DELOURME Clotaire

Par Yves Le Maner

Né le 14 janvier 1877 à Cysoing (Nord), mort le 7 mai 1950 à Hellemmes-Lille (Nord) ; instituteur ; militant syndicaliste, socialiste puis communiste du Nord ; député du Nord (1924-1928) ; l’un des fondateurs du PC dans le Nord ; créateur du Prolétaire ; secrétaire de la Fédération communiste du Nord (1921) ; trésorier, puis secrétaire général, puis président de la Fédération du Nord de l’ARAC.

20e anniversaire de l’Enchaîné en juin 1939. Clotaire Delourme (assis) aux côtés de Joseph Hentgés

Fils d’un cabaretier-charcutier de Cysoing, Clotaire Delourme fut nommé instituteur dans le bassin minier du Douaisis à sa sortie de l’École normale. Maintes fois déplacé du fait de son action syndicale, il parvint cependant à se fixer à Hellemmes, dans la banlieue est de Lille. Il devint dès la fin du siècle l’un des plus actifs militants de la section locale du POF, puis de la section du Parti socialiste SFIO aux côtés de Therby après la réalisation de l’unité (1905).

Mobilisé en août 1914, Clotaire Delourme fut grièvement blessé sur le front de la Somme par l’éclatement d’un obus et il dut subir l’amputation de la jambe droite. Décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre (avec deux citations) il se refusa toujours à être considéré comme un homme diminué malgré les difficultés qu’il avait pour se déplacer ; le 15 février 1920, il fut l’un des signataires d’une pétition dans laquelle il refusait de bénéficier des avancements de carrière réservés aux blessés de guerres et aux médaillés au sein de l’Éducation nationale.

Dès son retour à Hellemmes au lendemain de l’armistice, il reprit l’action militante et contribua à la reconstitution de la section socialiste d’Hellemmes. Admirateur passionné de la Révolution russe, Clotaire Delourme joua un rôle déterminant dans la fondation du Parti communiste dans le département du Nord. Dès le début de l’année 1920, il décida avec ses camarades Joseph Hentgès et Florimond Bonte de créer un journal, Le Prolétaire, afin de défendre les thèses de Lénine et de promouvoir l’idée de l’adhésion à la IIIe Internationale. Le premier numéro parut le 14 février 1920 en tant qu’organe de la section socialiste d’Hellemmes. L’hebdomadaire de Delourme, d’abord tiré à 600 exemplaires, s’étendit en quelques mois aux départements du Nord et du Pas-de-Calais dans leur ensemble ; Le Prolétaire troqua bientôt son sous-titre initial pour celui « d’organe de la section communiste d’Hellemmes », avant de devenir l’hebdomadaire de la Fédération communiste du Nord, puis des Fédérations du Nord et du Pas-de-Calais à partir du 18 mars 1922. Devenu bientôt L’Enchaîné, le journal se dota de deux éditions départementales (Nord et Pas-de-Calais) et parut par la suite sous forme de quotidien jusqu’à son interdiction en 1939. Delourme publia de nombreux articles dans Le Prolétaire puis dans L’Enchaîné et il y donna également plusieurs dessins humoristiques sous le pseudonyme de Claudel. Plusieurs fois menacé par de sérieux ennuis financiers, Le Prolétaire vécut pendant ses premiers mois grâce à la pension d’invalidité de son directeur.

Fondateur du Comité d’adhésion à la IIIe Internationale du département du Nord lors d’une réunion tenue à Hellemmes le 4 juillet 1920, Delourme s’employa à faire progresser ses thèses au sein de la Fédération du Nord solidement tenue en main au niveau de la commission administrative par les « réformistes » de J.-B. Lebas. Le Comité d’adhésion du Nord fut marqué à ses origines, comme plusieurs de ses homologues, par la cohabitation de militants issus de la SFIO et de militants anarchistes, anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires. Ainsi, sur la liste des seize membres fondateurs qui parut dans Le Prolétaire du 10 juillet 1920, relevait-on les noms de onze socialistes (dont Delourme, Bonte, Mayer, Jean-Baptiste Jacobs), de quatre anarchistes ou anarcho-syndicalistes (E. Boucher, O. Descamps, G. Vandamme, E. Cornil) et d’un syndicaliste révolutionnaire (H. Ville). Signataire de la « Résolution d’adhésion à la IIIe Internationale », Delourme défendit ce texte lors du congrès de la Fédération socialiste du Nord, réuni à Lille le 19 décembre 1920, et qui s’acheva par un succès des militants communistes qui réunirent 62,9 % des mandats exprimés. Clotaire Delourme fit donc partie de la délégation du Nord au congrès de Tours. La scission fut effective dans le Nord dès les tout premiers jours de janvier mais les partisans du « Vieux Parti » parvinrent à conserver la Caisse fédérale, le journal Le Cri du Nord, l’Imprimerie Ouvrière, et ils conservèrent surtout le contrôle des puissantes sections de l’agglomération de Lille-Roubaix-Tourcoing. Ce contexte explique les difficultés que rencontra Delourme qui avait été nommé secrétaire administratif de la Fédération communiste du Nord. Supportant tout le poids de l’organisation naissante, il mit sa robuste constitution à dure épreuve et tomba brutalement malade lors d’une comparution devant le tribunal de Lille en avril 1921 — voir infra —, ce qui nécessita son remplacement par Louis Brodel. En dehors de l’épuisement physique, ce retrait fut peut-être aussi motivé par les menaces de sanctions administratives brandies par le ministre de l’Éducation nationale et Delourme continua à siéger au bureau de la Fédération ; en novembre 1921 le groupement comptait encore 159 sections et environ 11 300 adhérents, chiffre que l’on peut comparer aux 21 500 membres de la Fédération socialiste du Nord avant la scission.

Toujours membre du comité directeur de la Fédération du Nord, il fut placé en tête de la liste du « Bloc ouvrier et paysan » du département du Nord à l’occasion des élections législatives de 1924 ; cette décision fut prise en rupture avec le principe des listes alphabétiques en raison de la très grande popularité de Delourme. Élu avec 65 833 voix sur 451 028 votants, il fit partie à la Chambre des députés de la commission de l’enseignement et des Beaux-Arts, de la commission des régions libérées et de la commission des pensions civiles et militaires. À nouveau candidat aux législatives de 1928 dans la 1re circonscription de Douai, il fut devancé au second tour par le candidat conservateur, Debève qui obtint 10 594 suffrages contre 9 899 à Delourme.

En dehors de son action politique, ce dernier fut l’un des fondateurs de la Fédération du Nord de l’Association républicaine des anciens combattants dont il fut successivement trésorier, secrétaire général et président (jusqu’en 1929).

Clotaire Delourme assuma également des responsabilités au sein du mouvement syndical. Élu secrétaire adjoint du syndicat des membres de l’enseignement laïque du Nord en 1919, il en fut le délégué au congrès national du SNI qui eut lieu à Bordeaux du 11 au 15 août 1920 et intervint évidemment pour les minoritaires. Son engagement dans les rangs communistes lui avait déjà valu de sérieux ennuis avec l’administration préfectorale. Élu au conseil départemental de l’enseignement primaire du Nord le 15 avril 1920 — voir Pierre Carrin —, il fit l’objet de multiples remontrances assorties de menaces sur son emploi et fut finalement traduit devant le tribunal correctionnel de Lille le 7 avril 1921 ; condamné à 16 F d’amende, il perdit également son siège au conseil départemental. Membre du noyau de militants qui créèrent les CSR dans le Nord en novembre 1920 — voir Van den Neste Henri —, Clotaire Delourme assuma les fonctions de secrétaire du syndicat CGTU des instituteurs du Nord de 1922 à 1929, date à laquelle il se plaça dans l’opposition unitaire. Cette opposition aux orientations imposées par la direction du PC à la CGTU n’était pas nouvelle. Delourme fut en effet dans une situation d’oppositionnel en puissance dès le tournant de 1924, (congrès de Lyon du PCF) et, à la fin de l’année 1925, il avait été l’un des signataires de la Lettre au Comité Exécutif de l’Internationale communiste, dite Lettre des 250, critiquant le régime autoritaire du Parti et les conceptions politiques de sa direction.

Réduit à l’immobilité par une longue maladie, Clotaire Delourme se retira de la vie politique et syndicale au début des années 1930 ; il mourut à Hellemmes le 7 mai 1950 à l’âge de soixante-treize ans.

Une association « Les Amies et Amies de Clotaire Delourme » a été créée, dans le Nord, en septembre 2020.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article109246, notice DELOURME Clotaire par Yves Le Maner, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 22 septembre 2020.

Par Yves Le Maner

20e anniversaire de l’Enchaîné en juin 1939. Clotaire Delourme (assis) aux côtés de Joseph Hentgés
(photos archives Liberté/BiMoi). Le cliché aurait été prise en mars 1920. Il s’agit de "la première équipe du journal Le Prolétaire" n y voit, de gauche à droite : Émile Mayer, Florimond Bonte, François Dumortier et Jean Dewoldre. Clotaire Delourme (qui était l’élément moteur du journal) figure au centre, assis au premier plan.

SOURCES : Arch. Nat. F7/13610, F7/13744 et F7/13749. — Arch. Dép. Nord, M 35/8, M 37/75, M 37/76B (avec photographie), M 154/190B, M 154/191, M 154/195C et M 154/199. — Arch. Dép. Pas-de-Calais, M 2387. — Bulletin Communiste, 4 novembre 1920. — Le Prolétaire, 17 avril 1921. — Liberté, 9-10 mai 1950. — M. Demouveau, « La scission de la CGT à Lille-Roubaix-Tourcoing (1920-1922) », in Revue du Nord, n° 210, juillet-septembre 1971, pp. 459-494. — M. Cointepas, Mémoire de Maîtrise, Paris I, 1975, op. cit. — J. Jolly, Dictionnaire des parlementaires, op. cit.Le congrès de Tours, édition critique, op. cit.

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