FABRE Camille, Pierre, François, dit FAMBREILLE, dit ÉGLANTINE

Par François Ferrette

Né le 7 avril 1874 à Ussel (Corrèze), mort le 11 décembre 1945 à Paris (XIIe arr.) ; militant anarchiste puis communiste.

Camille Fabre, sa femme et sa fille
Camille Fabre, sa femme et sa fille

Fils de François Fabre, « gendarme à cheval » de deuxième classe, et d’Agathe Poulot, femme au foyer, puis aubergiste, Camille Fabre était appelé à connaître une vie familiale agitée. Il avait un frère cadet et trois sœurs dont deux mourront. Son père quitta la gendarmerie en 1876 pour travailler à l’installation des voies de chemin de fer naissantes, acquit des vignes et une auberge gérée par sa femme. Camille fut placé de neuf à onze ans en pension chez des tisserandes. Son père quitta le foyer conjugal en 1886, obligeant sa femme à se placer comme cuisinière dans une maison bourgeoise et son fils Camille à entrer en tant que novice à l’école des Frères à Beaulieu-sur-Dordogne. Après sa troisième année de noviciat aux Ternes (Cantal), il fit vœu de pauvreté, d’obéissance et de chasteté et devint Frère de Saint-Flour. Face à la pénurie d’enseignants, il lui fut proposé de devenir instituteur catholique à 15 ans et demi, mais il rompit ses vœux au bout de trois ans. Il s’opposait à l’hypocrisie de l’Église et constatait que ses pulsions de jeune homme envers les femmes étaient incompatibles avec ses dogmes qu’on lui avait enseignés. Cette étape est importante dans son cheminement ultérieur car il constitue une des bases de son anarchisme. Après ce contact direct avec l’Église qui deviendra de plus en plus consciemment pour lui un pilier de l’ordre social, il se confrontera quelques années plus tard au deuxième pilier qu’est l’Armée française et qui le convaincra de devenir anarchiste.

En 1892, Camille Fabre rejoignit sa mère et son frère à Paris. Sans qualification particulière, il fut tour à tour chômeur, domestique, colporteur. N’en pouvant plus de cette précarité, il s’engagea dans l’armée à Mâcon pour 3 ans. Il fut incorporé le 26 mai 1895 dans le 8e Régiment d’infanterie coloniale qu’il quitta le 2 septembre 1897 après avoir été réformé. Il constatait alors les mauvais traitements et les punitions extrêmement sévères dont les soldats étaient l’objet et auxquels lui-même n’avait pas échappé plusieurs fois. Il en conclut alors à la nécessité de fuir ce métier. Durant cette période, il assista à trois conférences à Toulon de l’anarchiste Sébastien Faure qui le séduisit par ses thèses. Il lut alors Le Libertaire et fréquenta le groupe anarchiste de la ville. Il affermit ses idées sociales à la lecture de divers auteurs. Après son départ de l’Armée, il reprit ses activités de colporteurs et gagna son frère Henri aux thèses anarchistes. Dès 1898, la police l’avait repéré en tant qu’anarchiste et il faisait l’objet d’une surveillance dans plusieurs départements.

A cette époque, Camille Fabre discutait le principe de la « reprise individuelle » consistant à reprendre par le vol ce qui avait été acquis par la propriété individuelle. Peu favorable à cette méthode, il se laissa pourtant entraîner par Louis Herrera dans une telle opération. Dans la nuit du 8 au 9 décembre 1899, ils s’introduisirent dans l’église de Bugeat (Corrèze) et fracturèrent tous les troncs pour en soustraire l’argent. Ils forcèrent également les armoires pour voler les vases sacrés et divers objets consacrés au culte. Ils furent arrêtés à Limoges à la sortie d’un train le 9 novembre 1899 et inculpés de vol qualifié, porteurs des objets ainsi que d’une pince-monseigneur, de fausses clés et d’un revolver chargé. Avant sa condamnation, il tenta de s’évader le 28 février 1900 et reçut une peine de quarante jours qui allongea sa peine. Il fut condamné le 27 mars suivant par la Cour d’Assises de Corrèze à 10 ans de prison (réduite d’un an par décret présidentiel en 1903) et 20 ans d’interdiction de séjour. Cette interdiction devait prendre fin le 9 décembre 1928 mais semble être tombée en désuétude.

La Librairie du progrès, située à Paris, pour laquelle travaillait son frère Henri, lui proposa de l’embaucher dès la sortie de prison. Finalement, libéré le 27 décembre 1905, il put sortir de prison et devenir voyageur de commerce dès janvier 1906 pour la Librairie Besson à Limoges, puis pour le compte de plusieurs librairies parisiennes. Camille Fabre demanda à titre provisoire la levée de l’interdiction de séjour pour Paris afin de voir son frère Henri. Mais la Préfecture de police la lui refusa. Sur le plan professionnel, cette interdiction limitait l’exercice de son métier à une partie de la France. Il sollicita en octobre 1906 le Ministère de l’Intérieur pour pouvoir entrer dans plusieurs villes, dont Lyon et Saint-Étienne. Ce dernier l’autorisa en janvier 1907 à se rendre dans ces deux villes sous réserve de bonne conduite et de faire constater son arrivée et son départ auprès de la préfecture.

En 1907, il décidait de fonder une communauté agricole près de Nancy. Il n’avait pas de diplôme, pas de certificat de travail et dut créer toute sa vie ses propres activités professionnelles. Il fréquentait les libertaires de la région : Francis Boudoux, Marius Blanchard et Louis Collongy, ce dernier étant gérant de l’hebdomadaire Cri Populaire, auquel Camille fournit des articles sous le nom d’Eglantine. La même année, il emménagea avec Louise Monnier, née le 12 novembre 1873 à Bourg-d’Azé (?) (Mayenne) et s’établit en tant que négociant en vins à Neuves-Maisons (Meurthe-et-Moselle). De cette union naquirent Jeanne en 1908 et Blanche et 1911.

Non syndiqué, ses activités militantes étaient limitées. Il s’inscrivit pourtant à l’Association Internationale antimilitariste.

En février 1909, il était inscrit au carnet B en Meurthe-et-Moselle depuis plusieurs années. Il fut accusé, sans preuve, d’avoir hébergé Charles Bill qui tua en 1914 un dénommé Blanchet soupçonné de délation dans les milieux anarchistes.

Gagné par la vague d’union sacrée, il s’engagea comme volontaire le 5 août 1914 et fut affecté au 30e Régiment d’infanterie territoriale comme soldat de 2e classe. Il devint caporal le 2 mai 1915 et sergent le 1er septembre. En mars 1916, il fut nommé sous-lieutenant à titre provisoire. Mais un accident mit fin à son engagement. Il fut blessé en Champagne le 9 janvier 1917 par l’éclatement inattendu d’une grenade alors qu’il suivait les cours du Chef de section et fut amputé de l’avant-bras droit. Il fut en outre atteint de demi-surdité et perdit l’usage d’un œil. Il fut réformé à Paris le 15 mars (ou mai ?) 1918 avec 95 % d’invalidité.

Il regagna la vie civile et devint administrateur-gérant du Journal du Peuple, hebdomadaire lancé par son frère en 1916. La tonalité pacifiste du journal ne convenait pas à Camille pour pouvoir y relater son état d’esprit. C’est à cette période qu’il prit le pseudonyme de Camille Fambreille (et non Frambeille comme intitulé par erreur par la police) pour le Journal du Peuple. En 1918, il lança l’Almanach du Peuple et ouvrit un cabinet, « l’entr’aide juridique », sur la base de ses connaissances d’autodidacte en Droit.

C’est après guerre qu’il s’intéressa au marxisme qui lui était complètement étranger jusqu’alors. En avril 1919, il acquit des locaux, 12, rue Grange-Batelière. Ces bureaux servaient de siège à la fédération de la Seine de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC) dont il était élu au comité central. Les mêmes locaux servirent pour le siège du Bulletin communiste (avant de se déplacer rue Montmartre) en mars 1920, et celui de la Revue communiste, lancée en avril par Charles Rappoport. En 1919, Camille Fabre était membre de la section socialiste du IXe arrondissement de Paris. Il apportait une aide matérielle non négligeable à la gauche de la SFIO. En mai 1920, le Bulletin communiste l’annonçait comme secrétaire de la commission d’études du Comité de la IIIe Internationale.
Selon la police, il fut exclu en avril 1922, du parti communiste et suivit son frère. Mais cet épisode n’est pas évoqué dans son autobiographie, publiée en 2016 par son arrière petite-fille. Erreur de la police ? Toujours est-il qu’il déclarait avoir été candidat du PC en 1925 aux municipales dans la commune de Clamart. Un Camille Fabre représenta le PC dans des meetings des jeunes communistes en septembre 1928. En 1935, l’Humanité du 3 avril le signalait parmi une liste des souscripteurs du journal. Son autobiographie évoque une présence continuelle au PC dans l’entre-deux-guerres.

En 1929, à cinquante-cinq ans, il devint correcteur. Le 16 mai 1931, il fut rayé du carnet B de la Seine. Il habitait à Clamart et ne se signalait plus par une activité politique.

Durant l’hiver 1940-41, il se réfugia près de Falaise (Calvados) et s’installa chez son gendre qui n’était autre qu’Alphonse Barbé, anarchiste de longue date, qui éditait des articles dans diverses publications. Camille Fabre, bien que fatigué, s’engagea dans la gestion d’une chevrière. Il mourut le 11 décembre 1945 dans le XIIe arrondissement de Paris.

Son autobiographie ne laisse pas transparaître un quelconque point de vue critique à l’égard de l’orientation du parti communiste. La bolchevisation en 1924, la stalinisation à partir de 1929 ou bien le tournant de 1934-36, ne font l’objet d’aucun commentaire. Les exclusions ne le font pas réagir non plus. A une seule occasion, il évoque un tournant, celui de 1943, lorsque Staline dissout la IIIè Internationale et il n’y voit rien à redire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article112444, notice FABRE Camille, Pierre, François, dit FAMBREILLE, dit ÉGLANTINE par François Ferrette, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 12 juin 2017.

Par François Ferrette

Camille Fabre, sa femme et sa fille
Camille Fabre, sa femme et sa fille

OEUVRE : Roman d’un homme qui voulut vivre et comprendre la IIIe République, Éditions de Champtin, postface de Nathalie-Noëlle Rimlinger, 2016, 376 p. (il s’y décrit avec authenticité mais sous le nom d’"Albert Loufabrou"). — Le Français phonétique, Langue universelle, édité chez l’auteur, 1943, 30 pages, Falaise.

SOURCES : Centre des archives contemporaines, cote 19940445 article 5 dossier 364 (dossier Camille Fabre). — L’Humanité, 5 septembre 1928, 7 septembre 1928. — Bulletin communiste, 3 juin 1920. — État civil d’Ussel, 7 mai 1984. — DBMOF, notice biographique rédigée par J. Maitron et Cl. Pennetier.

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