LEFÈVRE Roger, Ferdinand

Par Gilles Morin, Justinien Raymond

Né le 17 septembre 1907 à Sotteville-sur-Mer (Seine-Inférieure), mort le 11 septembre 1981 à Nice (Alpes-Maritimes) ; professeur agrégé de philosophie ; adjoint au maire (1935-1940) et conseiller général (1937-1940) de Rochefort ; député socialiste de la Charente-Inférieure (1936-1942) ; conseiller municipal de Grenoble en 1959.

Lefèvre Roger
Lefèvre Roger
Député

Son père, Alphonse, Auguste Lefèvre était professeur à l’École normale d’instituteurs de Caen (Calvados), et sa mère, Clémentine Freger, sans profession, était la fille d’un directeur d’école. Après de solides études secondaires, Roger Lefèvre entra à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm (Sciences, selon le bulletin de l’Amicale des anciens élèves, indiqué Lefebvre Roger) en 1928 et fut reçu à l’agrégation de philosophie en 1932 (3e).

Nommé d’abord professeur au lycée de Douai (Nord) à la rentrée 1932, il fut muté au lycée Pierre Loti de Rochefort (Charente-Inférieure, Charente-Maritime) l’année suivante. Militant de la Ligue des droits de l’homme et du citoyen et du Parti socialiste SFIO, il s’imposa rapidement, devint conseiller d’arrondissement et entra au conseil municipal, lors d’une élection partielle en 1934, puis fut élu premier adjoint au maire de la ville aux élections municipales ordinaires de mai 1935, dans une municipalité à majorité socialiste dirigée par Théodore Landré. Fondateur du Comité antifasciste de Rochefort en 1934, il prit une part active aux manifestations unitaires antifascistes. Il présidait la section de Rochefort de la Ligue internationale des combattants de la paix en juillet 1935, qui comptait une cinquantaine d’adhérents. Au nom des partenaires du Rassemblement populaire il prononça le serment du 14 juillet 1935 devant le monument d’Edouard Grimaux puis sur la place Colbert de Rochefort.

Aux élections législatives des 26 avril-3 mai 1936, Roger Lefèvre gagna le siège du député sortant de Rochefort, Edouard Pouzet, contre Noël Mariani, candidat radical hostile au Front populaire. Sur 17 083 inscrits, il recueillit au 1e tour 4 073 voix contre 3 423 à Mariani, 1 982 à Roger Hymond, transfuge du Parti socialiste, 1 774 à Riveau, socialiste indépendant et 1 383 à Maurice Brillouet, communiste. Au scrutin de ballottage, Roger Lefèvre battit Mariani par 7 092 voix contre 5 952, sur 13 220 votants. En 1937, il fut élu conseiller général du canton de Rochefort-nord.

Roger Lefèvre fut un fervent et actif défenseur de la politique du gouvernement de Front populaire et travailla localement en harmonie avec les responsables de la CGT, Jean Valleteau (secrétaire de l’UD), Marcel Fouchet (secrétaire de l’UL et de la Bourse du travail). Il intervint à plusieurs reprises auprès du gouvernement pour l’augmentation des traitements des fonctionnaires et auprès des employeurs pour le respect des 40 heures hebdomadaires et des congés payés annuels. Il favorisa la mise en application de la politique des loisirs populaires définie par Léo Lagrange qu’il reçut en décembre 1937.

Il s’impliqua beaucoup dans la recherche de compensations de la part de l’Etat après la fermeture de l’arsenal de Rochefort en 1927. Il joua un rôle important pour obtenir le maintien de l’industrie débutante de la construction aéronautique militaire à Rochefort (usine Lioré puis SNCASO) et le développement de l’aviation populaire.

Dans un groupe parlementaire dont les grands ténors siégeaient au gouvernement de Front populaire, Roger Lefèvre, nommé membre de la commission de l’aéronautique, puis de la commission de l’enseignement et des beaux-arts, apparut comme un espoir. Il en fut souvent le porte-parole, notamment sur les problèmes militaires et diplomatiques. Il fut chargé de mission par Léon Blum aux Etats-Unis d’Amérique en mai 1937.

En 1938, il effectua un voyage à Barcelone pour apporter des vivres et médicaments aux républicains espagnols dans un camion affrété à Rochefort, et prononça un discours à la radio barcelonaise qui fut reproduit dans La France de Bordeaux.

Le 22 juin 1939, la Chambre des députés adopta sa proposition de loi dénommant Charente-Maritime son département de Charente-Inférieure, changement de nom qui ne fut acquis que par la loi du 4 septembre 1941.

La guerre allait changer le cours de la vie de Roger Lefèvre. Capitaine au 122e régiment d’Infanterie, il participa en juin 1940 à la défense du canal de Charleroi en Belgique lors de l’offensive allemande, puis de Dunkerque, passa en Angleterre, revint combattre en Normandie, et fut fait prisonnier dans le Calvados le 18 juin. Il s’évada rapidement et gagna Vichy où le 10 juillet 1940, à l’Assemblée nationale, il vota l’octroi des pleins pouvoirs constitutionnels au Maréchal Pétain. Il le fit, a-t-il écrit, « ignorant tout des événements de Bordeaux » et impressionné par le « vibrant appel fait en faveur du Maréchal par le Président E. Herriot » (lettre du 27 septembre 1944). Il n’apporta, par la suite, aucune collaboration au gouvernement de Vichy qui le chassa du conseil municipal et refusa de le réintégrer dans l’enseignement. Il prépara alors une thèse sur Descartes. Mais il collabora à la France Socialiste de René Château et participa au banquet de cette dernière avec la plupart des collaborationnistes de gauche le 16 avril 1942. Il signa le manifeste de la Ligue de la Pensée française, dirigée par René Château, ancien député élu du Front populaire de son département, et fut secrétaire administratif de cette dernière à partir de janvier 1943.

Il ne répondit pas à l’appel du 9 juillet 1943 pour le STO et gagna le Midi où, en 1944, il prit part aux combats de la Libération dans la région d’Aix-Marseille, au cours desquels il fut blessé à la jambe. Du fait de son grade de capitaine, il prit le commandement du maquis de Vauvenargues, au pied de la Montagne Sainte-Victoire et bénéficia d’une attestation de Max Juvénal qui confirmait ses dires.

« Je crois avoir fait mon devoir à Dunkerque en 1940, en Provence en 1944 (...) ; je n’ai jamais accepté de Vichy aucune fonction quelle qu’elle soit », écrivit-il le 27 septembre 1944, pour demander son maintien dans le Parti socialiste SFIO. Le congrès de rénovation de novembre 1944, sanctionnant son vote du 10 juillet, l’exclut du parti. Le Jury d’honneur, présidé par René Cassin, le releva le 6 juillet 1945 de l’inéligibilité qui le frappait après son vote accordant les pouvoirs constituants au gouvernement nommé par le maréchal Pétain : « Considérant que l’intéressé a effectivement participé à cette lutte, que notamment, il a pris part aux opérations des maquis de Provence, qu’il s’est courageusement conduit lors de la Libération d’Aix-en-Provence au cours de laquelle il a été blessé » (J.O. du 20 juillet 1945). Le Comité départemental de Libération de la Charente-Maritime et le préfet avaient émis des avis défavorables à cette réhabilitation. Ce dernier précisait qu’après la Libération, Lefèvre qui n’avait pas remis les pieds dans sa circonscription depuis quatre ans, avait tenté de reprendre contact avec ses concitoyens et de s’expliquer mais que le CLL lui avait intimé l’ordre de quitter Rochefort « en raison de son attitude pro-allemande depuis l’armistice ».

Tout en évoquant dans Raz de marée la bataille de Dunkerque, Roger Lefèvre reprit des recherches philosophiques et son enseignement comme professeur à l’annexe de Saint-Cloud du lycée Hoche de Versailles à partir de février 1945, puis au lycée Claude Bernard à Paris à la rentrée d’octobre 1945. Titulaire d’un doctorat qu’il avait préparé durant l’Occupation, il enseigna ensuite dans les facultés des Lettres d’Alger, de Montpellier, de Grenoble et, à compter du 1959, à Lille. Sa thèse et ses études furent consacrées à Descartes, sous les titres, Vocation, Humanisme, Criticisme, Métaphysique, La Bataille du cogito et Structure du cartésianisme. À sa mort, il achevait une étude synthétique sur Descartes.

Le goût de la politique ne l’avait pas quitté. Il fut élu conseiller municipal de Grenoble en 1959 et fut candidat FGDS en 1967, puis radical en 1973, dans les Hauts-de-Seine.

Roger Lefèvre se maria le 1er mars 1930 à Vallauris (Alpes-Maritimes) avec Ladislawa Wygladalska dont il divorça en décembre 1941. Le couple eut des enfants dont une fille.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article107796, notice LEFÈVRE Roger, Ferdinand par Gilles Morin, Justinien Raymond, version mise en ligne le 14 novembre 2010, dernière modification le 11 septembre 2022.

Par Gilles Morin, Justinien Raymond

Lefèvre Roger
Lefèvre Roger
Député

ŒUVRE : Parmi les nombreux ouvrages, retenons :
Raz de Marée, visions de la guerre, Paris, Baudinière, 1946 ; L’humanisme de Descartes, Paris, PUF, 1957 ; Le criticisme de Descartes, Paris, PUF, 1958 ; La vocation de Descartes, Paris, PUF, 1959 ; La bataille du Cogito, Paris, PUF, 1960 ; La métaphysique de Descartes, Paris, PUF, 1966 ; Condillac ou la joie de vivre, Paris, Seghers, 1966 ; Descartes, textes choisis, Paris, Bordas, 1967

SOURCES : Arch. Nat., CAC, 20010216/114/3036 ; fonds du Jury d’honneur ; AJ/16/9003, Z5/129.5849 ; Z5/270, dos 8494, p. 248. — Arch. Dép. Charente-Inférieure, 4 M 6, 2 M 4/34. — Arch. de l’OURS : dossier des parlementaires exclus. — J. Jolly, Dictionnaire des parlementaires, T. VI. — G. Lachapelle, Les élections législatives de 1936. — Le Monde, 8 et 17 novembre 1981. — La France Socialiste, 17 avril 1942. — PS-SFIO, Congrès nationaux, rapports , Paris, librairie populaire, 1934,1938. Guillaume Laurence, Les militants de la SFIO en Gironde, Mémoire, sous la direct. de B. Lachaise, Université de Bordeaux III, 1996-1997. — Archives de l’OURS, dossiers Gironde ; 2/APO/2, fonds de la FGDS. — Alain Dalançon, "Le Front populaire à Rochefort (1934-1936), Roccafortis, septembre 2016. — Alain Dalançon, "La fin du Front populaire à Rochefort (1936-1938), Roccafortis, septembre 2017. — Notes de Jacques Girault et Alain Dalançon.

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