Par Jacques Girault
Né le 30 novembre 1885 à Saint-Étienne (Loire), mort le 12 novembre 1977 à Toulon ; tourneur sur métaux dans diverses entreprises métallurgiques et à l’Arsenal maritime de Toulon (Var) ; militant syndicaliste CGT ; résistant, militant communiste de Toulon.
Durand était le fils cadet d’un coiffeur qui eut trois enfants dont le plus jeune mourut au front pendant la guerre de 1914-1918. Son père, républicain, militait dans la mutualité et présidait la Fédération des sociétés de secours mutuels de la Loire. Après avoir obtenu le Certificat d’étude et fréquenté pendant deux ans l’École professionnelle, Durand travailla comme tourneur dans diverses entreprises métallurgiques et mécaniques de la région stéphanoise. Il effectua son service militaire à Toul (Meurthe-et-Moselle) comme manutentionnaire dans l’infanterie d’octobre 1907 à septembre 1909. En 1910, il vint travailler avec plusieurs amis dans une usine de Toulon (Var) puis fut embauché comme ouvrier auxiliaire tourneur sur métaux à l’Arsenal maritime, le 14 avril 1912 (Direction des constructions navales, ateliers des torpilles). Il se maria à Toulon en juillet 1912 avec Juliette, Marguerite Barrondon.
Congédié de l’Arsenal sur demande, le 23 août 1913, Durand fut embauché à l’usine Schneider à La Londe (Var) qu’il quitta un mois plus tard, pour la nouvelle usine de torpilles de Saint-Tropez où il commença en décembre 1913.
Mobilisé au début de la guerre dans une section des commis et ouvriers d’administration, il fut envoyé dans la Meuse dans un régiment d’infanterie le 5 avril 1915. Après plusieurs passages au front, il fut détaché le 29 juillet 1915 à l’usine des torpilles de Saint-Tropez. Mobilisé à nouveau en juillet 1917 dans les Hussards, il resta en fait à l’usine et fut démobilisé effectivement le 21 mars 1919.
Durand, syndiqué à la CGT avant 1914, participa à l’organisation de la section syndicale de l’usine et aux divers mouvements qui l’affectèrent à partir de 1918. Aussi fut-il mis à la disposition de la direction de la main-d’œuvre à Marseille et travailla-t-il pendant un mois aux moteurs Baudouin. Le mouvement syndical marseillais était divisé sur la question de la Troisième Internationale. Durand milita alors avec d’autres originaires de la Loire, dont Benoît Frachon*, pour l’adhésion sur le plan syndical et au sein du Comité de la Troisième Internationale. Ayant conservé son logement à Saint-Tropez, il était aussi en relations avec les révolutionnaires nombreux dans la région. Membre de la section socialiste, il participa à la création de la section communiste tropézienne dès 1921.
Réembauché à l’usine des Torpilles, Durand alors « eut des histoires » avec un contremaître et envisagea de réintégrer l’Arsenal maritime de Toulon. Il écrivit le 17 janvier 1922 à la direction de l’Artillerie navale, indiquant qu’il voulait se « rapprocher de Toulon pour des affaires de famille ». Onze jours plus tard, il passa des essais et fut embauché provisoirement le 16 février, comme ouvrier auxiliaire et définitivement, à l’atelier des Machines, le 6 mars 1922. Il habitait alors le quartier du Pont-du-Las avec sa femme et son fils (voir Marcel Durand*). Quelque temps après, il s’installa dans la basse-ville, rue Charles Poncy et devait y rester toute sa vie.
Syndiqué, militant actif, il fut élu au conseil d’administration du syndicat CGTU des travailleurs de la Marine le 15 septembre 1922. Bibliothécaire du syndicat un mois plus tard, il devint secrétaire aux procès-verbaux, le 29 janvier 1923. Il fut sans cesse réélu au conseil d’administration du syndicat CGTU et occupa diverses responsabilités (archiviste, secrétaire aux procès-verbaux en 1927, secrétaire adjoint en 1928-1929, membre du comité de rédaction de l’Émancipation de l’Arsenal en 1929, du Cri de l’Arsenal en 1930). Il fut candidat pour les auxiliaires à la commission locale des salaires le 30 septembre 1926 et fut suppléant de la Commission en 1929 avec 3 173 voix. Il exerçait aussi des responsabilités syndicales dans la CGTU (membre de la Commission exécutive de l’Union départementale, le 23 novembre 1925, candidat éventuel au poste de secrétaire de l’Union locale en octobre 1926, membre du bureau de l’Union locale en 1929, de la commission exécutive de la 9e Union régionale en 1929-1930, membre sortant puis candidat au conseil d’administration de la Bourse du Travail le 11 avril 1929, de la commission de la presse de l’Union locale en février 1934).
Communiste, Durand occupa diverses responsabilités à Toulon qui le firent participer régulièrement aux congrès départementaux, puis du rayon : secrétaire adjoint de la cellule de l’Artillerie navale à sa création en décembre 1924, membre de la commission d’organisation du comité d’action contre la guerre du Maroc, trésorier du rayon du Var en décembre 1926 et jusqu’à 1930 environ, secrétaire de la cellule Toulon-Ville, membre de la commission de redressement du Parti constituée le 18 août 1926 pour examiner les demandes d’adhésion consécutives à la dissolution de la section, après l’affaire Viort*, secrétaire de la cellule de l’Arsenal (1928-vers 1931), membre du bureau du rayon, spécialisé dans le travail « anti » selon le répertoire saisi sur Kraus*.
Parallèlement, Durand avait diverses autres responsabilités : secrétariat du comité d’amnistie en octobre 1923, membre du bureau du comité d’enquête sur les incidents de la Prison maritime en octobre 1927, du bureau départemental de l’ARAC et du SRI à partir de 1930-1931.
D’autre part, Durand fut régulièrement candidat aux élections municipales sur les listes du Bloc ouvrier et paysan. Le 3 mai 1925, il obtint 695 voix sur 21 843 inscrits. Pour la campagne électorale, il faisait partie de la commission « agitation et propagande ». Le 5 mai 1929, il réunissait 1 265 voix sur 25 500 inscrits et en conservait 907 au deuxième tour.
Dans les années 1930, Durand figurait ainsi parmi les communistes les plus actifs de la ville sans occuper de responsabilités importantes. Il fut le secrétaire du comité du candidat communiste au conseil général en octobre 1934. Lors de la réunification syndicale en novembre 1935, il devint membre du conseil d’administration de son syndicat. Dans les discussions de la deuxième moitié de l’année 1936 dans la section communiste de Toulon, il se montrait partisan d’une attitude très critique à l’égard de la SFIO. Il était aussi trésorier fédéral de l’ARAC en 1937.
Au début de la guerre, Durand faisait partie de la liste des « individus dangereux ayant fait l’objet d’un arrêté préfectoral d’internement au centre de surveillance de Saint-Maximin » le 18 novembre 1939 — centre qui ne fut jamais ouvert. Le 23 avril 1940, il fut congédié de l’Arsenal. Arrêté le 17 avril 1940, envoyé aux camps de Saint-Maximin (Var), puis de Riom-es-Montagne (Cantal), de Chibron (près de Signes, Var), à Fort-Barraux (Isère), il fut transféré le 15 février 1941, au centre de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn). Libéré le 10 décembre 1943, astreint à résider à Toulon, puis à La Bussière (Isère) à partir du 31 mars 1944, il travailla à Marseille du 16 avril 1944 au 14 août 1944. Ses services dans les FTP (deuxième bataillon de l’Isère) furent validés du 5 janvier 1944 au 2 septembre 1944.
Le 21 octobre 1944, Durand fut réintégré à la DCAN comme ouvrier temporaire, puis comme ouvrier réglementé à compter du 24 avril 1940 (section matériel, Machines). Il partit à la retraite le 30 novembre 1945.
Après la guerre, militant communiste, Durand était membre de nombreuses associations (Union des vieux de France, France-URSS). Vers 1970, il présidait la section de Toulon de l’ARAC, la section de Toulon de la FNDIRP et l’Amicale des vétérans communistes du Var.
Durand mourut à Toulon, le 12 novembre 1977.
Son épouse née Juliette, Marguerite Barrandon, à Nîmes (Gard), le 6 octobre 1889, fille d’un limonadier, avait été trésorière de sa cellule et de la deuxième section communiste de Toulon à la fin des années 1930.
Par Jacques Girault
SOURCES : Arch. Nat. F7/13021 ; F7/13096 ; 13118 ; 13123 ; 13164. — Arch. Dép. Var, 2 M 7.30.3 ; 2 M 7.32.3 ; 4 M 46 ; 4 M 47 ; 4 M 49.4.3 ; 4 M 59.4.1 ; 4 M 59.4.2 ; 4 M 59.4.3 ; 4 M 59.4.4 ; 7 M 12.2 ; 16 M 19.5 ; 3 Z 2.10 ; 3 Z.4.21 ; 3 Z 4.22, 3 Z.4 29. — Arch. Troisième Région mar., 2 A4/12, 2 G2/699, registres des matricules : 14 224, ex. 55 433, dossier individuel. — Sources orales. — Presse locale. — Renseignements fournis par l’intéressé.