Par Antoine Olivesi, notice complétée par Guillaume Davranche et Rolf Dupuy
Né le 13 juillet 1876 à Cahuzac-sur-Vère (Tarn) ; ouvrier mécanicien ; militant anarchiste puis syndicaliste-révolutionnaire ; secrétaire de l’UD-CGT des Bouches-du-Rhône en 1913-1914.
Auguste Durand fréquentait les groupes anarchistes marseillais à la fin du XIXe siècle. En 1898, il participa aux conférences Henri Dhorr (Lucien Weil) et Chaumel. Il demeurait alors à Marseille, boulevard Barras. Puis il fit partie du Groupe central libertaire et manifesta une grande activité lors de la création de l’AIA. En 1905, il intervint en faveur du peuple russe, fut délégué par la section de Marseille au congrès régional antimilitariste, en juin et en octobre ; il prit la parole, avec Marestan, dans un meeting organisé à l’occasion du départ de la classe. En mars 1908, il fut l’un des organisateurs des conférences de Sébastien Faure à Marseille et à Aubagne.
En septembre 1909, à la faveur d’un renouvellement partiel, il fut élu au Conseil d’administration de la Bourse du Travail de Marseille (fondée en 1888). Les anarchistes avaient voulu introduire l’un des leurs dans cet organisme pour faire obstruction, selon un rapport de police, et créer des incidents. Durand réclama aussitôt la suppression de la subvention municipale et attaqua les dirigeants de l’UCSO qu’il jugeait trop timorés. À la même époque, il fonda le comité intersyndical (groupe de propagande syndicaliste révolutionnaire et antimilitariste), avec les anarchistes Gustave Cauvin, Bougearel et Auguste Berrier, puis, avec eux, le CDS (Comité de défense sociale) dont il sera longtemps le principal animateur. Il en restera le secrétaire jusqu’en 1913, année où un rapport de police voit en lui « l’âme du CDS », tandis qu’une notice confidentielle du 1er novembre 1912 le qualifie ainsi : « le plus ardent propagandiste des idées révolutionnaires et antimilitaristes des milieux ouvriers de Marseille » qui consacre tous ses loisirs à la propagande. Le CDS, placé sous la présidence de la citoyenne Chardon, proscrite de 1851, reçut l’adhésion d’un certain nombre de syndicats et de la plupart des groupes anticléricaux. Parmi ses membres actifs il comptait, aux côtés de quelques socialistes révolutionnaires comme Philémon Gras et Edmond Giraud, de nombreux anarchistes et antimilitaristes tels que Albert Abeille, Auguste Allena, Jean Augier, Edourd Barrat, Emile Barbe, Maurice Dupuy, Jean-Marie Ettori, Mme Gay, Léon Meissirel, Augustin Sartoris, etc
Durand mena de pair ses activités politiques et syndicales, les seconds prenant, progressivement, au fur et à mesure qu’on s’approche de la guerre, une plus grande importance. Il collaborait à L’Ouvrier syndiqué, bulletin de l’Union des Chambres Syndicales Ouvrières (UCSO) et de la Bourse du travail de Marseille dans lequel il publia pendant un temps un « bulletin antimilitariste ». Il prit également la parole aux meetings tenus à la Bourse pour la libération d’Emile Rousset, la révision du procès de Jules Durand*, contre la répression en Espagne et l’exécution de Francisco Ferrer, contre la vie chère, contre les lois scélérates, etc… Il fut mandaté à plusieurs reprises comme délégué de l’UCSO et de la Bourse du travail pour faire dans la région des conférences de propagande syndicaliste. C’est ainsi qu’à la suite des réunions qu’il avait organisé à Port de Bouc, se constitua en avril 1910 le syndicat international de la construction dans cette ville.
Il présida, en novembre-décembre 1911, les conférences de Vigné d’Octon et de Sébastien Faure et reçut, le 5 octobre 1912, des colis d’affiches antimilitaristes (Désertez) adressées de Paris par Louis Lecoin au nom de la FCA. L’année suivante, il fut le principal promoteur du groupe d’Études sociales qui regroupait, à Marseille, des anarchistes de toutes tendances. Il manifesta toujours enfin, sa sympathie et son appui pour le Théâtre social et fut même condamné, le 29 mai 1913, à 5 francs d’amende pour avoir enfreint l’arrêté préfectoral concernant les spectacles antimilitaristes.
L’action syndicaliste d’Auguste Durand fut également très intense. Le 1er janvier 1909, il écrivait dans L’Ouvrier syndiqué : « La classe ouvrière a jeté le fier défi de la grève générale révolutionnaire en cas de guerre au congrès de Marseille. » En 1910, il participa avec Yvetot, aux manifestations du 1er Mai à Marseille et on le retrouve dans la même circonstance, au premier plan jusqu’en 1914.
En 1912, il était secrétaire de syndicat des métaux et intervint dans la grève des fonderies et dans un conflit qui opposa le comité fédéral au syndicat des mouleurs-noyauteurs lequel fut radié.
Réélu régulièrement au conseil d’administration de l’UCSO jusqu’en 1914, membre de la commission de l’Ouvrier syndiqué et du conseil judiciaire. Durand fut élu secrétaire général de l’UD-CGT des Bouches-du-Rhône lors du congrès constitutif de cette dernière, à Marseille. Les 11 et 12 mai 1913. Il fut préféré à Nivière* estimé trop jeune. Quelques jours après, le 26 mai, la police perquisitionna à son domicile ainsi qu’à la Bourse du Travail. Il entreprit dans le département des tournées de propagande syndicaliste, notamment à Port-de-Bouc, anima les grèves des serruriers, charpentiers en fer et des menuisiers en 1913, puis en 1914, du 18 mai au 6 juin, avec le concours de Blanchard, une grève de la métallurgie — qui fut moins heureuse — à Marseille.
Durand s’évertura également à organiser l’UD et à y faire adhérer ou cotiser les syndicats hésitants ou réfractaires de l’UD, à Arles, les 31 mai et 1er juin 1914 ; il se félicita de l’adhésion des mineurs de Trets, Fuveau et Gardanne, mais déplora que trop de travailleurs aient négligé l’action syndicale au profit des luttes politiques, faisant allusion à la campagne électorales du printemps 1914. Son rapport fut critiqué par Rousseau*.
Durand fut également attaqué par certains groupes anarchistes-communistes qui lui reprochaient d’être devenu « fonctionnaire syndicaliste » appointé. Il accusa Alexis Girard, trésorier du CDS, de désorganisation syndicale. Lui-même, par manque de temps, préféra, en février 1913, résilier ses fonctions de secrétaire du CDS. Les polémiques avec les anarchistes reprirent en juin et en septembre. Sa propre compagne, membre du CDS, l’abandonna, en juillet, pour se réfugier, après une scène violente, chez l’anarchiste Denis Clément.
Dans le dernier numéro de L’Ouvrier syndiqué, celui d’août 1914, Durand écrivit un article intitulé « Le syndicalisme et l’évolution ». Il y déclarait que » le syndicalisme est plus qu’une méthode, une doctrine sociale. Il est toute la vie ouvrière dans ses multiples manifestations ».
On trouve encore la signature de Durand au bas d’un communiqué de l’UD, dans Le Petit Provençal, le 26 août 1914.
Selon le témoignage de César Matton, Auguste Durand était un militant éprouvé et un orateur remarquable. Il ne paraît plus avoir joué un rôle actif, ultérieurement, du moins dans les Bouches-du-Rhône.
Par Antoine Olivesi, notice complétée par Guillaume Davranche et Rolf Dupuy
ŒUVRE : Nombreux articles dans L’Ouvrier Syndiqué, entre 1909 et 1914.
SOURCES : Arch. Nat. F7/13570. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M[/3355 et 56, 3412, 3851 (rapport du préfet du 5 octobre 1912 et rapports de police des 20 janvier, 15 mars et 23 mai 1913), 3852 (rapport du préfet du 1er mai 1914), 3860 (rapport de police du 1er juin 1910), 3861, 10810 (rapports du 7 janvier, 6 février, 2 juin, 18 et 25 septembre 1913), 10824 (25, 26 et 27 octobre 1913) ; XIV M 25/45 et 46 (rapport du 16 novembre 1913), 48 (rapports des 13 mai, 10 et 30 juillet, 6 novembre 1913, 27 janvier 1914), et 49. — Le Petit Provençal, 1er mai 1910, 2 et 14 mai 1913, 30 avril, 2 juin et 26 avril 1914. — L’Ouvrier syndiqué, 15 janvier et 15 février 1907, 1er janvier 1909 (article du militant), 1er mars 1910, 1er novembre 1911, 1er décembre 1912 (article), 1er février et 1er avril 1913 (articles), 15 mai, 1er et 15 juin, 15 juillet, 1er août 1913, 15 août et 1er octobre 1913 (articles), 1er mai et 1er juin 1914, 1er août 1914 (article). — Les Temps nouveaux, 16 avril 1910. — R. Bianco, le Mouvement anarchiste à Marseille... op. cit., notamment t. II, p. 23 et 24. — P. Barrau, Le mouvement ouvrier à Marseille... op. cit. — Entretien avec César Matton.