DUCHEREUX Antoine, Louis

Par Jean-Noël Dutheil

Né le 12 mars 1867 à Montluçon (Allier), mort le 21 octobre 1929 à Montluçon ; raboteur, tourneur sur métaux à l’usine Saint Jacques de Montluçon ; trésorier de l’Union des Ouvriers Métallurgistes et similaire de Montluçon en 1897 puis membre du bureau de l’Union Centrale des Travailleurs Métallurgistes de Montluçon en 1906 ; animateur du groupe anarchiste de Montluçon en 1905.

Fils d’un journalier. Il était manœuvre aux usines Saint Jacques (Compagnie Châtillon Commentry), il habita successivement, 15 rue des Marais, rue Neuve, 33 rue Victor Hugo et 2 rue Paul Louis Courier, à Montluçon. Antoine Duchereux était l’un des responsables, depuis 1897, de l’Union des Ouvriers Métallurgistes et similaire de Montluçon, un syndicat dirigé par des « syndicalistes révolutionnaires » qui s’opposait aux syndicats « guesdistes » qu’avait mis en place Jean Dormoy. Duchereux au nom de son syndicat participa à la réunification de toutes les organisations de métallurgistes montluçonnais dont la plus importante était l’Union Syndicale des Ouvriers de l’usine Saint Jacques (adhérente à la Bourse du Travail et au POF). Les discussions commencèrent en juin 1902 et aboutirent le 1er janvier 1903 à la création de l’Union Centrale des Travailleurs Métallurgistes (UCTM). La première assemblée générale eut lieu le 13, les Libertaires, Antoine Duchereux, François Meloux, Louis Bonnefond, Marien Marchand, Antoine Bonnat et Peychaud supplantèrent les « guesdistes », Meloux devint secrétaire de l’UCTM, l’organisation adhéra à la CGT en 1904, Duchereux siégea au congrès confédéral de septembre 1904. Le syndicat comptait 1 853 adhérents.

Selon divers rapports de police datés de novembre 1904, il appartint, avec son frère ainé, à la section libertaire et antimilitariste de Montluçon (AIA). Depuis septembre dernier, une section d’anarchistes internationaux antimilitariste de 45 militants parvint à se structurer. Antoine Duchereux fut séduit par la série de conférences données, celle du 18 septembre 1904 par Ernest Girault et Louise Michel et celle du 10 novembre de Victor Méric qui réunit 300 personnes à l’Edifice Communal de la Ville-Gozet.
Aidé de Meloux, Duchereux récupéra un mouvement lancé par des jeunes de 16 à 20 ans, des non-syndiqués de l’usine Poynot, une succursale de 600 ouvriers de l’usine Saint Jacques. Cette grève (24 juillet-5 août 1905) fut victorieuse grâce à l’entrée dans la lutte « des anciens ». Duchereux y prit une part active et se mit en vedette ce qui renforça sa position par rapport aux socialistes.

Il reçut le renfort d’une équipe venue spécialement de Paris et dirigée sur place par Louis Eugène Grandidier. La méthode d’action des anarchistes était simple, ils s’invitaient dans les réunions syndicales qu’ils monopolisaient pour diffuser leurs idées. Selon la police, la section de l’AIA regroupait en juillet 1905 environ 300 inscrits, dont les deux tiers de métallurgistes. Sous l’impulsion de Louis Grandidier, Duchereux, Bonnat et d’autres, des sections avaient été créées dans les communes environnantes (Domérat, Désertines, Bézenet, Montvicq, etc).
En octobre 1905, la police perquisitionna le domicile de Duchereux et saisit un carnet d’adresses appartenant à Louis Grandidier qui logeait chez lui. Étroitement surveillé, il fit l’objet en 1906 de nombreux rapports : le 18 février la police signalait qu’il s’était présenté "en gare pour retirer un colis d’affiches antimilitaristes" ; le 18 mars il participait dans l’ancien logement de Louis Grandidier à la réunion d’une quarantaine de militants anarchistes – dont Marchand, Bonnat et Bonnefont – en vue de "préparer un collage d’affiches antimilitaristes" ; le 8 avril il était, avec Meloux, assesseur au bureau de la réunion publique et contradictoire organisée par la CGT et ayant réuni 200 personnes où il avait "pris la parole pour dénoncer les agissements de certains patrons" ; le lendemain 9 avril, "suite à une réunion sur la Compagnie Saint-Gobain et à la causerie de l’anarchiste Duchereux ... il a été décidé que la commission de la journée de 8 heures organiserait deux réunions des ouvriers de cette corporation à 8 ou 10 jours d’intervalle pour que les postes de jour et de nuit puisent y assister" ; dans son rapport le commissaire le décrivait "comme intelligent et dangereux pour l’efficacité à propager les idées anarchistes" et signalait que la Commission de la journée de 8 heures avait désigné "Duchereux, Bonnat et Charrière, tous militants libertaires" pour faire partie d’une délégation devant être reçue par le sous-préfet.
Dans un autre rapport daté du 18 avril concernant la réunion publique organisée par la CGT en faveur du personnel féminin de l’usine de faux-cols Hayem et tenue au restaurant Fanny, rue de Limoges, la police signalait la présence de 150 femmes de l’usine et d’une cinquantaine de libertaires ; Duchereux invita l’assistance à élire un bureau : "Mademoiselle Marchand (sœur de l’anarchiste de ce nom) fut élue présidente" et à l’issue de la réunion "le projet de création d’un syndicat général de l’habillement est lancé" qui comprendrait "en plus les couturières, modistes, etc". Le 28 avril suivant, en signe de reconnaissance, les ouvrières de l’usine Hayem, lors d’une réunion privée, offrirent à Duchereux un bouquet de fleurs.

Durant le mois de mai 1906, Duchereux organisa et dirigea, à Montluçon, la plus grande grève d’avant la Première guerre mondiale. Il en fut le secrétaire du Comité de grève groupant toutes les entreprises montluçonnaises. Suite à l’échec du mouvement, une terrible répression s’abattit sur les grévistes et notamment sur Duchereux auquel il fut reproché d’avoir écrit une lettre au Sous-préfet pour protester contre les provocations de la force armée en osant préciser que les ouvriers ne se laisseront pas faire, il fut accusé d’avoir été le secrétaire du Comité de Grève, d’avoir envoyé de l’argent aux condamnés grévistes. Il fut condamné à 3 mois de prison pour entrave à la liberté du travail (30 mai 1906). Il fut obligé de quitter Montluçon parce que trop militant.

Le départ de Grandidier à la suite de sa condamnation en correctionnelle, en décembre 1905 puis l’échec de la grève suscitée par les libertaires en 1906, vinrent affecter leur crédit et on pouvait constater en 1907, la disparition des groupes libertaire-antimilitariste et un affaiblissement du mouvement syndical.

Il revint travailler comme employé de commerce, courtier chez Martinet et mourut à Montluçon, le 21 octobre 1929.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article111023, notice DUCHEREUX Antoine, Louis par Jean-Noël Dutheil, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 11 avril 2020.

Par Jean-Noël Dutheil

SOURCES : Arch. Dép. Allier : 1M314, 10M310, 10M289, 4M2031, 3U Montluçon 792. — Arch. IHS CGT du 03 registre de délibérations de l’Union Syndicale des ouvriers de Saint Jacques 1900-1902. — Renseignements communiqués par Georges Rougeron.

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