Par Paul Boulland, Nadia Ténine-Michel
Né le 22 mars 1903 à Boissy-la-Rivière (Seine-et-Oise), mort le 29 mai 2000 ; militant communiste de Saclas (Seine-et-Oise, Essonne) ; maire de Saclas (1945-1988), conseiller général de Seine-et-Oise (1945-1958 et 1964-1967) puis de l’Essonne (1967-1985), conseiller de la République de Seine-et-Oise (1946-1948) ; résistant.
Fils naturel de Jeanne, Élisa Léger, couturière, Serge Lefranc fut légitimé par le mariage de sa mère avec Jean-Baptiste Lefranc, en mars 1904. Il fut élevé dans un milieu très modeste. Son père était ouvrier carrier et sa mère travailla comme trieuse de chiffons dans une usine. Orphelin à sept ans, il fut reçu premier du canton au certificat d’études primaires, à onze ans. Il interrompit toutefois ses études pour être placé dans une ferme. Il fut ouvrier meunier puis entra en apprentissage chez un marchand de volailles comme employé de commerce. Très tôt, il avait commencé son éducation politique au contact de Auguste Garnery, ancien secrétaire du syndicat des bijoutiers et de Victor Griffuelhes qui, malade, s’était retiré chez Garnery. Membre des Jeunesses socialistes à partir de 1917, Serge Lefranc rejoignit le Parti communiste à l’issue du congrès de Tours, en novembre 1920. Il effectua son service militaire dans l’armée de l’Air où il devint pilote, avec le grade de sergent.
Dans les années 1920, Serge Lefranc s’établit comme marchand de volailles, y réussit et acquit ainsi une certaine notoriété dans la région d’Étampes-Méreville. Sur le plan politique, il se révéla un propagandiste infatigable et devint secrétaire du sous-rayon communiste de Méreville. En 1929, il fut élu au conseil municipal de la commune de Saclas et se mit assez en vue pour être choisi, en 1934, comme candidat du Parti communiste aux élections pour le conseil général dans le canton de Méréville. Il fut responsable du mouvement Amsterdam-Pleyel et de Paix et Liberté dans la région d’Étampes.
Mobilisé comme pilote en 1939, il fut blessé et regagna Saclas en septembre 1940 où il avait été déchu de son mandat municipal. Il reprit contact avec l’organisation communiste et travailla aussitôt à sa reconstitution dans la région d’Étampes, à travers la formation de « groupes de trois ». Passé dans la clandestinité en septembre 1942, il participa à l’organisation du Front national dont il fut responsable régional, puis inter-régional en 1943. Début 1944, il succéda à Arthur Airaud, arrêté, comme responsable FN de la police parisienne et devint également responsable de la gendarmerie pour l’ensemble de la région parisienne. « C’est lui qui, en liaison avec Rol-Tanguy et l’état-major de la Résistance, lança le 13 août 1944, au 18 de la rue Vulpian, dans le XIIIe arr., le mot d’ordre de grève générale de la police parisienne. »(La Vie ouvrière, décembre 1982).
À partir de 1944, il devint président du Comité de Libération de Seine-et-Oise, mis en place dans la clandestinité. Tout en étant brièvement secrétaire fédéral à la propagande, il entama à la Libération une carrière d’élu local. Il conquit la mairie de Saclas en mai 1945 et conserva son siège jusqu’en 1988, demeurant conseiller municipal jusqu’en 1995. En 1945, il fut également élu conseiller général dans le canton de Méreville. Réélu jusqu’en 1958, il fut vice-président du conseil général de Seine-et-Oise. Il retrouva son siège en 1964, qu’il conserva comme conseiller général de l’Essonne, de 1967 à 1985.
En avril 1945, Serge Lefranc écrivit à Robert Ballanger en prévision des élections à la première Assemblée constituante. Insistant sur sa notoriété personnelle et sur sa position de président du CDL, il jugeait inopportun de figurer en 9e position de la liste communiste et envisageait donc de ne pas être candidat. Il fut finalement candidat en 4e position, et à nouveau, en 5e position, lors des élections à la deuxième Assemblée constituante en juin 1946. Il fut élu au Conseil de la République le 8 décembre 1946. Il y remplit la fonction de questeur et siégea aux commissions du ravitaillement et du suffrage universel, du règlement et des pétitions. Son activité parlementaire fut importante, en particulier sur les questions touchant au monde rural et au commerce du bétail. Cependant, en mai 1947, ses interventions à la Chambre haute dans le débat sur le pain et le ravitaillement lui attirèrent les critiques d’André Marty qui le soupçonnait plus généralement de manifester un attachement excessif à sa position d’élu. Lors de la conférence fédérale de Seine-et-Oise de juin 1947, Marty encouragea ainsi son remplacement dans le travail parmi les paysans. En novembre 1948, Serge Lefranc se vit signifier par Léon Mauvais qu’il ne serait pas représenté au Conseil de la République. Il écrivit à Léon Mauvais pour lui faire savoir que cette décision l’avait « profondément affecté dans son honneur de militant ». Il figura sur la liste du Parti communiste aux élections législatives de 1951 (7e position) et 1956 (6e position) et, en 1958, malgré sa défaite aux cantonales, il fut à nouveau ratifié par le PCF comme candidat au Conseil de la République.
Titulaire de la Croix de guerre avec palme et de la médaille de la Résistance avec rosette, il fut élevé au grade de commandeur de la Légion d’honneur en 1994.
À l’occasion de son décès, l’Humanité lui rendit hommage comme l’un des derniers survivants du Congrès de Tours. Son nom fut donné au groupe scolaire de Saclas.
Son fils, Gérard Lefranc, fut maire communiste d’Étampes de 1977 à 1995, conseiller général de l’Essonne de 1976 à 1982 et conseiller régional d’Île-de-France de 1990 à 2004.
Par Paul Boulland, Nadia Ténine-Michel
SOURCES : Arch. Dép. Seine-et-Oise, M, Élections au conseil général, non classées. — La Vie ouvrière, décembre 1982 : (propos recueillis par Serge Zeyons). — Site du Sénat. — Le Parisien, mai 2000. — État civil.