Par Nicole Racine
Né le 22 juillet 1878 à Nancy (Meurthe-et-Moselle), mort le 26 septembre 1956 à Saint-Amour (Jura) ; historien, fondateur en 1929 avec Marc Bloch des Annales d’histoire économique et sociale (qui prirent le nom en 1939-1941 d’Annales d’histoire sociale, en 1942-1944 de Mélanges d’histoire sociale et en 1946 d’Annales. Économies, Sociétés, Civilisations), professeur à l’Université de Strasbourg (1919-1933), professeur au Collège de France à partir de 1933 (Chaire d’Histoire de la civilisation moderne), président du Comité de l’Encyclopédie française (1935-1939) dont le projet avait été lancé en 1932 par Anatole de Monzie, président de la Section des Sciences économiques et sociales (6e section) de l’École pratique des hautes études (1948).
Membre du « Comité de Vigilance des intellectuels antifascistes » (CVIA) fondé en mars 1934 ; de l’« Union des intellectuels français » (UDIF).
Lucien Fèvre était fils de Paul René Ferdinand Febvre, agrégé de grammaire, d’ascendance jurassienne, et de Edmondine Marie Élise Arnaud. Marié avec Suzanne Dognon, agrégée de l’Université, il fut père de trois enfants.
Dans l’Avant-propos de Combats pour l’histoire, recueil d’articles publiés peu avant sa mort, Lucien Febvre dit avoir choisi ce titre pour rappeler « ce qu’il y eut toujours de militant » dans sa vie ; mais il précisait « Mes combats, certes non : je ne me suis jamais battu ni pour moi ni contre tel ou tel, pris en tant que personne. Combats pour l’histoire, oui. C’est bien pour elle que, toute ma vie, j’ai lutté ». Ainsi donc si le fondateur des « Annales » ne prit pas part à la politique active (comme l’avait fait son camarade de promotion à l’École normale supérieure Albert Thomas), ses sympathies le portaient à gauche. Dans Combats pour l’histoire, il cite parmi les maîtres qui l’ont formé entre sa quinzième et vingt-cinquième année, à côté d’Élisée Reclus, de Burckhardt, de Courajod, de Stendhal, le Jaurès de l’Histoire socialiste. Un de ses premiers articles en 1909, dans la Revue de Synthèse historique d’Henri Berr, portait sur « Proudhon et le syndicalisme contemporain » (repris dans Combats pour l’histoire).
L’historien qui présidait le Comité de l’Encyclopédie française et qui en traça le plan d’ensemble n’était pas un homme de parti ; présentant l’entreprise, il écrivait « elle entend être une « œuvre » et répétons-le avec force, qui dit œuvre dit esprit. De parti ? Non, elle n’est au service d’aucun credo, ni politique, ni philosophique, ni dogmatique ». Cependant ses travaux universitaires n’allaient pas empêcher L. Febvre de prendre place après février 1934 dans le mouvement antifasciste. C’est ainsi qu’il fut un des premiers signataires du manifeste « Aux Travailleurs » lancé le 5 mars 1934, sous le triple patronage d’Alain, de P. Rivet et de P. Langevin. Il adhéra au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA). En novembre 1934, il fut élu au Bureau du CVIA. S’il ne milita plus, par la suite, activement au CVIA il donna son adhésion à d’autres groupements antifascistes. Il signa l’Appel de « Paix et Démocratie » (1er juillet 1937), organisme dont le but était d’organiser, face à la propagande et à l’action fasciste, un travail pratique de documentation, d’information et de liaison internationale. Il adhéra à l’« Union des intellectuels français pour la justice, la liberté et la paix » (UDIF) fondée par des intellectuels antimunichois, comme P. Langevin, V. Basch, A. Bayet ; il signa plusieurs appels de l’UDIF au début 1939 (notamment « une demande d’enquête sur les responsabilités de M. Georges Bonnet », publié dans les Cahiers des droits de l’Homme du 15 mars 1939). Durant ces années 1934-1939 donc, L. Febvre prit part au mouvement antifasciste tout en gardant son indépendance politique et intellectuelle. Attentif aux tentatives de renouvellement méthodologique, il rendit compte dans les Annales, avec sympathie mais non sans esprit critique, des deux volumes collectifs intitulés À la lumière du marxisme (1935 et 1937) publiés par les Éditions sociales internationales (ces articles sont repris dans Combats pour l’histoire).
Durant l’Occupation, Lucien Febvre maintint la publication des Annales, malgré les difficultés. Après la guerre, il poursuivit son œuvre d’historien au Collège de France, à la sixième section de l’École pratique des hautes études, tout en représentant la France à l’UNESCO et en jouant un rôle important au directoire du CNRS et aux conseils supérieurs de l’Éducation nationale.
Par Nicole Racine
OEUVRE : On se rapportera à la bibliographie choisie et méthodique qui clôt le recueil d’articles de L. Febvre, Combats pour l’Histoire, A. Colin, 1953, X-458 p. — Citons également le recueil posthume d’articles de L. Febvre, Pour une Histoire à part entière, École des Hautes études en Sciences sociales, 1962, 860 p.
SOURCES : Maurice Baumont, Notice sur la vie et les travaux de Lucien Febvre (1876-1956), Impr. Firmin-Didot, 1959, 22 p. Institut de France ; Académie des Sciences morales et politiques. — Hans Dieter Mann, L. Febvre, la pensée vivante d’un historien. Préf. de F. Braudel, A. Colin, 1971, 191 p. — Guy Massicote, L’Histoire problème : la méthode de Lucien Febvre, Saint Hyacinthe, Québec, Edisem, Paris, Maloine, 1981, 121 p. — État civil.