Par Jean Gaumont, Gaston Prache.
Né le 11 juin 1873 à Lillebonne (Seine-Inférieure) ; mort à Gaillard (Haute-Savoie) le 28 janvier 1953 ; médecin ; fonctionnaire en France et au BIT ; théoricien et militant coopératif ; Membre titulaire du Conseil national économique (1935-1936).
De famille protestante, Fauquet était le fils d’un petit épicier établi à Lillebonne et d’une mère d’origine paysanne. Élève au lycée du Havre, il vint ensuite faire des études médicales à Paris. Il soutint sa thèse en 1899 sur « Le travail en chambre considéré du point de vue sanitaire ». Étudiant, il fit à Paris la connaissance d’un petit cénacle normand qui avait pris en location le temple de Hyacinthe Loyson. À ce cénacle appartenaient aussi Philippe Landrieu, ingénieur agronome et chimiste, Genestal, qui sera professeur de droit, un chirurgien du Havre. À la même époque, il fit aussi partie d’un groupe d’étudiants socialistes, qui avait pour organe Le Mouvement Socialiste dirigé à partir de 1899 par Hubert Lagardelle. « Une forte culture marxiste les éloignait du marxisme vulgaire propagé en France par Jules Guesde*, Paul Lafargue et G. Deville » (Fauquet). Ce groupe attachait aussi le plus grand intérêt au développement des institutions ouvrières. Fauquet collaborait à la revue sous le nom de Louis Bosquet.
Au cours de l’Exposition de 1900, il assista aux congrès coopératifs ainsi qu’au congrès constitutif de l’Association internationale pour la protection légale des travailleurs. Membre de la section française de cette association, il fut en 1903 rapporteur sur « la protection des femmes avant et après l’accouchement ». Après avoir soutenu sa thèse, il exerça la médecine pendant un an dans le XVIIe arr. où il adhéra à la coopérative « La Ménagère », puis dans le XIVe où il fut attaché pour une consultation hebdomadaire à la coopérative « l’Avenir de Plaisance ». C’est là qu’il connut Briat et les débuts de l’Association des ouvriers en instruments de précision, Hamelin qui lui fit partager son enthousiasme pour le travail en commandite, ainsi que Guillemin, secrétaire de la Bourse des coopératives socialistes. Il suivait aussi les efforts de ses amis Landrieu et Mauss pour assurer la marche de la boulangerie socialiste de la rue Barrault. Ce fut son premier contact avec les réalités de la vie coopérative.
En 1905, il fut admis avec le numéro un au concours de l’Inspection du travail. Il exerça ses fonctions à Nantes, puis à Niort, avec, comme sections, les Deux-Sèvres et la Vendée. Dans la partie sud de ces deux départements il eut à visiter de nombreuses laiteries adhérentes de l’Association des laiteries coopératives des Charentes et du Poitou. Ses fonctions lui permirent de connaître directement les caractères et les règles de fonctionnement de cette branche de la coopération agricole.
Nommé à Paris, il fut en 1909 envoyé en mission à la Martinique pour étudier sur place l’adaptation de la législation métropolitaine du travail aux conditions locales. Il en revint avec une étude médicale et sociologique sur « la population de la Martinique » qui obtint une mention du prix Vernois de l’Académie de Médecine.
Les statuts de la FNCC, constituée par le congrès d’unité fin décembre 1912 avaient prévu la création d’un office technique dont le secrétariat fut confié à Albert Thomas. Fauquet participa aux travaux de cet office.
À son retour de la Martinique, en 1912, il avait été nommé au contrôle des assurances ouvrières et de la prévoyance et membre du comité permanent de la législation sur ces sujets. Il produisit plusieurs rapports, notes ou études sur ces questions.
Pendant la guerre de 1914, il fut d’abord mobilisé en qualité de médecin, et, après deux années de front, il fut attaché au Service des œuvres sociales du ministère de l’Armement, où il s’occupa des rapports entre le ministère et les coopératives destinées à protéger le niveau de vie du personnel des usines de guerre.
À l’Armistice, il fut appelé par F. Simiand, directeur du Travail et des Assurances sociales en Alsace, comme sous-directeur à Strasbourg. Il était sur le point d’être nommé directeur et proposé pour la Légion d’honneur, quand Albert Thomas, directeur du BIT, lui demanda d’y organiser et d’y diriger les services de la coopération. Il passa treize années au BIT à étudier le mouvement coopératif sous toutes ses formes. Ce furent, en collaboration intime avec Colombain qui lui succéda, des années d’étude et de réflexion au contact des faits offerts par une documentation abondante.
D’autre part, Fauquet compta, en 1921, parmi les signataires du Manifeste des universitaires en faveur de la coopération. Il fut membre, du conseil supérieur de la coopération, du comité national de la FNCC et du comité central de l’ACI (Alliance coopérative internationale). En 1928, il participa à la fondation de l’Office central des coopératives scolaires devenu l’année suivante Office central de la coopération à l’école. Il en fut l’un des premiers administrateurs et rédigea un rapport sur l’organisation de l’Office. En juin 1929, il fit partie de la délégation coopérative française conduite par Ernest Poisson en visite auprès de la Coopération soviétique (Moscou, Leningrad, Kiev, Kharkov, Rostov-sur-le-Don) et il collabora au compte rendu de cette mission que publia la Revue des études coopératives la même année.
Atteint par la limite d’âge en 1933, il prit sa retraite et vécut jusqu’à la guerre civile espagnole à Cambrils (Catalogne), puis, en 1937, il se retira à Gaillard, près d’Annemasse (Haute-Savoie). Il fut membre titulaire du Conseil national économique de 1935 à 1936 (Population et consommation -coopératives et ligues d’acheteurs). Il continua à suivre de près l’activité coopérative française, suisse et internationale. Alors qu’il habitait Genève, il avait pris part aux activités coopératives suisses, dirigeant même, pendant quelques hivers, un cercle d’études de la société genevoise, dont il était d’autre part un conseiller écouté. Il fut le promoteur et l’animateur de l’Union laitière de Genève où il voyait un premier essai de collaboration entre la coopération rurale de production et urbaine de consommation. Il a donné aussi quelques cours à la faculté genevoise de sciences économiques et sociales. Enfin il s’intéressait à la coopérative locale d’Annemasse, coopérative de cheminots qu’il fit ouvrir à tous. Il occupa toutes sortes d’autres fonctions coopératives.
Sur le plan politique, Fauquet fut délégué en décembre 1899 du groupe n° 13 du PSR au congrès général des organisations socialistes françaises. Par la suite, pendant plusieurs années, il appartint au POSR, et plus tard encore, après sa mise à la retraite, il adhéra au Parti socialiste de Renaudel et fut membre de plusieurs commissions de travail de ce parti, ainsi que de son conseil général. Pendant son séjour en Catalogne avant la guerre civile, il collabora avec les coopérateurs et les républicains de Barcelone.
Doctrinaire de la coopération, il insistait sur les rapports qui, selon lui, existent entre les diverses formes de la coopération et avait exprimé ses idées en 1920 au congrès de la FNCC à Strasbourg où il avait soutenu avec l’approbation du congrès la nécessité d’une liaison, d’une articulation entre les coopératives de consommation et les coopératives agricoles.
En 1945, au congrès de Paris, G. Fauquet présenta plusieurs rapports exposant ses vues sur la réorganisation des organismes économiques du mouvement. Adversaire résolu de toute centralisation excessive des institutions coopératives industrielles et commerciales, il opposait un projet de création d’unités autonomes spécialisées chacune dans sa ou ses tâches et puissamment fédérées. Ses propositions furent mises en échec par les tenants d’un centralisme totalitaire. De même, il se heurta à semblable intransigeance en s’efforçant d’obtenir du congrès qu’il modifiât le mode de votation dans un sens plus démocratique et plus coopératif, tenant un compte plus juste des points de vues des sociétés coopératives de moyenne et de plus faible importance, lors des scrutins émis dans les congrès régionaux et nationaux. Ce fut aussi, en fin d’année 1945, qu’il rédigea avec ses amis Bernard Lavergne, Georges Boully (père) et Gaston Prache le « Manifeste coopératif » qui recueillit plusieurs centaines d’adhésions françaises et étrangères. Une association des amis de la coopération fut alors fondée dont il fut élu président.
Par Jean Gaumont, Gaston Prache.
ŒUVRE : Collaboration à de nombreuses revues socialistes et coopératives en France et à l’étranger : Mouvement socialiste, Coopérateur suisse, Coopérateur genevois, Coopérateur de France, Revue des Études coopératives, Revue coopérative internationale, Annales de l’Économie collective. — Rapports divers à l’Inspection du Travail, au BIT et au mouvement coopératif. — Le Secteur coopératif, Bruxelles, 1935. — Regards sur le Mouvement coopératif, Genève 1949. — Le Décret de syndicalisation obligatoire des cultivateurs et l’expérience coopérative, Barcelone, 1937. — Hommage à la mémoire des Équitables Pionniers de Rochdale, Paris, 1944.
SOURCES : Fonds d’archives Jean Gaumont — Gaston Prache. — Notes autobiographiques. — Arc-en-Ciel, avril-août 1934. — Revue des coopératives scolaires, n° 63, février-mars 1958.