DUTHIL René, Augustin, Célestin

Par Alain Dalançon

Né le 26 juin 1886 à Rouen (Seine-Inférieure), mort le 12 août 1977 à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) ; professeur à Nancy (Meurthe-et-Moselle) ; militant pédagogique de l’Éducation nouvelle.

René Duthil était le fils de Célestin Duthil et de son épouse, née Adolphine La Route, anciens restaurateurs.

Lorsqu’il se maria à Nancy, le 28 octobre 1910, il était agriculteur, résidant rue Caulaincourt à Paris, et vivait avec sa mère, divorcée depuis longtemps. Il épousa Yvonnette Gervaize, fille de l’ancien député Ludovic Gervaize, nationaliste et antisémite puis inscrit au groupe libéral progressiste, qui s’était retiré de la vie politique après son échec pour sa réélection en 1906.

Bachelier série philosophie en 1914, René Duthil fut nommé répétiteur au collège de Saint-Servan (Ille-et-Vilaine). Réformé six mois après sa mobilisation en 1914, il obtint une licence ès lettres (philosophie) à la faculté de Rennes en 1916, qui lui permit d’être nommé chargé d’enseignement de la philosophie dans le même collège.

En 1919, il put revenir à Nancy au lycée Henri-Poincaré comme répétiteur, et obtint un diplôme d’études supérieures en pédagogie de la langue anglaise en 1921. Il devint alors professeur à l’école primaire supérieure de garçons de Nancy, où il fut distingué officier d’académie en 1923 (JO, 12 août 1923). Puis en 1926, il fut nommé professeur de grammaire, littérature et histoire ancienne à l’École normale d’instituteurs de Nancy, où il demeura jusqu’en 1939, année de sa mise à la retraite pour invalidité.

René Duthil était syndiqué à la Fédération des fonctionnaires et écrivit un article dans la Tribune des fonctionnaires du 12 mars 1927, pour informer de la proposition du Pr. Moehlman de l’université du Michigan, d’évaluer les salaires et traitements à partir d’une base 100, correspondant au salaire minimum d’un ouvrier non-qualifié : les salaires des enseignants du primaire aux USA étaient ainsi compris entre 1,5 et 3 fois ce minimum. Il militait aussi dans les années 1930 à la Ligue des droits de l’Homme et au Parti socialiste SFIO, collaborant à partir de 1935 au Réveil Ouvrieret faisant des conférences à la Maison du Peuple de Nancy.

Mais René Duthil fut surtout un militant pédagogique de l’Éducation nouvelle, connu comme propagateur de la méthode des tests. Dans les années 1920, inspiré par l’expérience américaine, dont il avait pris connaissance lors de séjours en Amérique du Nord, il commença à publier des articles visant à diffuser l’application des tests, pour mesurer l’intelligence et les connaissances des élèves de l’instruction publique française.

Il écrivit dans les nombreuses revues pédagogiques de l’époque, notamment dans l’Éducation, mais aussi dans La Nouvelle éducation, leManuel général de l’instruction primaire, la Revue pédagogique, L’Imprimerie à l’école, Pour l’ère nouvelle, L’école et la vie, et dans des journaux syndicaux et associatifs L’École libératrice,la Revue de l’enseignement primaire et primaire supérieur, La Revue de l’enseignement des langues vivantes. Dans toutes ces revues, il faisait circuler ses idées sur la méthode de tests en donnant une large visibilité aux activités pédagogiques de Washburne.

Son travail fut caractérisé par sa dimension internationale, établissant des rapports entre la France et l’Europe avec le monde anglo-saxon, en particulier nord-américain. Il traduisit en particulier en 1931 l’ouvrage de John et Evelyn Dewey, Les Écoles de demain.
Il était en effet en contact avec la plupart des militants de l’éducation nouvelle et des chercheurs sur l’enfance de son époque, en France, dont Henri Piéron. Mais aussi avec des étrangers en étant membre du comité de patronage du Bureau français d’éducation (BFE), et correspondant officiel pour la France au Bureau international d’éducation à Genève, animé par Paul Faucher, alias le « Père Castor », « sergent recruteur de la Nouvelle Éducation ».
René Duthil fit ainsi partie d’une délégation de pédagogues représentant la France au premier Congrès international de psychologie appliquée en 1929 à Paris. Congrès au cours duquel, il peut croiser, entre autres, Adolphe Ferrière, Édouard Claparède et Jean Piaget pour la Suisse, Roger Cousinet pour la France et Ovide Decroly pour la Belgique. Comme représentant du BFE à Nancy, il reçut aussi l’éducateur tchèque František Bakule (1877-1957) lors de sa tournée française.

Il soutint également les idées de Célestin Freinet. Selon son épouse Élise, il fut parmi les premiers à donner son adhésion morale au groupe de l’Imprimerie à l’École. Il lui écrivait en février 1929 : « vous fondez tout votre enseignement sur les besoins de l’enfant et vous avez élaboré une technique remarquable : l’Imprimerie à l’École. » Mais Célestin Freinet et ses proches émirent des critiques et des réticences à l’égard de l’utilisation des tests en milieu scolaire.

Cependant dans plusieurs articles de 1932 il résumait sa conception de l’éducation : « Une éducation intégrale ne doit pas rester une éducation exclusivement intellectuelle ; l’éducation des sentiments, celle du caractère, sont aussi des tâches essentielles » ; « Eduquer pour la liberté et par la liberté est le seul principe qui soit digne d’une démocratie, mais cette liberté ne doit pas être confondue avec la licence. » ; « Pour nous seuls existent les droits de l’enfants et c’est pourquoi nous demandons l’union désintéressée des parents et des maîtres, de la famille et de l’école ».

Après la guerre, alors que l’intérêt pour la pédagogie nouvelle reprenait son essor, les références à ses travaux eurent tendance à être oubliées. Lui-même écrivit surtout des articles sur Duclos, secrétaire perpétuel de l’Académie française, homme des Lumières du XVIIIe siècle, et sur Lamartine.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article111880, notice DUTHIL René, Augustin, Célestin par Alain Dalançon, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 13 octobre 2022.

Par Alain Dalançon

OEUVRE : Nombreuses références à ses contributions dans l’article de Marc Moyon et Nara Vilma Lima Pinheiro cité dans les sources.
Pour les autres articles et livres d’après guerre, voir la liste persee.fr.

SOURCES : Le Réveil Ouvrier. — Le Populaire de l’Est. — Le Quotidien, 1932-1933. — Marc Moyon, Nara Vilma Lima Pinheiro, « René Duthil, militant français de l’adoption des tests à l’école dans l’entre-deux-guerres », Histoire de l’éducation, 152 | 2019, 37-61. — État civil. — Courte notice ancienne non signée.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable