ESTÈVE Armel, Louis, François

Par François Roux

Né le 9 juin 1873 à Sérignan-du-Comtat (Vaucluse), mort le 17 août 1943 à Orange (Vaucluse) ; professeur de botanique ; socialiste vauclusien.

Armel Estève était issu d’une famille de républicains, socialisants sous le second Empire. Son père, commerçant et agriculteur participa à la résistance armée qui s’était développée dans le Vaucluse au moment du coup d’État du 2 décembre et fut condamné à cinq ans de résidence hors du département, en Ardèche, où il épousa la fille d’un aubergiste de Privas qui partagea ses options politiques. Le couple, marié civilement, revenu dans le Vaucluse, connut une vie difficile : il voulut donner à ses enfants des prénoms jugés non chrétiens, tirés des Mystères du Peuple d’Eugène Suë : d’où parmi ses six frères et sœurs, le prénom d’Armel qui lui échut (Vélléda et Nessida... pour les autres)... Après Sedan, sa mère et sa sœur aînée, Velléda, partirent comme infirmières « aux armées de la République », rencontrèrent Garibaldi et furent en correspondance avec lui. Le père devint maire de Sérignan et sa femme membre de l’Union des femmes de France et inspectrice de l’enfance malheureuse.

Le jeune Armel, après des études primaires à Serignan où J.-H. Fabre l’utilisait volontiers pour ses observations entomologiques, fut élève boursier au lycée d’Avignon, puis après le baccalauréat s’orienta, à Montpellier, vers une licence de Sciences physiques et naturelles.

Dès cette époque, étudiant socialiste, disciple de Jaurès, il participa activement aux luttes de l’Affaire Dreyfus. Vivant avec une intellectuelle féministe et peintre, désavoué quelque temps par sa famille, il renonça à une carrière dans l’enseignement public et vint à Paris, au début du siècle pour chercher du travail : il enseigna alors dans un cours privé de la Montagne-Sainte-Geneviève et habita Meudon.

Il rencontra Péguy mais désapprouva son ralliement au nationalisme ; il participa au mouvement des Universités populaires et milita activement à la Ligue des droits de l’Homme et dans le mouvement coopératif.

En 1900 il avait été délégué du groupe socialiste autonome de Villes-sur-Auzon (Vaucluse) au congrès socialiste de Paris, salle Wagram [erreur dans le tome 12 : Estève et Armel sont une même personne]. C’est à Meudon, dans la villa des Arts, dont il était propriétaire, que se réunissaient quelques années plus tard, au moment de l’unification, les représentants des différentes tendances socialistes, les « sept sages de Meudon ». C’est là aussi qu’il aurait reçu Lénine exilé. Il devint l’unique conseiller socialiste de la municipalité bourgeoise de Meudon et intervint dans plusieurs mouvements de grève de la région parisienne. Il avait aché à Bollène une propriété pour en faire un centre d’édicaution naturelle à destination de la « bourgeoisie anticléricale ».

Mobilisé en août 1914, il se battit courageusement et fut promu officier « sur la proposition de ses camarades ». En 1916, il fut affecté, à cause de ses connaissances en chimie, à la poudrerie de Sorgues (Vaucluse) où il devint chef du personnel.

Ayant perdu sa compagne en 1915, il se remaria en 1918 avec une institutrice d’Orange. Il chercha quelque temps un travail à sa convenance, séjourna encore un an à Paris, envisagea ensuite un retour à la terre, puis, s’étant occupé d’une coopérative d’artisans baletiers, il en prit la direction à son compte, après sa désorganisation. Il était en relation avec Maurice Pottecher, créateur du théâtre du peuple de Bussang.

En 1920, il ne suivit pas la majorité de la Fédération vauclusienne dans la scission, signa la motion « pour l’unité internationale » dite motion Blum, Paoli, Bracke, Mayéras et resta fidèle à la SFIO fort appauvrie dans le département ; il appartint à son comité directeur.

Secrétaire de la section SFIO d’Orange, animateur du journal l’Avenir socialiste du Vaucluse dont les bureaux étaient à son domicile, il fut élu conseiller municipal d’Orange aux élections complémentaires de 1924, et devint adjoint au maire en 1928. Au cours de ces années il participa régulièrement aux activités de la Fédération : au congrès fédéral du 25 octobre 1925, en présence d’Hubert Rouger et de Paul Faure*, il annonça la création d’un hebdomadaire du Parti ; en novembre 1927 il présidait le congrès extraordinaire d’Avignon qui désigna les candidats pour les législatives de 1928. Un « camarade d’Orange » avait été désigné pour représenter le Parti au congrès national de Lyon : était-ce lui ? Il avait été candidat aux cantonales à Orange-Est en 1925, obtenant 278 suffrages sur 2 048 votants.

En janvier 1929, son beau-père, Louis Morenas* qu’il avait amené à la SFIO, devint secrétaire fédéral du Vaucluse, lui-même étant membre du conseil fédéral. On le vit encore s’occuper des grands problèmes du Parti au cours des congrès fédéraux de cette année-là : en janvier et en juin à Avignon, pour la préparation du congrès national de Nancy. Mais en 1930 commencèrent les discussions et, ami de Renaudel, il le suivit lorsqu’il fonda avec Déat le groupe néo-socialiste s’éloignant de la SFIO et du Front populaire.

Parallèlement à son activité politique, Estève avait été également vice-président de la Fédération du Vaucluse de la Ligue des droits de l’Homme et président de la section d’Orange, administrateur de l’Union des coopérateurs de Provence (la Ruche cavaillonnaise) et vice-président fondateur du Sou des écoles laïques d’Orange.

Son fils Pierre Estève, né le 21 juin 1921, fut très actif chez les Eclaireurs de France. Résistant, il dirigea la Ligue des droits de l’Homme du Vaucluse de 1945 à 1960, puis la Fédération des œuvres laïques de 1977 à 1984, comme président. Il entra au Parti socialiste après la congrès d’Epinay et fut maire adjoint d’Orange de 1989 à 1995. Il siégea au comité directeur des Eclaireurs de France.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article112270, notice ESTÈVE Armel, Louis, François par François Roux, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 24 novembre 2010.

Par François Roux

L’autre fils, Jean Estève, fut un des grands dirigeants de Eclaireurs de France.
SOURCES : Arch. Dép. Vaucluse, 1 M 817. — Le congrès de Tours, édition critique, op. cit. — Le Réveil Vauclusien, 1927-1929. — Autrand, Le conseil général du Vaucluse de 1800 à 1936, Avignon, 1936. — Témoignage de Monsieur Cluchier. — Renseignements aimablement communiqués par MM. Pierre et Jean Estève. — Notes d’André Simon.

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