FELCE Ange, François

Par Michel Brot, Jacques Girault

Né le 21 août 1909 à Menton (Alpes-Maritimes), mort le 4 janvier 1999 à Villejuif (Val-de-Marne) ; instituteur ; syndicaliste révolutionnaire et pacifiste.

Ange, François Felce était l’un des cinq enfants d’un employé au TNL (Tramways Nice et littoral), originaire de Corse, atteint aux yeux par les gaz de combat pendant la guerre et pensionné. .

Pupille de la Nation, Ange Felce entra à l’École normale d’instituteurs de Nice en 1925. Il fut nommé à Coaraze en 1928 ; la même année, il était admis à l’École militaire des EOR de Saint-Maixent. Il exerça ensuite successivement dans les écoles de Nice — Saint-Jean-Baptiste de Beaulieu, de Nice-Pasteur, de Nice-Saint-Lambert. Il se maria à Nice en août 1936.

Très influencé par l’instituteur syndicaliste Simon Issautier*, il adhéra à la section départementale du Syndicat national en 1930 et, devint peu après, membre de son conseil syndical.

Ange Felce était de 1932 à 1936 le secrétaire général du Cartel confédéré des services publics et concédés des Alpes-Maritimes. La police le présentait sommairement comme « un auxiliaire précieux des communistes », « favorable aux unitaires ». En fait, il se voulait avant tout syndicaliste et prônait l’unité syndicale. Influencé par les idées de La Révolution prolétarienne à laquelle il collaborait (10 mai 1934, 10 novembre 1934) avec son ami Giauffret* , il adhérait au contenu de la brochure Tout le pouvoir au Syndicat. Il fut le dirigeant de l’importante manifestation des fonctionnaires à Nice, le 29 janvier 1934, qui donna lieu à de violents affrontements avec les forces de l’ordre.

Le 6 mars 1934, Felce coprésidait une conférence sur la vie en URSS donnée à Nice, par l’ouvrier Yvon, de retour de Russie ; les communistes le critiquèrent alors. Au congrès de l’Union départementale CGT, les 30 juin-1er juillet 1934, il fit adopter une résolution critiquant durement le Plan de la CGT en dépit des efforts du délégué confédéral national, Bothereau*.

Le 3 novembre 1934, Felce fut matraqué à Nice en compagnie de Jean Braman et de Virgile Barel* et violemment expulsé de la salle où se tenait un meeting de droite organisé par l’association « Pour une France propre. La France aux Français ».

Le 10 janvier 1936, Felce fut élu secrétaire général du nouveau cartel des services publics et concédés des Alpes-Maritimes issu de la réunification syndicale. Élu administrateur de la Bourse du Travail de Nice, le 21 janvier 1936, il devait être réélu en janvier 1938. Il représentait le syndicat des instituteurs des Alpes-Maritimes au congrès de réunification de la CGT à Toulouse (25 mars 1936). Il avait pris position en faveur du candidat communiste aux élections législatives de 1936, Virgile Barel, seul candidat se réclamant du Front populaire, dans la troisième circonscription de Nice.

À l’occasion du congrès de l’Union départementale CGT, le 24 mai 1936, Felce fut élu secrétaire général de l’UD à la place du socialiste Ferro. Tombé malade, il ne put jouer un rôle de premier plan en juin-juillet 1936. Les effectifs syndicaux passèrent de 9 000 adhérents à 53 000 en 1937. En mars 1937, il critiqua publiquement la « pause ».

Dans l’Union départementale, les communistes connaissaient une large progression de leur influence, notamment dans les secteurs nouveaux (bâtiment, hôtellerie, commerce). Aussi, le 13 juin 1937, au congrès de l’UD, Felce, réélu à la commission administrative, fut-il remplacé au secrétariat par le communiste Virgile Corbani. Les ex-confédérés furent relayés au bureau par des ex-unitaires. Socialistes et ex-confédérés protestèrent, accusant les communistes de « colonisation ». Une grave crise fut ouverte dans l’UD. Alors que le rapport de Felce au congrès avait été adopté à l’unanimité, quelques jours plus tard, il était attaqué. il répliqua dans un article de l’hebdomadaire socialiste L’Alerte, reproduit dans Syndicats, le 15 juillet 1937. Critiquant les ex-unitaires, réaffirmant ses positions de syndicaliste partisan de l’indépendance totale des syndicats à l’égard de tous les partis politiques, il concluait : « Au surplus, les ennemis de la classe ouvrière se trompent s’ils espèrent en nos divisions. » Lors des accords de Munich, V. Barel dénonçait « le rôle antiprolétarien et profasciste des démagogues à la Felce » (Le Cri des Travailleurs, 1er octobre 1938). Ces exemples montrent bien la violence des affrontements.

L’Alerte, le 17 juillet 1937, le présentait comme l’archiviste du groupe niçois des « Amis de Syndicats » qui venait de se créer. En 1984, Felce ne gardait aucun souvenir de cette désignation qui lui semblait purement formelle.

Peu après, Ange Felce succéda à Giauffret comme secrétaire de la section départementale du Syndicat national des instituteurs. Il le demeura jusqu’à la guerre. Parmi des 80 grévistes enseignants niçois, le 30 novembre 1938, pacifiste influencé par les analyses d’Émery, il n’acceptait pourtant pas la politique de recul constant devant les exigences de l’Allemagne. Il écrivait notamment : « La pire méthode — celle des démocraties jusqu’à ce jour — a été de dire : « Nous ne céderons pas un pouce », puis à reculer devant la menace. Qui ne voit qu’une telle méthode ne peut qu’augmenter le prestige des dictatures ? » (Ni la servitude, ni la guerre). Il fut révoqué de son grade de lieutenant de réserve par décret gouvernemental. Auteur de deux brochures pacifistes, La guerre c’est le fascisme, 24 pages, février 1937, Ni la servitude ni la guerre, 35 pages, février 1939, imprimées par son beau-père à Golfe-Juan, un moment adhérent du PSOP, il se définissait avant tout comme un syndicaliste révolutionnaire pacifiste. Il était considéré par le préfet, en 1939, comme le chef de file des adversaires du Parti communiste. Il se sentait proche des sentiments des adhérents et éloigné des positions des dirigeants communistes (témoignage de 1984).

Mobilisé en septembre 1939, comme soldat de deuxième classe à Épinal, Ange Felce fut fait prisonnier et affecté dans des commandos de travail. Près de Salzbourg, dans un commando dépendant du Stalag XVIII C, il fut élu homme de confiance par ses compagnons de travail et participa au mouvement de défense des droits des prisonniers. Il écrivit deux articles dans le journal Le Trait d’Union (n° 272, « Notre force et notre responsabilité », n° 273, « Collaboration économique »). Pendant ce temps, il avait été muté d’office en Haute-Loire. À son retour de captivité, après un congé de longue durée pour raison de santé, il exerça à Cagnes-sur-Mer, puis, au CEG Saint-Roch à Nice. Il écrivit deux romans historiques : Le Cœur et l’Épée et L’Orage gronde à Monaco. Tout en obéissant aux lois du genre, ces ouvrages étaient fortement imprégnés de la pensée constante de Felce, progrès social et pacifisme. Ils furent repris en feuilletons dans L’Espoir de Nice et L’Indépendant des Pyrénées.

Il avait épousé à Nice en août 1936, Victorine, Jeanne, Thérès Durero, née à Menton, le 6 septembre 1911, fille d’une couturière et d’un petit artisan imprimeur. Ce dernier était considéré — à tort selon Ange Felce — comme communiste par la préfecture. Père et beau-père de militants il fut traduit devant un tribunal militaire, condamné et emprisonné pendant quelques mois à Marseille à la fin de 1941.

Victorine Felce, institutrice, syndiquée depuis 1931, était membre du Conseil départemental de l’Enseignement primaire en 1935. Elle fut déplacée d’office par décision ministérielle, le 9 septembre 1940, en Haute-Loire. Elle bénéficia d’un maintien dans les Alpes-Maritimes en raison de son état de santé et de la situation de son mari, toujours prisonnier. Le préfet donnait son accord, le 1er août 1942, pour sa réintégration dans les Alpes-Maritimes avec son mari. Elle prit sa retraite en 1967.

Les époux Felce, qui avaient eu deux enfants, étaient toujours syndiqués au SNI après la guerre.

Ses romans furent publiés en feuilletons dans L’Espoir de Nice etL’Indépendant des Pyrénées.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article112958, notice FELCE Ange, François par Michel Brot, Jacques Girault, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 1er août 2021.

Par Michel Brot, Jacques Girault

ŒUVRE : Le Cœur et l’Epée. — L’Orage gronde à Monaco.

SOURCES : RGASPI, 517. 1. 1884, 1890. — Arch. Nat. F7/13024, 13020. — Arch. Dép. Alpes-Maritimes, fonds du cabinet, non classé. — Arch. Com. Nice, 6 F 3. — Presse locale, nationale et syndicaliste. — Renseignements fournis par l’intéressé, par Ph. Goldman et Y. Durand.

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