DABBAB Ben MAHMOUD Taieb dit RAOUF

Par Claude Pennetier

Né le 15 décembre 1905 à Tunis (Tunisie), mort le 10 décembre 1979 à Tunis ; militant syndicaliste et communiste tunisien.

Né de père tunisien et de mère algérienne, Taieb Dabbab adhéra en 1923
au groupe communiste de Tunis. Il fut administrateur-rédacteur de l’hebdomadaire communiste et syndicaliste de L’Avenir Social puis du Combat Social en 1925.
Ses rencontres avec les Destouriens, son soutien aux syndicalistes et son attaque contre les dérives du Protectorat, valurent à Taieb Dabbab d’être condamné le 7 Avril 1925 à 8 jours de prison et 100f d’amende. Première d’une longue série de condamnations. Le 6 juin 1925, pendant la guerre du Rif (Maroc), il fut condamné à 200 Fr d’amende et maintenu en prison pour avoir fait apparaitre illégalement L’Avenir Social.
Il fut déféré encore une fois le 18 juillet 1925 pour provocation à la désobéissance et publication de tracts antimilitaristes. La justice le condamna Le 21 juillet à 13 mois de prison et 3.000 FR d’amende.
Il fit appel de ce jugement et comparut le 28 octobre 1925 devant la Cour d’appel d’Alger : la 1 ère condamnation fut confirmée (13 mois de prison) mais l’amende réduite à 1.000 Fr. Il fut transféré à la Rabta (Tunis).
Après sa libération le 5 juillet 1926 de la prison, et suite à une nouvelle série d’interpellations, il se rendit à Paris pour assister au 1er Congrès du Secours Rouge International (SRI), délégué par son parti. Il resta en France et il devint permanent communiste, , membre de la Commission Coloniale Centrale et interprète au siège du Parti français. Il militait également à l’Étoile Nord-Africaine (ENA).
Taieb Dabbab louait une chambre chez un officier français le Capitaine André Molé. Durant son séjour, il se faisait passer pour un politicien de droite. Le propriétaire qui avait appris un jour la réalité des choses, lui a dit : « cher monsieur, je sais ce que vous pensez. Pour moi vous êtes un parfait gentlemen… Ne craignez rien de mon côté »

Semble-t-il expulsé de France, il revint en Tunisie en 1929 et travailla clerc chez l’avocat, maître Jacques Scemama.
Il rejoignit par la suite le Syndicat Autonome Tunisien (CGTU) et reconstitua en1930 la Section Tunisienne du Secours Rouge International (SRI) avec Ali Ben Amor Jrad.
En 1932, il était membre de la direction clandestine du Parti Communiste de Tunisie avec Ali Jrad, Hassen Saadaoui, Eugène Bessis, George Scemama.
En 1933-1934, il collabora à l’organe de la CGTU Revendiquons. Suite à la déportation des communistes et des destouriens en 1934 dans le sud tunisien, il assuma de nouveau son rôle de militant de base et d « activiste de l’ombre »
Il fut déporté vers les territoires militaires du sud, Borj el-Bœuf (1934-1935) :
Le 3 septembre 1934, six responsables communistes furent arrêtés. Parmi eux Taieb Dabbab, trois mois seulement après son mariage en juin 1934 avec Nejm es-Sahar bent Taieb ben Mustapha, la cousine de Chedly Khairallah (de la Voix du Tunisien (le couple eut cinq enfants). Taieb Dabbab entama une grève de la faim.
Parmi les internés communistes, il y avait Hassen Saadaoui, Lucien Valensi et Léon Zana et pour les destouriens : Habib Bourguiba, Mahmoud Materi, Youssef Rouissi.

En conflit avec le comité régional communiste depuis le début de l’année 1933, il fut exclu "définitivement" en novembre 1933. Dès mars 1933, André Ferrat écrivait : « Dabbab dit Raouf vient d’être exclu par la région tunisienne du Parti. Comme il était resté en liaison avec l’ancienne section coloniale, qu’il était en relation avec la nouvelle section coloniale jusqu’à l’envoi d’un instructeur en Tunisie, soulevant une série de difficultés pour la reconstruction et le développement du Parti et qu’il est possible qu’il essaye de garder encore des liaisons avec des membres du Parti ou sympathisants, il serait intéressant d’examiner cette affaire. » Une note de Durand, de la commission coloniale, à la commission des cadres permet de connaître les griefs fantasmés : « Nous avons à peu près les preuves que Raouf est un flic (...) Raouf est un élément indigène qui depuis longtemps (du temps de l’ancienne section) était à la direction régionale et en fait avait tout entre les mains. Encore maintenant, il était membre de la Direction régionale. » Un autre rapport date du 3 mars 1934, signé Dupont [sans doute Marcel Dupont, de son vrai nom Jacques Rivière détaille les phases de la rupture : Dabbab continuait à fréquenter un ami d’enfance dénoncé comme provocateur ; il avait égaré des carnets de timbres du Secours ouvrier international ; « il fit preuve d’opportunisme » dans les mouvements des dockers de Tunis, des minotiers et du meeting en faveur des accusés de Leipzig [donc vers octobre 1933] ; « le bureau du parti pense que Dabbab ayant de la contrainte par corps à faire (10 000 F d’amende), la police faisait pression sur lui pour qu’il entrave le développement du parti et des syndicats unitaires et d’autre part pour qu’il donne des renseignements sur les militants les plus actifs » [notons que la direction « pense » mais qu’elle n’a pas de « preuves » comme il était écrit un an plus tôt] ; « il travaille chez un avocat et par son travail, il voit souvent les chefs destouriens qui sont avocats ou interprètes auprès des tribunaux. Il est fiancé avec la nièce de Chedly Khairallah (de La Voix du Tunisien)] [en fait une cousine. Il rencontre assez souvent Ali, ancien responsable du travail colonial à la CGTU quand ce dernier vient à Tunis » [il s’agit de Menouer*, également victime d’une rumeur faisant de lui un « indicateur »] ; « Dabbab a pris de nombreuses fois la parole en public au nom du parti [et] ne fut jamais inquiété ». Un communiqué [sans date mais vers fin 1934] associait son nom à Addima Habid, ouvrier fondeur, suspendu en avril 1934 et exclu le 21 juillet 1934, l’un et l’autre continuant à se dire communistes : « Frères ! Recevez comme ils le méritent ces individus ; crachez leur à la figure tout votre mépris. Communistes ! la direction régionale vous demande de cesser absolument toutes relations avec les exclus du parti. » Il faut replacer toutes ces accusations dans le contexte des fortes tensions créées par la stalinisation de l’appareil communiste et tout particulièrement de la commission coloniale.
En 1936, il était membre du bureau du Syndicat de la Basoche. Il créa et anima le Comité des chômeurs UD- CGT.

Pendant l’occupation allemande, Taieb Dabbab fut arrêté et enfermé à la caserne de la casbah suite à une dénonciation intéressée par un membre de sa famille qui affirma que Taieb aurait été en contact avec les troupes alliées. Il était menacé de mort.
Il fut libéré sous la responsabilité directe et personnelle de son avocat M’Hamed-Ali Khairallah, le frère de Chedly khairallah et également le cousin de l’épouse de Taieb Dabbab qui était intervenu auprès du commandant supérieur allemand.

Après la guerre, il dirigea et anima la cellule communiste de la Marsa et l’Union locale de l’USTT (Union Syndicale des Travailleurs de Tunisie) de 1946 à 1956.
Le 18 janvier 1952, il fut détenu à Zarour puis à Teboursouk pour plus d’un an
Il se présenta le 25 mars 1956 aux élections de l’Assemblé constituante, circonscription de Tunis-Banlieue sur la liste d’ « Union ».
Le 25 avril 1957, il déposa à la Marsa une « Liste d’Action au service du peuple » pour les élections municipales. Il participa en 1959 aux élections législatives sur la « Liste de la Démocratie et du Progrès ».

Après l’indépendance de la Tunisie, il intégra la Banque de Tunisie comme chef de service de classe exceptionnelle, puis fondé de pouvoir.
Militant syndicaliste et communiste, Taieb Dabbab poursuivit son engagement et son combat jusqu’à l’arrêt des activités du Parti Communiste Tunisien en 1962 et il resta fidèle aux principes communistes jusqu’à son décès le 10 décembre 1979.

A l’occasion du 2e anniversaire de son décès, la revue du Parti Communiste Tunisien en langue arabe Attariq Aljadid (fondé le 3 octobre 1981) a publié le 26 décembre 1981 une notice résumant sa vie « …et jusqu’à son dernier souffle le camarade Taieb Dabbab resta fidèle et dévoué aux principes communistes ; militant pour leur diffusion et leur défense… »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article107866, notice DABBAB Ben MAHMOUD Taieb dit RAOUF par Claude Pennetier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 1er novembre 2020.

Par Claude Pennetier

Clichés fournis par Mariem Dabbab, la petite fille de Taieb Dabbab

SOURCES : RGASPI, Moscou, 495 265 33. — Claude Liauzu, Thèse, 1977, op. cit. — Mohamed Dabbab, ’Taieb Dabbab (1905-1979)", Revue D’Histoire Maghrébine (époque moderne et contemporaine), Fondation Temimi pour la Recherche Scientifique et l’Information ; N° 95-96, Mai 1999, p. 401-422. — Mustapha Kraiem, Le parti communiste Tunisien pendant la période coloniale, Institut Supérieur d’Histoire du Mouvement National, Université de Tunis I , 1997, p131-136, 148-344. — Juliette Bessis, Les Fondateurs. Index biographique des cadres syndicalistes de la Tunisie coloniale (1920-1956) , édition de l’Harmattan 1985, p. 61-75. — Hassine Raouf Hamza, Communisme et nationalisme en Tunisie de la libération à l’indépendance (1943-1956) , Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, 1994, p.75-364. — Notes de Mariem Dabbab, la petite-fille de Taieb Dabbab.

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