin* (31,7 % et 25,3 %), radicaux 308 voix, « anciens combattants » 1 300. Au second tour (12 mai) socialistes et communistes formèrent une liste « Antifasciste » composée de vingt communistes, huit socialistes et deux radicaux tendance Pelletan. Ils conquirent la municipalité avec 3 853 voix contre 3 714 à la liste du PUP et 513 à la liste des « anciens combattants ».

L’assemblée municipale désigna Victor Cresson à la première magistrature municipale et cinq communistes (Fernand Maillet*, Pierre Vieillard*, Eugène Duffault*, Alfred Repiquet* et Albert Crudenaire*) aux fonctions d’adjoints. Cresson, qui ne désavoua pas le Pacte germano-soviétique, fut suspendu en octobre 1930, puis déchu de son mandat avec dix-neuf de ses conseillers le 9 février 1940.

Malgré la dissolution du Parti communiste, il poursuivit clandestinement son activité militante. La police le considérait comme « un des responsables de la distribution des tracts communistes édités depuis la guerre ». Cresson fut envoyé en séjour surveillé le 19 décembre 1939. Replié en zone libre, il s’évada et regagna son domicile en septembre 1940. Un rapport préfectoral signale que le 24 février 1940 les autorités se sont rendus à son domicile, 33 avenue de Verdun, pour lui signifier sa déchéance de son mandat ; « Madame Cresson » (en fait Madame Laurent) refusa de signer. Victor Cresson reprit son activité clandestine mais fut arrêté et condamné le 18 novembre 1940, par la 12e chambre correctionnelle, pour infraction au décret du 26 septembre 1939 portant dissolution des organisations communistes. Cresson connut à nouveau le séjour surveillé à partir du 11 avril 1941. Il était au camp de Châteaubriant (Loire-Inférieure) en mai 1941 et en 1942.
Victor Cresson a été déporté depuis Compiègne vers Mauthausen par le convoi du 25 octobre 1943. Il y est indiqué comme décédé le 12 février 1944. Mais il est officiellement mort le 15 février 1944 au JO1988p01442-01445.
Victor Cresson est homologué (GR 16 P 150436) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance dont les services justifient une pension militaire pour ses ayants droit.


Il s’était marié le 6 mars 1941 à Paris XIVe arr. Sa femme Nina Cresson née Laurent, employée de bureau, fut élue conseillère municipale d’Issy-les-Moulineaux en 1945 avec l’étiquette « indépendante ». Réélue en 1947, elle démissionna en novembre de la même année. Elle mourut le 30 mars 1962 à Issy-les-Moulineaux.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article107421, notice CRESSON Victor, Firmin par Claude Pennetier, version mise en ligne le 4 novembre 2010, dernière modification le 9 septembre 2022.

Par Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Dép. Seine, DM3, Versement 10451/76/1. — Arch. PPo. 101. — RGASPI, Moscou, dossier personnel 495 270 8479 — L’Humanité, 24 avril 1935, 6 mai et 13 mai 1935. — L’Aube nouvelle, 25 mai 1935. — État civil de Gentelles, pas de mention de décès. — Notes de Claudine Cardon-Hamet.

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