CROGNIER Marius, Isidore, Joseph

Par Alain Dalançon, Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 4 avril 1889 à Doignies (Nord), mort le 26 mai 1968 à Soulac-sur-Mer (Gironde) ; professeur à l’école primaire supérieure de Rodez (Aveyron) ; militant syndicaliste du SNEPS puis du SNCM ; militant socialiste, secrétaire de la Fédération SFIO de l’Aveyron, militant de la LDH, secrétaire de la Fédération des anciens combattants de l’Aveyron.

Ses parents, Victor Crognier et Hélène Destalminil, étaient domestiques au château d’Ansennes à Bouillancourt-en-Séry (Somme), où ils habitaient dans les communs, son père étant le jardinier. Ils eurent une fille, Berthe. Quand les Cottini-Rouget, nouveaux propriétaires du château, arrivèrent, la famille quitta la commune et alla s’installer à Doignies (Nord), entre Bapaume et Cambrai. C’est là que Marius Crognier naquit, avec un frère jumeau, René, qui mourut en bas-âge. Au décès de son père, Marius, sa sœur et sa mère revinrent dans la Somme à Longpré-les-Corps-Saints, dans la région d’Abbeville d’où la famille Destalminil était originaire.

Berthe devint institutrice et épousa en 1905 à Epehy (Somme) un instituteur, Paul Lejeune. Ils eurent deux fils, nés à Flesselles, dans la banlieue d’Amiens, Michel en 1907 et Max en février 1909, de sorte que Marius Crognier était l’oncle de Max Lejeune. On peut donc penser que le père et l’oncle de ce dernier, tous deux socialistes, eurent une influence sur les premiers choix politiques du futur militant et ministre.

Marius Crognier suivit la voie tracée par sa sœur aînée et devint instituteur. À sa sortie de l’école normale, il effectua son service militaire, de septembre 1909 à septembre 1911, dans le régiment de chasseurs à pied d’Amiens, qu’il termina au grade de caporal. Étant alors instituteur à Domart-les-Ponthieu, il se maria le 20 août 1913 à Graincourt-lès-Havrincourt (Pas-de-Calais), avec une jeune institutrice de 20 ans, Germaine, Séverine Béthune. Ils eurent quatre enfants, tous nés à Rodez entre 1915 et 1936.

C’est en effet à Rodez, que Marius Crognier débuta son enseignement à l’école primaire supérieure de garçons comme professeur adjoint de sciences, chargé plus spécialement des cours d’agriculture, à laquelle il s’intéressa toujours, en raison de ses racines paysannes. Sa carrière fut brusquement interrompue par la déclaration de guerre en août 1914. Rappelé sous les drapeaux, il fut grièvement blessé par une rafale de balles, du cou et de l’épaule gauche jusqu’à la fesse, dès le 17 septembre 1914 à Moronvilliers (Marne). Il reprit du service en 1915 dans l’infanterie comme sergent fourrier jusqu’en septembre 1917, fut versé dans les service auxiliaires, et ne fut démobilisé qu’en avril 1919, avec une pension d’invalidité de 25%, accordée en 1920, pour raideur articulaire considérable de l’épaule gauche.

Son beau-frère, Paul Lejeune, connut un sort identique ; gravement blessé à la jambe par un éclat d’obus qui le laissa boiteux, il fut versé dans les services auxiliaires et ne fut démobilisé qu’en janvier 1919.

Marius Crognier reprit son poste à l’EPS de Rodez où il accomplit toute sa carrière, toujours comme professeur adjoint de sciences chargé d’agriculture. Distingué officier d’académie en 1925, puis chevalier du Mérite agricole en 1928, il fut également récompensé en 1929 comme administrateur de la société de secours mutuels L’Aveyronnaise. Cet intérêt pour la mutualité ne fut pas étranger à son investissement dans le syndicalisme. Il fut en effet un ferme soutien de la nouvelle équipe d’Alcée Marseillan, qui s’empara en 1931 de la direction du Syndicat national des EPS, pour en faire un véritable syndicat de la FGE-CGT et qu’il soit aussi le ferment d’un rassemblement des sociétés de secours mutuels, qui déboucha sur la fondation en 1933 de la Société de secours mutuels des fonctionnaires de l’enseignement supérieur de France et des colonies.

L’autre versant complémentaire de son militantisme, résidait dans son engagement au Parti socialiste SFIO et à la Ligue des Droits de l’homme, engagement qui prit souvent le pas sur son militantisme syndical. Il ne se signalait pas que dans l’Aveyron mais également dans son département d’origine, la Somme, où il revenait régulièrement pendant les vacances. Ainsi, fin décembre 1930, à Longpré-les-Corps-Saints, fit-il une conférence très suivie sur la nécessité de faire barrage au fascisme italien qui risquait de s’étendre, fascisme fondé sur un nationalisme agressif, qui avait « violemment supprimé les libertés syndicales et politiques » et qui était « l’antithèse de la démocratie ». Il revint quelques années plus tard, en septembre 1937, alors qu’il était secrétaire de la Fédération socialiste de l’Aveyron, pour exposer la doctrine agricole de son parti.

Mais c’est surtout dans l’Aveyron qu’il se dépensa. Secrétaire du groupe socialiste de Rodez, il fut élu à la commission fédérale des conflits, lors du congrès du 22 mai 1932. Il se déclarait hostile à la participation socialiste à un ministère radical. Lors du congrès départemental du 23 octobre 1932, il critiqua le vote du député socialiste de Decazeville, Paul Ramadier, en faveur du budget, mais présenta par mesure de conciliation, une motion d’abstention sur le problème des rapports du groupe parlementaire et du Parti, au congrès du 9 avril 1933. À la réunion fédérale suivante, le 28 novembre 1933, il soutint la motion Vincent Auriol qui recueillit 83 voix pour, 256 contre et 84 abstentions.

En janvier 1933, la majorité de la Fédération suivit Ramadier au Parti socialiste de France. De 533 adhérents en 1933, elle fut réduite à 334. Marius Crognier fut, avec Maurice Crès, maire de Capdenac, et Max Briançon, industriel à Millau, l’animateur de la reconstruction de la SFIO dans le département, dont il fut élu secrétaire fédéral par le congrès de Millau, en janvier 1934, fonction qu’il conserva jusqu’en 1939, tout en étant secrétaire de la Ligue des Droits de l’homme. Il fut l’animateur de la reconstitution d’une presse socialiste départementale, Le Capdenacois socialiste qui parut d’octobre 1934 à août 1935, puis Le socialiste aveyronnais, journal de la Fédération, dont il fut le responsable du 9 janvier 1937 au 2 septembre 1939.

Il se présenta aux élections cantonales d’octobre 1934 à Capdenac, avant d’être élu conseiller municipal en 1935 dans la municipalité d’Edouard Bonnefous. En décembre 1935, la Ligue des Droits de l’homme convoqua vingt organisations à Rodez pour former le comité départemental du front populaire : trois orateurs prirent la parole : Crognier, Ramadier l’élu, et Boyer, responsable communiste. La déclaration commune se termina ainsi : « le Rassemblement populaire expression de la volonté populaire plane au-dessus des hommes et des partis et ne peut servir que l’intérêt général de la démocratie ». Ramadier fut réélu député, et entra dans le gouvernement de Léon Blum.

En 1936, la fédération socialiste doubla ses effectifs de 1933, atteignant 1 176 adhérents, 1 466 en 1937 avec 45 sections. Ferme soutien du gouvernement de Front populaire, Marius Crognier se présenta à nouveau aux cantonales à Rodez en octobre 1937, mais sans succès. Il accueillit Paul Faure à un meeting en décembre de la même année à Millau, le secrétaire général de la SFIO appelant à poursuivre la politique du Front populaire. Il se présenta, sans succès, sur la liste socialiste aux élections sénatoriales du 23 octobre 1938.

Marius Crognier ne se désintéressait cependant pas de la vie syndicale, puisqu’il était membre de la CA nationale du SNPES depuis le congrès de 1934, réélu en juin 1937, secrétaire de la section départementale et membre la commission administrative de l’Union départementale CGT en 1937. Sa notoriété le désignait pour présider souvent les séances des congrès du SNPES, notamment celui de Pâques 1938.

Lorsque Alcée Marseillan démissionna de son poste de secrétaire général à la rentrée 1938, ses camarades de la commission administrative lui proposèrent de prendre sa succession. Mais trop occupé par ses responsabilités politiques au moment où il se présentait aux sénatoriales, il refusa. Il obtint néanmoins au premier tour 8 voix contre 12 au candidat Gustave Pacquez qui fut élu au second tour. Après l’échec de la grève du 30 novembre 1938, Marius Crognier envoya à la direction du SNEPS une longue lettre, critiquant l’absence de mot d’ordre clair, permettant toutes les défections et aurait souhaité que la question de la grève ait été mieux étudiée par les syndicats et la FGE car « la grève générale est un instrument formidable à la disposition des travailleurs qui ne doit pas s’émousser ».

À la Libération, Marius Crognier était toujours professeur dans le même établissement devenu collège moderne, et restait secrétaire départemental de l’Aveyron du syndicat rebaptisé Syndicat national des collèges modernes, affilié à la FGE-CGT transformée en FEN en 1946.

Il prit sa retraite en 1949 après 39 ans de services civils et militaires et, à cette occasion, en tant que secrétaire général de la Fédération des anciens combattants de l’Aveyron, fut fait chevalier de la Légion d’honneur.

Retraité, il s’installa à Soulac-sur-Mer, où il était président de la Fédération départementale de la Chasse de la Gironde.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article107474, notice CROGNIER Marius, Isidore, Joseph par Alain Dalançon, Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 4 novembre 2010, dernière modification le 4 octobre 2022.

Par Alain Dalançon, Jean Maitron, Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Nat. F7/13024. — Arch. Dép. Somme, registre matricule ; Arch. Dép. Pas-de-Calais et Nord, état civil. — JO, 26 août 1925, 31 janvier 1929, 14 juillet 1934, 4 février 1935, 24 juillet 1949. — Arch. IRHSES :Bulletin de l’enseignement primaire et professionnel 1931-1940 et Bulletin du SNCM (1945-1948). — Le progrès de la Somme, 31 décembre 1930, 1er septembre 1937 ; Le Progrès de l’Aveyron, 1932-1934 ; Le Capdenaçais socialiste, 1934 ; Le Réveil Millavois, 1936 ; L’Aveyron, 1936 ; Le Populaire, 22 décembre 1937 ; L’Œuvre, 24 octobre 1938 ; Le Socialiste aveyronnais, 1937-1939. — « Ils avaient 20 ans en 1914 » https://somme-bellefontaine.fr/2021/12/19/un-jour-un-parcours-paul-lejeune-de-mons-boubert.— Aline Fontvieille-Vojtovic, Paul Ramadier (1868-1961) : élu local et homme d’État, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France au XIXe et XXe siècle » 1993. — Délibérations et décès de Soulac-sur-Mer. — Notes de Bruno Gasteuil.

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