CUMINAL Paul [CUMINAL Michel, Paul, Narcisse]

Par Justinien Raymond, Maurice Moissonnier, Roger Pierre

Né le 2 août 1863 à Sablons (Isère), mort le 3 août 1939 à Lyon à la suite d’une opération dans une clinique ; professeur puis directeur d’école primaire supérieure ; homme de lettres, militant socialiste dans le Rhône, la Drôme puis l’Ardèche (1929-1937) ; coopérateur, administrateur de sociétés coopératives.

Paul Cuminal était le dixième enfant d’une famille de mariniers ; son père, Jean-Michel Cuminal, avait été « maître d’équipage » (entrepreneur de hâlage sur le Rhône), et était propriétaire à 48 ans, lors de sa naissance ; sa mère, Dorothée Cuminal était ménagère. Il fut élève à l’École normale d’instituteurs de Grenoble, puis à l’École normale supérieure de Saint-Cloud (promotion de 1889). Professeur de lettres aux Écoles normales d’Agen, d’Ajaccio et d’Orléans (1892-1902), il fut nommé en 1902, directeur de l’école primaire supérieure de la rue Condé à Lyon. Le nom de Cuminal figure sur les premières listes de protestation réclamant la révision du procès de Dreyfus et, comme beaucoup d’intellectuels de cette époque, c’est par le dreyfusisme qu’il vint au socialisme.

Coopérateur, Paul Cuminal fonda puis dirigea « l’Avenir régional » qui possédait à Lyon et dans la banlieue soixante-quatre établissements en 1920.

En 1917 et en 1918, au Congrès coopératif régional, il proposa un plan de propagande et d’éducation coopératives visant à introduire l’étude de la Coopération dans les établissements scolaires et à créer une chaire de Coopération au Collège de France. Soutenu par l’unanimité des militants de la Fédération régionale, ce plan fut adopté par les congrès nationaux de 1920 et 1922. Ce fut le début de l’enseignement coopératif en France. Cuminal, élu en 1920 au Conseil central de la coopération française FNCC et MDG puis en 1922 BCF, il y siégea jusqu’en 1935.

Socialiste, Paul Cuminal mena une très active propagande pacifiste. Il collabora à l’Avenir socialiste, hebdomadaire lyonnais de la Fédération socialiste et fut, en mai 1914, l’un des organisateurs du Congrès international de la Paix. Il s’intéressa en outre aux problèmes d’urbanisme et participa aux travaux de la commission du plan d’extension de la ville de Lyon. Pendant la guerre, ses options pacifistes en firent un minoritaire qui, de concert avec Calzan*, entreprit la lutte contre la direction nationale du Parti socialiste : le 16 et le 29 mars 1916, il figura, avec Calzan comme signataire de deux circulaires pacifistes, en juin il participa à la préparation d’une réunion avec Bourderon* qui fut interdite par la police, le 30 juillet 1916, il présenta devant une assemblée fédérale du Rhône un rapport favorable aux décisions prises au congrès de Kienthal. Il entra en pourparlers avec les anarcho-syndicalistes qui dirigeaient l’Union départementale des syndicats du Rhône et entreprit, en décembre 1916, de regrouper tous les minoritaires des organisations ouvrières politiques ou syndicales. Le 27 janvier 1918, dans son rapport présenté au congrès de la Fédération départementale socialiste, il attaqua avec vigueur le préfet du Rhône qu’il traita d’« incapable » et d’« irresponsable ». Marius Moutet par ailleurs, pris à partie pour ses positions majoritaires défendit en vain le préfet Rault et la commission exécutive du Rhône épousa le point de vue de Cuminal en condamnant ce fonctionnaire « incapable de la moindre organisation ». Il semble que cette algarade contribua à hâter la décision des pouvoirs publics qui supportaient mal l’agitation pacifiste de Calzan et Cuminal. L’un et l’autre furent éloignés de Lyon par décision administrative. Cuminal, pour sa part fut déplacé à Vichy. Leur défense fut assez mollement assurée par une Fédération socialiste divisée (délégation auprès de Clemenceau) et par un mouvement syndical plein de réticences à s’engager en faveur de militants non ouvriers. Il est vrai que Cuminal avait marqué sa méfiance à l’endroit des Zimmerwaldiens de gauche. Il n’en militait pas moins au deuxième comité pour la reprise des relations internationales (fondé à Lyon en février 1918) et qui se transforma en mai 1919 en Comité pour la Troisième Internationale. Après l’armistice, de retour à Lyon, il déploya une intense activité journalistique dans le journal Le Prolétaire lyonnais qui rassemblait les différents courants du mouvement ouvrier local.

Candidat aux élections législatives de 1919, sur la liste socialiste qui eut trois élus dans le Rhône, il échoua avec 38 527 voix pour une moyenne de liste de 38 525 voix. Il fut par contre, la même année, élu au conseil municipal de Lyon. Lors de la crise qui opposa en mars 1920 le groupe socialiste à Édouard Herriot à propos de l’augmentation des tarifs de transport urbain, il assura, après la démission toute provisoire d’Herriot, l’intérim du maire de Lyon. Favorable à l’adhésion à la Troisième Internationale, il en défendit l’idée dans la 3e section du Parti socialiste où il se trouvait en minorité. Son option devait assez peu à la connaissance du marxisme. Il se situait dans les eaux d’un socialisme humaniste, comme le prouve cet ouvrage qu’il rédigea lors de son exil vichyssois de 1918 et qui, intitulé Clartés philosophiques se référait à Pascal et Kant, à la Beauté et à la Vérité en omettant de citer le nom de Marx... Devenu membre du Parti communiste, il éprouva des difficultés à accepter la discipline qui était exigée des élus. Il avait reçu la charge de président de la Fédération départementale des élus municipaux et cantonaux communistes du Rhône en mars 1921, mais dès avril, sa tolérance vis-à-vis des prises de position de la 10e section de « l’Avenir régional », coopérative qu’il dirigeait, fut mise en cause. Cette section, qui rayonnait sur le quartier lyonnais de Saint-Just avait rendu public un factum très hostile au PC et, le 16 avril 1921, Capelle* dirigeant communiste local, mettait en cause dans le Cri du Peuple du Sud-Est « le doux bolchevik Cuminal ». Sur ces entrefaites, une demande de contrôle fut déposée contre lui au moment où il était frappé d’invalidation comme conseiller municipal du VIIe arr. de Lyon. Ses camarades lui reprochaient d’avoir, en dépit des consignes de boycott du Parti, assisté le 13 mars 1921, à une réception de Millerand de passage à Lyon et aussi, d’avoir donné, de son propre chef, des conférences dans un foyer contrôlé par une association de jeunes chrétiens. En raison de cette demande de contrôle, Cuminal ne fut pas représenté à l’élection partielle du VIIe arr. et, à l’issue d’une très violente campagne, le candidat socialiste enleva le siège distançant Merlin*, candidat communiste, au deuxième tour par 4 066 voix contre 1 647. Le 25 juin 1921, un article de F. Metra*, paru dans le Cri du Peuple du Sud-Est, rendit publique la décision d’exclusion prise par le comité directeur du Rhône, sanction contre « une politique trop falote jusqu’alors, suivie tant au conseil municipal que dans son activité économique ». La commission des conflits avait d’ailleurs proposé cette exclusion par 7 voix contre 2 ; le comité directeur l’avait ratifiée à l’unanimité. Cette décision ne fut pas sans provoquer des remous dans le Parti, en particulier dans la 3e et la 7e section qui protestèrent et lors du congrès fédéral du 28 août, « l’affaire Cuminal » occupa une partie des débats... Cuminal rejoignit le Parti socialiste.

Veuf, retraité, Paul Cuminal se remaria à Antoinette Leschi, inspectrice de l’enseignement primaire, d’origine corse. En 1929, il la suivit à Privas (Ardèche) où elle était nommée directrice de l’École normale d’institutrices. Dans le petit chef-lieu, où il était précédé par sa réputation de lettré, de militant laïque et d’homme politique, Paul Cuminal devint d’emblée l’une des personnalités les plus représentatives. Il garda la présidence de l’Union générale des Rhodaniens, sa qualité de membre du comité central des coopératives, mais il anima aussi diverses sociétés départementales et locales, devint vice-président de la Fédération ardéchoise de la Ligue des droits de l’Homme, président du Sou des amis de l’école laïque, de l’Union des délégués cantonaux ; il fonda « Les Amis de Privas » qui rassemblèrent autour d’activités culturelles un public d’intellectuels et de petits fonctionnaires.

Il publia régulièrement, pendant plusieurs années, dans L’Ardèche socialiste, puis dans Le Réveil populaire, des « Notes vivaroises d’urbanisme ». Il accepta en 1932 de représenter la SFIO aux élections législatives, dans la 1re circonscription de Tournon, où, sans espoir d’être élu, il se considérait en « mission socialiste » ; malgré une campagne très digne et courtoise qu’il s’efforça de porter à un niveau politique élevé, il ne retrouva pas toutes les voix qui s’étaient portées en 1928 sur Georges Champanhet* et ne recueillit que 1 253 suffrages, sur 14 540 votants.

En octobre 1937, il vint s’établir à Valence (Drôme) où sa femme avait été nommée directrice de l’École normale d’institutrices. Membre de la section socialiste, Paul Cuminal poursuivit sa collaboration aux journaux régionaux, en particulier La Volonté socialiste et Le Petit valentinois hebdomadaire du Front populaire, auxquels il donna des chroniques généralement consacrées à des questions d’urbanisme.
Il décéda dans une clinique de Lyon à la suite d’une opération.

Antoinette Cuminal, sa veuve, fut en 1940 révoquée par le gouvernement de Vichy. Membre du conseil municipal de Valence à la Libération, elle y fut réélue par la suite sur la liste SFIO et présida la Fédération des oeuvres laïques de la Drôme avant de se retirer à Marseille où elle mourut. Selon Darves-Bornoz, les trois enfants de Cuminal étaient, à la fin de la Première Guerre mondiale, membres des étudiants collectivistes. L’un d’eux fut secrétaire du groupe lyonnais avant de devenir un coopérateur marquant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article107609, notice CUMINAL Paul [CUMINAL Michel, Paul, Narcisse] par Justinien Raymond, Maurice Moissonnier, Roger Pierre, version mise en ligne le 4 novembre 2010, dernière modification le 4 août 2022.

Par Justinien Raymond, Maurice Moissonnier, Roger Pierre

ŒUVRE : s’échelonne de 1898 à sa mort : articles, brochures, ouvrages. Citons ici : Mes notes vivaroises d’urbanisme, Privas, 1932, 94 p. et Mes notes valentenoises d’urbanisme, Valence, 1939.

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 4 M 4/534. — Arch. Dép. Ardèche, 10 M 172. — Fonds d’archives J. Gaumont-G. Prache. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes (Rhône), op. cit., pp. 508-510. — L’Ardèche socialiste, 1928-1934. — Le Réveil Populaire, 1936-1937. — Le Cri du Peuple du Sud-Est, 1921. — Le Progrès, 1921. — Lyon Républicain, 1921. — La Volonté socialiste, 1938-1939. — Le Petit Valentinois, 5 août 1939. — Notes d’Alain Dalançon et de Jacques Girault.

ICONOGRAPHIE : Hubert-Rouger, op. cit., p. 508. — Mes notes valentinoises..., op. cit. hors texte.

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