FARAUT Albert, Louis

Par Gérard Leidet, Antoine Olivesi

Né le 12 juillet 1910 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 22 mars 1991 à Valgorge (Ardèche) ; instituteur à Marseille ; militant syndicaliste de la FUE puis du SNI ; militant communiste puis trotskiste.

Albert (Louis) Faraut naquit à Marseille, 14 chemin de Mazargues (aujourd’hui avenue de Mazargues) dans le 9e arrondissement. Son père, Michel Faraut était gardien de la paix ; sa mère, née Marcelle Martini, sans profession s’occupait du foyer.

Faraut (orthographié également Faraud dans les sources, voire Farault) toujours prénommé Louis dans les sources syndicales, instituteur à Marseille, enseignait durant l’entre-deux-guerres à l’école du boulevard Oddo sur la route d’Aix, vers la sortie nord (quartiers industriels) de la ville.

En août 1933, au congrès de Reims de la FUE (Fédération unitaire de l’enseignement-CGTU), il fut élu pour l’année scolaire 1933-1934 au nouveau conseil fédéral au titre de la MOR (Minorité oppositionnelle révolutionnaire). Celle-ci, regroupant les militants communistes, était représentée par deux autres militants : Victorien Barne et Albert Dolmazon. Trois autres marseillais siégeaient au bureau fédéral mais au titre de la majorité fédérale : (Jean Salducci (secrétaire corporatif) et Jean Angelini (trésorier). Au congrès fédéral de Montpellier en août 1934, Faraut fut remplacé par René Lopin.

La « défense de l’URSS » se situait au centre de l’argumentation développée par les syndicalistes de la MOR. Toutefois, comme plusieurs militants notoires de la tendance, Louis Faraut rompit progressivement avec le Parti communiste, dont il n’était plus membre en 1935, sans pourtant allonger la liste de ceux passés à la majorité fédérale dès le début des années 1930 : Henri Féraud, Raymond Guilloré.

En 1934-1935, Louis Faraut était toujours répertorié par la police comme secrétaire du syndicat CGTU des instituteurs, membre de la commission administrative de l’Union locale unitaire de Marseille, ainsi que du conseil d’administration de l’Union régionale unitaire. Il signa d’ailleurs encore en juillet 1935 dans L’Émancipation, un article, « L’ennemi est toujours chez nous ».

Faraud fit cependant partie des nombreux militants de la FUE qui souhaitaient le rapprochement et l’unification des deux syndicats unitaire et confédéré.
Il participa ainsi à la délégation du Syndicat de l’enseignement laïque (CGTU) des Bouches-du-Rhône, admise à assister au conseil syndical extraordinaire du Syndicat national des instituteurs (SNI-CGT) du 21 septembre 1934. L’objet de cette réunion était la défense de Marcel Babau, secrétaire général de la section du SNI, qui était menacé d’être sanctionné à la réunion du Conseil départemental du lendemain, à la suite de propos rapportés par L’Éclaireur de Nice lors du dernier congrès du SNI.

Louis Faraut participa ensuite à l’assemblée générale de fusion de la FGE (Fédération générale de l’enseignement-CGT) et de la FUE (Fédération unitaire de l’enseignement-CGTU), le jeudi 14 novembre 1935, à La Bourse du Travail de Marseille. Il était accompagné pour la FUE d’Elie Florens, secrétaire du syndicat, de Mlle Leleu, représentante des professeurs de lycée, et de Charles Nédelec, secrétaire de l’Union régionale unitaire. Babau, devenu secrétaire général du SNI-CGT, donna lecture des statuts provisoires de la section départementale de la nouvelle Fédération générale de l’enseignement. Le point litigieux entre confédérés et unitaires concernait le cumul des mandats politiques et syndicaux. La thèse confédérée de l’incompatibilité fut adoptée. Florens déclara que ses camarades s’inclinaient devant la majorité, et Faraut fut désigné avec Babau, à l’unanimité, pour assister au congrès national de Paris du 27 décembre 1935 qui entérina la fusion, et adopta contre les propositions des anciens unitaires de la majorité fédérale, la structuration en syndicats nationaux et la reconnaissance des tendances avec leur représentation proportionnelle dans les instances.

En novembre, Louis Faraut fut donc élu au bureau provisoire du Syndicat unique des institutrices et instituteurs des Bouches-du-Rhône, en même temps que deux de ses camarades « ex-unitaires », Jean Salducci (secrétaire administratif) et Ruffin (en charge de la publicité et du bulletin). Il était responsable de La Terre Libre, succédant dans cette fonction à Raymonde Jaubert, et membre de la commission Affaires internationales animée par Jean Mouton, avec Costa, Lucien Bernard et Irma Rapuzzi.

Le 25 février 1936, Louis Faraut participa à l’assemblée générale de la sous-section marseillaise du SNI, au cours de laquelle Marcel Babau, et le conseil syndical déposèrent une motion précisant que le programme du Front populaire ne devait pas correspondre « au minimum adopté par la CGT ». A Lucien Bernard, ancien militant du syndicat unitaire et militant communiste, qui souhaitait qu’on n’oppose pas le plan de la CGT à celui du Front populaire, et pour qui le mouvement syndical n’avait « qu’à gagner à faire sien » le programme du Front populaire, Louis Faraut exprima une double mise en garde. Selon lui, rien n’était prévu pour la suppression des décrets-lois ; et si l’on adoptait le programme du Front populaire, on entrait dans la bataille électorale. L’ordre du jour présenté par Marcel Babau (statuts, orientation, unité internationale, et cumul des mandats) fut néanmoins voté par paragraphes avec 3 voix contre : celles de Faraut, Antonin Margaillan, et Jean Salducci. L’AG vota également une motion interdisant tout cumul de mandat politique et syndical. Faraut intervint pour préciser qu’un « mandat gouvernemental » ne pouvait être accepté que sous le contrôle et avec l’approbation des syndiqués.

La commission exécutive du SNI départemental du 18 juin 1936 réexamina les modifications aux statuts de l’UD-CGT, parmi lesquelles figurait l’incompatibilité entre fonctions syndicales et électives, conformément au principe de la « charte de Toulouse » adopté au congrès de réunification de la CCT en mars précédent. Sur proposition d’Irma Rapuzzi, fut adopté un texte interdisant aux membres du bureau exécutif de faire acte de candidature à une fonction politique ou d’appartenir aux organismes directeurs d’un parti. Louis Faraut, qui demeurait opposé à cette demi-mesure, interrogea ses camarades majoritaires : « Le militant qui aura mis au second plan son activité syndicale ou politique, cessera-t-il nécessairement d’exercer une action profonde sur son groupement… ? ».

Au printemps 1937, Louis Faraut avait clairement manifesté son basculement vers le trotskisme. Le 18 juin, au cours d’une réunion publique, à Marseille, il dénonça le « revirement » du PC français et la politique stalinienne en URSS. Et il annonça le lancement d’un journal fidèle aux principes de Lénine et de Trotsky,La Révolution permanente, soutenu par un groupe d’instituteurs. Une cinquantaine de personnes, « dont une douzaine de trotskystes » connus, et « d’anarcho-syndicalistes » assistèrent à cette réunion. La même affluence fut signalée à propos d’une conférence de Pierre Naville, en juin, également à Marseille.

Peu après, Louis Faraut démissionna du bureau du SNI en même temps que Salducci et Ruffin, lors de l’AG de la sous-section marseillaise du 6 juillet 1937. Selon lui et ses deux camarades ex-unitaires, les majoritaires du bureau départemental s’inclinaient « devant les ordres » d’ André Delmas, secrétaire général du SNI, et de René Vivès, membre de la direction du SN, qui s’étaient prononcés à nouveau contre la reconnaissance des tendances et leur représentation proportionnelle dans les instances. Or cette représentation était vitale pour le courant minoritaire regroupé autour de la revue l’Ecole émancipée. Faraut fut remplacé au bureau du SN par Laugier, instituteur à Grans, délégué comme lui à la « Terre libre », mais aussi à SUDEL, la société d’édition du SNI.

En octobre 1938, Louis Faraut fut candidat aux élections à la commission exécutive de la section départementale du SNI sur la liste de "redressement et d’indépendance du syndicalisme" avec, en plus de Salducci et Ruffin, notamment : Adrienne Montégudet, Léon Guidicelli, Edouard Labeille, Pascal Léna. Ayant obtenu 367 voix (sur 898 votants et 877 exprimés), il fut élu à la CE de 26 membres. La liste majoritaire avait obtenu 434 voix de moyenne ; celle de la liste « de redressement et d’indépendance du syndicalisme » (« École émancipée ») 341 voix de moyenne ; celle de Lucien Bernard, (syndicalistes communistes), 120. Louis Faraut et ses amis estimèrent qu’ils avaient été battus « comme les adversaires de Pyrrhus ! ». En effet les élus « majoritaires » n’avaient pas obtenu la majorité absolue en voix.

Louis Faraud assista au congrès départemental du SNI du 7 juillet 1938. Il intervint lors du débat sur la « défense laïque » pour s’opposer aux propositions des syndicalistes communistes. À L. Bernard qui proposait une assemblée générale invitant tous les élus du Front populaire sur cette thématique, à Robert Giudicelli, syndicaliste communiste lui aussi, pour qui il était impossible de séparer la laïcité et la paix, et pour qui « l’Union sacrée faisait faire des abandons », Louis Faraud répondit que la question était inopportune et « tournerait bien vite à la politique ». Louis Gazagnaire reprit la proposition de Bernard, estimant comme son camarade que la question était très opportune et qu’il fallait que les élus viennent débattre. Vielmas qui présidait le congrès mit la demande de Bernard aux voix ; celle-ci fut repoussée par le congrès. Les trois motions d’orientation en présence donnèrent les résultats suivants (sur 433 votants) : celle du bureau (majoritaires), 250 voix ; motion Margaillan/Faraud (École émancipée), 107 voix ; motion André Izaïa (syndicalistes communistes), 61 voix ; 14 abstentions, une voix contre toutes les motions.

Le 13 décembre 1938, l’AG de la sous-section marseillaise analysa le « demi-échec » de la grève du 30 novembre. Louis Faraut intervint longuement. Il estimait qu’un coup avait été porté aux idées syndicalistes, et que le mouvement syndical risquait de perdre les avantages conquis depuis juin 1936. La « tradition » du mouvement de grève avait été bafouée par la CGT, dont les dirigeants n’avaient pas clairement indiqué que la grève était dirigée contre les décrets lois et la nouvelle politique monétaire. Il dénonça à cet égard les « idées de rénovation » et les convergences se dessinant entre les idées financières de Paul Reynaud et de « quelques » dirigeants de la CGT. Après avoir rappelé que la grève était le seul moyen de défense du syndicalisme, à condition d’« obéir aux ordres reçus », Louis Faraut combattit les mesures indulgentes envisagées par André Delmas à l’égard des non-grévistes, et demanda leur exclusion, leur laissant « la possibilité de revenir au syndicat en payant leur journée de grève ». Il exprima alors ce qui demeurait fondamental : il valait mieux « être une poignée de syndiqués agissant, que d’être nombreux et ne pas marcher au moment de l’action !... ». Marcel Bens, nouveau secrétaire général de la section départementale du SNI, exprima son désaccord total. Il fallait établir une différence entre les cotisants et les dirigeants : ces derniers n’avaient qu’à « faire leur devoir », discipline qu’on ne pouvait exiger de la masse des adhérents car les institutrices et instituteurs qui ne reviendraient sans doute pas après une exclusion de principe, le syndicat risquant alors d’être « réduit à 400 membres ! ».

On ne retrouve plus la trace de Louis Faraut dans les équipes du SNI de l’après-guerre – désormais dirigées par les anciens membres du Front national de l’enseignement et du CNI (Comité national des instituteurs), et animées dans les Bouches-du-Rhône par Georges Cheylan et Edouard Sicard, initiateurs du futur courant « Bouches-du-Rhône » dans le SNI et la FEN. Le nom du militant n’apparaît pas non plus dans le groupe des Amis de L’École émancipée.

Louis Faraut avait épousé Marthe Brasier, à Marseille, le 18 mars 1940.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article112631, notice FARAUT Albert, Louis par Gérard Leidet, Antoine Olivesi , version mise en ligne le 20 février 2022, dernière modification le 24 février 2022.

Par Gérard Leidet, Antoine Olivesi

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M 6/10812, rapport du 19 juin 1937 ; XIV M 24/62, rapport du préfet du 22 janvier 1935 et rapport de police. — Arch. Comm. Marseille, listes électorales de Marseille 1935, 1937, 1939, 1947. — L’Émancipation, juillet et novembre 1935. — Bulletin du syndicat national des institutrices et instituteurs, section des Bouches-du-Rhône (octobre-novembre 1934) ; Bulletin du syndicat unique des institutrices et instituteurs des Bouches-du-Rhône (décembre 1935- juin 1936 ; octobre 1937- juin 1939). — François Bernard, Louis Bouet, Maurice Dommanget, Gilbert Serret, Le syndicalisme dans l’enseignement, Histoire de la Fédération de l’enseignement des origines à l’unification de 1935, Présentation et notes de Pierre Broué, Grenoble, Institut d’études politiques, 1966, 3 vol. — Loïc Le Bars, La Fédération unitaire de l’enseignement (1919-1935) : Aux origines du syndicalisme enseignant, Ed. Syllepse, 2005. — État civil, copie de l’acte de naissance ; archives municipales de la ville de Marseille.

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