FANUCCHI Émile, Pierre, Antoine

Par Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon

Né le 6 octobre 1902 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 23 décembre 1984 à Marseille ; ouvrier métallurgiste, puis chauffeur de taxis ; militant syndicaliste et communiste des Bouches-du-Rhône.

Fils de Laurent Fanucchi, journalier, et de Césarine Peruccoj, journalière, Émile Fanucchi (parfois orthographié Fanucci) commença à travailler à l’âge de douze ans comme chauffeur de rivets à bord des navires de la SPCN. Pendant son service militaire, il protesta contre la rigueur excessive de la discipline, ce qui lui valut plusieurs mois de détention. Il se maria le 15 juillet 1924 avec Joséphine Hugues à Marseille. Le couple habitait rue Saint-Augustin. Émile Fanucchi adhéra au Parti communiste en 1927 et fut candidat sur la liste du Bloc ouvrier et paysan aux élections municipales d’avril 1929, obtenant 4 912 voix au premier tour et 6 024 au second sur 134 870 électeurs inscrits. Il devint membre du bureau régional du parti en 1929 et le resta jusqu’en 1939. Il fut gérant responsable de l’hebdomadaire du PC Rouge-Midi de 1931 à 1932. Il participa à de nombreux meetings, notamment, en 1933-1934, au congrès régional « contre le fascisme » tenu à Marseille, le 27 mai 1933, dans le cadre du mouvement Amsterdam-Pleyel. En 1932 et en 1936, il fut candidat aux élections législatives dans la septième circonscription de Marseille, en majorité bourgeoise, et il obtint successivement 1 131 et 3 091 suffrages. L’année précédente, il avait été candidat aux élections municipales sur la liste Billoux dans la 2e section de Marseille et avait obtenu 7 570 voix au premier tour sur 38 655 électeurs inscrits.
Il était alors devenu chauffeur de taxi parce qu’il était boycotté par les patrons de la métallurgie en raison de ses convictions politiques. En 1931-1934, il était secrétaire général du syndicat CGTU des chauffeurs de taxis et, en 1933, il devint secrétaire de l’UL unitaire de Marseille. Fanucchi participa à de nombreuses actions et fut, en particulier, blessé sur la Canebière, lors des bagarres qui suivirent le meeting de protestation des fonctionnaires, tenu à Marseille le 24 janvier 1934. Il fut condamné à 50 francs d’amende. Il affirma, au cours d’un meeting en février 1934, à Marseille, être le porte-parole de 1 200 chauffeurs de taxis (employés bien sûr, et non artisans à leur compte). En septembre 1933 et en septembre 1935, il fut délégué par la Fédération des Moyens de Transport, aux VIIe et VIIIe congrès nationaux de la CGTU (Paris, puis Issy-les-Moulineaux). En juin 1936, il dirigea l’occupation des établissements Mattei d’où il avait été congédié quelques années auparavant, après avoir conduit, pour le personnel, une grève victorieuse, en 1932. En 1935, il avait participé activement, avec Charles Nédelec, aux négociations pour la réunification syndicale. Fanucchi était un « militant éprouvé et clairvoyant » selon Le Petit Provençal du 30 avril 1935. Il fit partie, dès janvier 1936, de la première commission exécutive réunifiée au congrès de Marseille. Après ce congrès de fusion de la CGT et de la CGTU, il fit partie du CA de l’UD, fut réélu en 1937, et devint secrétaire adjoint (permanent) de l’UL de Marseille, puis secrétaire administratif et enfin secrétaire de l’UL au congrès de juin 1939, tout en demeurant secrétaire général du syndicat des Transports, poids lourds et similaires. Se réjouissant dans un article publié par Rouge-Midi en juin 1936 de l’afflux de milliers de nouveaux syndiqués à la CGT, il prit ensuite beaucoup de soin à concrétiser l’attachement individuel de chacun d’entre eux à son organisation respective, pour assurer une meilleure prise de conscience et une plus grande efficacité de l’action collective. Pendant la grève des dockers de l’été 1938, il fit partie de la délégation syndicale qui se rendit à Paris, le 21 août, pour négocier avec le ministère du Travail, à la veille de la rupture entre Daladier et ses partenaires du Front populaire. Il fut l’un des fondateurs de la Syndicale Essence et de la Mutuelle des Transports des Bouches-du-Rhône, avec Lucien Molino. Pendant la guerre d’Espagne, il s’occupa avec ce dernier et Jean Cristofol de la fourniture d’armes aux républicains, participant avec eux à des transactions avec la pègre en 1937. En novembre 1936, il avait dénoncé, dans Rouge-Midi, à propos de l’implantation du PPF à Marseille, « le sabianisme [...] avant-garde du fascisme et ferment de guerre civile ».
Suspect et surveillé dès le début octobre 1939, classé comme « violent, bon orateur, ayant de l’influence sur les masses », Fanucchi fut mobilisé au Ve Dépôt des équipages à Toulon (Var) et fut réformé définitif 4 décembre 1939. Selon le témoignage de nombreux militants communistes, orthodoxes ou dissidents, Fanucchi parut dépassé par les événements de l’été et de l’automne 1939. Il milita cependant dans l’appareil clandestin du PC selon Joseph Pastor. Surveillé lorsqu’il était à Toulon, la Police spéciale signala le 6 octobre 1939 qu’il retrouvait au Mourillon des militants de Marseille et du port militaire. Il fut poursuivi devant le tribunal militaire de la XVe région et inculpé, le 27 mars 1940, de propagande en faveur de la IIIe Internationale. Sans doute bénéficia-t-il d’un non-lieu puisqu’un arrêté d’internement administratif fut signé à son encontre pour le camp de Saint-Angeau (Cantal) le 6 juin 1940. Probablement, comme les militants dans son cas, fut-il envoyé en fait au camp de Chabanet (Ardèche), puis rapidement dans celui de Chibron (commune de Signes, Var) qui ouvrit le 20 juin. Son nom figura sur la « liste noire » du PC portée à la connaissance de la police le 9 octobre 1940) comme celui de son ami César Matton. Il lui était reproché d’être responsable de la découverte par la police, en juillet 1940, des archives régionales du Parti. Dans un courrier du 14 décembre 1940, le commissaire Rispoli, particulièrement chargé de la répression du PC, signalait que Matton, Joseph Pastor et lui devaient être déférés devant la justice militaire pour « action clandestine reconnue ». Il ajoutait qu’ayant téléphoné au camp, probablement pour prévenir de leur interpellation, sa communication fut réceptionnée par un interné qui avisa Pastor (qui s’évada la nuit suivante), mais pas Matton et Fanucchi qui avaient été exclus du PC et qui furent transféré à la prison militaire de Marseille. Les dossiers de Matton et de Fanucchi furent associés à ceux des inculpés dans l’affaire Barbé-Laffaurie. Fanucchi fut condamné le 2 mai 1941 à un an de prison par le tribunal militaire. Il fut libéré en novembre 1941.
Après la Libération, É. Fanucchi écrivit encore dans Le Midi syndicaliste, notamment le 6 octobre 1944, pour déplorer la disparition des biens des syndicats, le manque de locaux et de matériel, mais son nom n’apparaît plus, peu après, parmi les responsables de la CGT locale. Beaucoup le regrettèrent, car il connaissait, avant la guerre, une grande popularité auprès des travailleurs.

Émile Fanucchi devint, par la suite, commerçant-forain et appartenait encore, au début des années 1980, au syndicat CGT des Forains, mais en tant que communiste contestataire. Selon d’autres sources, il aurait été gérant ou patron d’un débit de boissons à Aix-en-Provence, ou dans la région environnante.

Ce qui est certain, c’est qu’il était devenu, en 1984, président des commerçants non sédentaires des Alpes-de-Haute-Provence et Bouches-du-Rhône et qu’il résidait à Saint-Michel-l’Observatoire, dans le premier de ces deux départements.

Ce fut dans cette localité, proche de Forcalquier, qu’il fut brusquement terrassé par la maladie et transporté d’urgence à Marseille, le 22 décembre 1984. Il y mourut, sans doute le 23 ou le 24, car ses obsèques, civiles, eurent lieu à Marseille, dans le quartier de la Barrasse, le 26. Émile Fanucchi était âgé de 82 ans. Les remerciements exprimés par sa famille émanaient de Marseille, d’Aubagne et de Saint-Michel-l’Observatoire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article112622, notice FANUCCHI Émile, Pierre, Antoine par Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 9 septembre 2021.

Par Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon

ŒUVRE : Articles dans Le Midi syndicaliste (mars-avril 1937), 12 octobre 1938, 20 février 1939, 6 octobre 1944 et dans Rouge-Midi (photos les 3 avril 1936 et 5 mars 1938), notamment contre le chômage en avril 1936 et pour le développement du sport dans la classe ouvrière en 1937.

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, II M 3/58 à 62 ; VM 2/276, 282 et 283 ; M 6/10823 rapport du 2 octobre 1939 ; M 6/10843, 10874, M 6/10933 et 11246, rapport du 6 octobre 1939, et 11379 ;et 11051 (anciennes cotes) ; XIV M 24/62, rapport du 22 janvier 1935 (préfet), 5 W 183 (dossier internement) et 76 W 115. — Le Petit Provençal, 30 avril, 5 et 6 mai 1935, et 21 avril 1936, 15 octobre 1937. — Le Midi syndicaliste, 15 janvier 1936, 6 avril et 12 juillet 1937, février 1939, 22 décembre 1944. — Rouge-Midi, 20 et 27 janvier 1934, 3 février 1934, 3 avril 1936, etc. — Marseille-Soir, 22 août 1938 (photo). — Dictionnaire... t. 16, p. 401 et 405. — Marcel Bernard, Les Communistes dans la Résistance... op. cit. p. 36, 54, 77 et t. 2, p. 40. — Dominique Grisoni, Gilles Herzog, [Les Brigades de la mer], Paris, Grasset, 1979, p. 28.— Noëlle Lagier, Rouge Midi en 1935-1936, Mémoire de Maîtrise cité. — R. Mencherini, L’Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône de la Libération à la scission (1948), thèse de 3e cycle, Aix, 2 vol. dactylographié 1984, 660 p. — Témoignages de Paulette Laugerie, Pierre Emmanuelli*, Denis Bizot*, Christian Oppetit, Joseph Pastor. — Liste des convois funèbres de Marseille et Remerciements publiés dans Le Provençal des 25, 26 et 29 décembre 1984. — Renseignements communiqués par la mairie de Saint-Michel-l’Observatoire ainsi que par les services municipaux de l’état civil et des pompes funèbres de Marseille. — état civil.

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