FÉLIX Jean, Marius

Par Jean Sagnes

Né et mort à Agde (Hérault) : 2 décembre 1885-30 octobre 1968 ; petit propriétaire ; socialiste SFIO ; maire d’Agde, député et conseiller général de l’Hérault.

Jean Félix
Jean Félix

Jean Félix était issu d’une famille de républicains et de socialistes. Son grand-père avait été arrêté et emprisonné sous l’Empire pour fait de grève. Son père Server Félix était un dirigeant socialiste d’Agde.

Élève du collège d’Agde, boursier, Jean Félix vécut dans un milieu familial où l’on participait pleinement aux luttes politiques qui marquèrent Agde dans les années 1898-1904. À seize ans, en 1901, il obtenait le baccalauréat et fondait aussitôt le groupe de la Jeunesse socialiste révolutionnaire d’Agde. Jusqu’en 1905, il représenta ce groupe dans les congrès fédéraux socialistes et dirigea la petite Fédération des Jeunesses socialistes de l’Hérault.

J. Félix ne poursuivit pas d’études supérieures. Il demeura à Agde, exerçant avec son père la profession de jardinier qui paraît lui avoir laissé quelques loisirs entièrement consacrés à son activité militante. Il se lança en effet dès 1901 dans la vie politique. Il collabora à de nombreux journaux socialistes : L’Étincelle, Le Socialiste de l’Hérault, l’Avenir Démocratique, etc... En 1906, il se disait publiciste. Mais il est certain que sa profession principale était toujours celle de jardinier.

Le socialisme avec lequel le jeune Félix fut en contact, dans les années 1900, était très éloigné du marxisme. Avec le passage à l’autonomie de la plupart des groupes socialistes de l’Hérault, dont celui d’Agde, ainsi que la persistance de liens étroits avec les radicaux, ce socialisme apparaissait de plus en plus comme un rameau du mouvement républicain jacobin. Au début de 1904, les militants du PS de F., polémiquant avec les socialistes autonomes d’Agde, manifestaient quelque indulgence à l’égard de Jean Félix, mettant ses « erreurs » sur le compte de l’entourage qui avait « la charge de son éducation politique » et parmi lequel il y avait Farras*.

En juillet 1904, quand le groupe socialiste d’Agde passa dans les rangs de la Fédération radicale, J. Félix demeura au sein de la Fédération socialiste autonome et, en mai 1905, adhéra à l’unité. Il fut désormais et pour de longues années le principal dirigeant de la section socialiste SFIO d’Agde.

En 1963, il affirmait avoir été délégué des Jeunesses socialistes de l’Hérault au congrès de Chalon (29 octobre-1er novembre 1905) et avoir voté la motion Cachin. Pourtant son nom n’apparaît ni dans le compte rendu du congrès, ni dans les articles de presse consacrés à la délégation de l’Hérault. Quoi qu’il en soit, J. Félix était présent le 12 novembre 1905 au congrès de la 1re circonscription de Béziers et se prononçait, avec son père, Sever Félix, responsable du groupe socialiste d’Agde, contre la candidature de Marcel Cachin* aux élections législatives de 1906. Cette candidature ayant cependant été ratifiée, J. Félix fit ensuite campagne pour M. Cachin, payant de sa personne dans des réunions publiques difficiles, hébergeant le candidat socialiste et sa jeune femme.

Avant 1914, Jean Félix fut, à plusieurs reprises, candidat à diverses élections, mais sans succès. Cinquante ans plus tard, il n’hésitait pas à attribuer une partie des insuccès socialistes aux élections de 1906 à 1914 à la fraude que les radicaux auraient pratiquée. En 1912, à la tête d’une liste socialiste, il échoua lors des élections municipales face à la liste radicale. En août 1913, il ne put ravir le siège de conseiller général du canton d’Agde au radical sortant. Enfin, aux élections législatives du 26 avril 1914, il fut le candidat du Parti socialiste SFIO dans la 3e circonscription de Montpellier (Cette) où il affronta le député sortant Molle, ex-socialiste SFIO. Il obtint 808 voix sur 11 218 suffrages exprimés soit 7,2 %.

À cette date, et depuis 1912, il était secrétaire fédéral du Parti socialiste. L’appui des députés Barthe et Reboul lui avait permis, lors du congrès départemental de décembre 1913, de demeurer à ce poste.

À partir de 1912, J. Félix fut régulièrement délégué aux congrès nationaux du Parti socialiste SFIO de Lyon (1912), Brest (1913), Amiens (1914).

J. Félix était passionné de politique et tous ceux qui l’ont connu avant 1914 le décrivent comme un militant énergique, batailleur, bon orateur doué d’une grande facilité d’élocution et d’une voix très puissante, ayant su en outre se constituer un groupe d’amis personnels dévoués.

Depuis 1911, J. Félix était secrétaire administratif du syndicat local des pêcheurs de sable d’Agde ; en janvier 1912, il succéda à Hilaire L. comme secrétaire de la Bourse du Travail qui se transforma alors en Union locale des syndicats ouvriers CGT (1912-1914).

En 1914, J. Félix mobilisé au 258e régiment d’infanterie, fut nommé sergent sur le champ de bataille, le 21 août 1914. Moins de deux ans plus tard, le 21 mars 1916, il fut fait prisonnier devant Montfaucon. Libéré après l’armistice du 11 novembre, il était encore sous les drapeaux au début de 1919. Dès son retour à la vie civile, au premier trimestre de 1919, il reprit le poste de secrétaire de la Fédération socialiste SFIO qu’il occupait avant la guerre. Aux élections législatives du 16 novembre 1919, il obtint 27 820 voix sur 87 258 suffrages exprimés. Il était le second élu de la liste socialiste dirigée par Édouard Barthe*. Quinze jours plus tard, aux élections municipales du 30 novembre, il était élu avec la liste qu’il conduisait et devenait peu après maire d’Agde. Ainsi commençait une longue carrière d’élu. Il fut en effet réélu à l’Assemblée nationale le 11 mai 1924, sur la liste du Cartel des gauches, avec 71 550 voix sur 111 022 suffrages exprimés. Mais en 1928, le scrutin d’arrondissement pour lequel il avait voté, lui fut défavorable. Candidat dans la 2e circonscription de Béziers, il obtint seulement 8 137 voix contre 9 156 au candidat radical, au 1er tour, et était battu au second par 10 002 voix contre 9 250. Il reprit son siège de député en 1932 : précédant le radical au premier tour avec 9 392 voix contre 8 894 et le battant au second par 10 618 voix contre 9 251. Par contre son mandat municipal ne connut pas d’interruption : il fut réélu en 1925, 1929, 1935. Il fut également conseiller général de l’Hérault. Une première fois, candidat dans le canton de Ganges, en 1922, contre le conseiller sortant et député royaliste, il n’avait d’autre ambition que d’apparaître comme le candidat de tous les républicains. Mais en 1928, dans le canton de Capestang, il fut facilement élu au conseil général et le demeura jusqu’en 1934. En 1928 et 1929, il fut secrétaire du conseil général de l’Hérault.

Dirigeant départemental du Parti socialiste, il fut secrétaire fédéral, du début de 1919 au 15 février 1920 puis de janvier 1929 à janvier 1933. Il fut délégué aux congrès nationaux du Parti socialiste de Strasbourg (1920), Marseille (1926), Clermont-Ferrand (1928), Paris (1930), Bordeaux (1930), Tours (1931). Il se situait à la droite de son parti, parmi les « participationnistes » proches des radicaux. En 1932, il fut membre suppléant du CA du Populaire. Pour affermir sa position personnelle, il créa, en octobre 1922, Le Languedoc socialiste et démocratique, dont il fut le directeur et qui n’était pas soumis au contrôle du Parti socialiste. Chaque semaine, dans ce journal, il signait un article le plus souvent de polémique. Il n’était pas dépourvu de qualités manœuvrières que ses adversaires, y compris au sein du Parti socialiste, lui reprochaient sans aménité. À l’Assemblée nationale, il fut membre des commissions des boissons, de la marine marchande, du commerce et de l’industrie, de l’armée, des affaires étrangères, de la comptabilité et du règlement. Il intervint surtout sur les questions viticoles.

Bien que fort proche pendant des années de Déat et Renaudel ainsi que de Barthe* et Reboul* , qui constituèrent en France et dans l’Hérault, à la fin de 1933, le PSDF néo-socialiste, J. Félix hésita à rejoindre les scissionnistes. En décembre 1933, au moment où se créait la Fédération de l’Hérault du PSDF, il mit sur pied un « Comité pour la reconstruction socialiste » ayant l’ambition de rapprocher SFIO et PSDF, mais si ses amis du PSDF l’approuvaient, il n’en était pas de même des dirigeants de la Fédération SFIO, en particulier Fernand Roucayrol*. En fait, sa position devint rapidement intenable au sein de la SFIO. En mars 1934, il était traduit devant la commission fédérale des conflits aux fins d’exclusion. Lui-même, prononçait un discours au congrès fédéral du PSDF le 13 mai 1934. Il semble toutefois n’avoir adhéré au PS-DF qu’au début de 1935. En réalité ses hésitations étaient d’ordre tactique et, dès le 20 octobre 1935, il devenait secrétaire de la Fédération PSDF de l’Hérault. En décembre de la même année, il était membre du comité antifasciste d’Agde et adhérait au Rassemblement populaire. Mais aux élections législatives d’avril-mai 1936, candidat de l’USR, il ne se prononçait pas clairement en faveur du Front populaire. Il n’arrivait qu’en troisième position avec 5 512 voix, derrière le candidat SFIO F. Roucayrol (5 797) et le radical (5 748). Il se maintint néanmoins au second tour ainsi que le radical mais le désistement communiste en faveur du candidat SFIO assurait à celui-ci une nette victoire avec 9 608 voix, J. Félix n’en recueillant que 3 797 malgré le soutien (ou à cause de cela même) que lui apportait le journal d’extrême droite L’Éclair. Il demeura secrétaire fédéral du PSDF jusqu’au 24 janvier 1937. Désormais, son influence politique était en déclin. Il renonça à se représenter au conseil général dans le canton de Capestang. À Agde même, où il pouvait compter sur une solide clientèle personnelle renforcée par le fait qu’il présidait une distillerie coopérative, une cave coopérative de vinification (créées par lui respectivement en 1926 et en 1937) ainsi que la Caisse locale de Crédit agricole mutuel, son autorité était battue en brèche. Aux élections municipales partielles du 10 juillet 1938, la liste qu’il patronnait fut devancée par une liste SFIO — radicale et, au second tour, il retirait ses candidats. Il devait désormais compter avec une minorité d’opposants au conseil municipal. Le 9 octobre 1938, l’USR le présenta à une élection sénatoriale partielle. Il obtint 167 voix sur 867 suffrages exprimés, arrivant en troisième position derrière le candidat radical-socialiste et le candidat radical-indépendant. Le gouvernement lui confiait encore quelques missions comme celle d’enquêter sur la situation de l’agriculture en Afrique du Nord (avril-juin 1937) ou la présidence du Comité national inter-professionnel des agrumes (novembre 1938).

En 1940 puis en 1941, il fut maintenu au poste de maire d’Agde par le régime de Vichy. Il resta en place jusqu’à la Libération, en août 1944. Il ne fut pas alors sérieusement inquiété, aucun mouvement de Résistance ne portant contre lui d’accusation grave. Après 1945, il appartint à l’UDSR mais n’eut plus d’activité politique publique. On lui attribuait cependant, avec quelque vraisemblance, une certaine influence dans l’élaboration de listes municipales notamment en 1953 et 1959. Il revint au Parti socialiste SFIO en 1960 et se montrait, en privé, fort hostile à l’UNR.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article112990, notice FÉLIX Jean, Marius par Jean Sagnes, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 4 mai 2013.

Par Jean Sagnes

Jean Félix
Jean Félix

SOURCES : Arch. Dép. Hérault, 15 M 64 à M 79. — L’Étincelle, 1898-1904. — Le Socialiste de l’Hérault, 1903-1904. — L’Action socialiste, 1904. — Le Combat social, 1905-1906. — L’Avenir démocratique, 1906. — Le Devoir socialiste, 1913. — Le Languedoc socialiste, 1922-1939. — Comptes rendus des congrès socialistes nationaux cités. — J. Jolly, Dictionnaire des Parlementaires français, 1968, t. V. — Interview de Jean Félix à Agde le 11 juin 1963. — Interview de Jean Dô à Vias le 1er mars 1973. — Renseignements fournis par la famille.

ICONOGRAPHIE : Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes, II, op. cit., p. 198. — Encyclopédie du Mouvement syndicaliste, Paris, 1912 (Bibl. Nat. 8° R 26 254).

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